Non rémunération des dépôts à vue: quelques éléments théoriques - article ; n°3 ; vol.6, pg 39-60
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Description

Revue française d'économie - Année 1991 - Volume 6 - Numéro 3 - Pages 39-60
L'article reprend les discussions récentes sur les conséquences de la non-rémunération des dépôts, en insistant sur les principaux arguments théoriques avancés. Ceux-ci sont regroupés en trois catégories, selon qu'ils ont trait à «l'organisation industrielle» du secteur (taille des réseaux, subventions croisées entre services,...), au risque bancaire, ou aux aspects redistributifs.
The paper reviews recent discussion on the regulation of deposit rate. It concentrates upon the main theoretical arguments at stake. We successively consider the consequences of regulation upon the industrial organization of the sector (network size, non-subsidies,...) upon risk and upon income distribution.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre-André Chiappori
Non rémunération des dépôts à vue: quelques éléments
théoriques
In: Revue française d'économie. Volume 6 N°3, 1991. pp. 39-60.
Résumé
L'article reprend les discussions récentes sur les conséquences de la non-rémunération des dépôts, en insistant sur les
principaux arguments théoriques avancés. Ceux-ci sont regroupés en trois catégories, selon qu'ils ont trait à «l'organisation
industrielle» du secteur (taille des réseaux, subventions croisées entre services,...), au risque bancaire, ou aux aspects
redistributifs.
Abstract
The paper reviews recent discussion on the regulation of deposit rate. It concentrates upon the main theoretical arguments at
stake. We successively consider the consequences of regulation upon the industrial organization of the sector (network size, non-
subsidies,...) upon risk and upon income distribution.
Citer ce document / Cite this document :
Chiappori Pierre-André. Non rémunération des dépôts à vue: quelques éléments théoriques. In: Revue française d'économie.
Volume 6 N°3, 1991. pp. 39-60.
doi : 10.3406/rfeco.1991.1288
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1991_num_6_3_1288Pierre-André
CHIAPPORI
Non rémunération des
dépôts à vue : quelques
éléments théoriques
reste l'un des seuls où armi la rémunération les pays développés, des dépôts la France ban
caires reste strictement réglementée. L'interdiction de ver
ser des intérêts sur les dépôts à vue, formulée par le Conseil
National du Crédit en 1967 (décret Debré), reste en v
igueur. Quelques failles sont certes apparues dans le dis
positif. Ainsi, les employés des banques et de certaines Pierre-André Chiappori 40
administrations bénéficient d'une dérogation au décret
Debré; récemment, certains établissements ont offert à
leurs clients des produits sophistiqués, dont les caractéris
tiques les rapprochaient de comptes rémunérés1. Il reste
que, pour leur grande majorité, les titulaires de dépôts à
vue ne peuvent percevoir d'intérêts sur ces avoirs. Cette
originalité — ou faudrait-il parler de retard? — pourrait
bien faire problème dans les années à venir: même si
l'uniformisation absolue des réglementations des divers
pays de la Communauté n'est pas à l'ordre du jour, il reste
que l'intégration européenne pousse, le plus souvent, à
l'abolition des spécificités nationales. Et l'insistance avec
laquelle la Commission cherche à promouvoir la concur
rence, dans le secteur bancaire comme ailleurs, paraît
condamner le système français2. Dans le même sens, enfin,
la Commission des Finances de l'Assemblée a récemment
présenté la rémunération des dépôts (et la tarification des
services) comme «inéluctable».
En la matière, cependant, la prudence est de mise.
Le mouvement général de déréglementation financière, à
son apogée dans les années quatre-vingt , paraît marquer
le pas. La crise des Caisses d'Epargne américaines, avec un
coût chiffré en centaines de milliards de dollars, restera
l'événement marquant de la décennie financière3; et les
fragilités observées en d'autres points de l'édifice
(banques, compagnies d'assurance,...) laissent craindre
que ces difficultés ne soient pas sans lendemain. En Europe
même, il n'est pas exclu que, déréglementation aidant,
l'extraordinaire sécurité dont ont bénéficié ces dernières
années les systèmes bancaires et financiers des principaux
pays, ait bien du mal à être maintenue. Au total, on redé
couvre que la notion de risque systémique n'avait rien
d'une illusion — et, partant, que les réglementations ban
caires n'étaient pas sans objet4.
On peut donc légitimement s'interroger sur les Pierre-André Chiappori 41
avantages et les coûts des dispositions françaises sur la
non-rémunération. Pour clarifier l'analyse, il est utile de
distinguer trois types d'effets, affectant respectivement la
structure d'ensemble du marché bancaire, sa vulnérabilité
vis-à-vis des risques systémiques, enfin les aspects redistri-
butifs à l'intérieur de la population.
Les effets structurels
Comme toute réglementation, la non rémunération des
dépôts a des conséquences de long terme sur la structure
générale du système bancaire. Elle revient en effet à fixer
administrativement le prix d'un service fourni par un
marché par ailleurs très concurrentiel ; d'où création d'une
rente au bénéfice des banques de dépôts. En bonne logique
économique, la rente résulte de la différence entre le coût
effectif de la ressource (qui, même pour les dépôts non
rémunérés, n'est pas nul, puisque tous les frais de gestion
ne sont pas facturés) et son coût d'opportunité — c'est-à-
dire le coût qu'aurait cette même ressource, s'il fallait la
lever sur les marchés. En particulier, la rente est liée au
niveau nominal des taux d'intérêt ; fortement positive dans
une conjoncture de taux élevés, et notamment au cours
des dernières années, elle pourrait s'annuler (voire s'i
nverser) en cas de baisse brutale des taux (éventualité ce
pendant improbable à moyen terme).
En première analyse, la non rémunération s'ap
parente ainsi à un transfert: il y a prélèvement sur les
déposants, au bénéfice des institutions financières. En un
sens, l'Etat, au travers de la réglementation, lève de facto
un impôt sur les dépôts à vue — la particularité de cet
impôt tenant au fait que l'Etat n'en est pas lui-même le
bénéficiaire direct. Cependant, la théorie économique
nous enseigne que les effets d'une distorsion du système 42 Pierre-André Chiappori
de prix ne se limitent presque jamais à de purs transferts :
ils induisent aussi des modifications de comportement des
acteurs. Celles-ci, à leur tour, se traduiront en changements
structurels ; d'où, le plus souvent, des inefficacités écono
miques, qui constituent le coût majeur des distorsions.
Dépenses excessives d'infrastructure
Le cas du secteur bancaire est d'un intérêt théorique par
ticulier. Tout d'abord, l'interdiction de rémunérer ne va
évidemment pas supprimer la concurrence ; au contraire,
celle-ci sera d'autant plus intense qu'elle a pour objet l'a
ppropriation d'une rente en sus du profit « normal». Cepend
ant, à la différence d'un marché habituel, la concurrence
ne peut pas s'exercer au travers du prix du service corre
spondant — bloqué réglementairement à un niveau infé
rieur à celui d'équilibre. La théorie, rejoignant ici l'obser
vation empirique (et le bon sens), prévoit que la
compétition prendra alors d'autres canaux. Le plus imméd
iatement perceptible est un accroissement des dépenses
d'infrastructure — et notamment, dans le contexte banc
aire, une augmentation du nombre d'agences5. La logique
est claire: plus le gain réalisé sur chaque compte à vue
supplémentaire (du fait notamment de la non rémunérat
ion) est élevé, plus la rentabilité apparente des créations
d'agences — qui permettent justement, moyennant des
coûts d'infrastructure, d'attirer de nouveaux clients — sera
artificiellement gonflée. D'où un surdimensionnement des
réseaux par rapport à leur rentabilité économique réelle.
Le tableau n° 1 confirme cette intuition théorique.
Il donne, pour les principaux pays occidentaux, la densité
du réseau d'agence.
On constate bien que les pays à plus forte densité
sont justement ceux où, du fait de la réglementation
(France) ou d'ententes sur le marché (RFA, Belgique,
Royaume-Uni avant 1989), la marge bénéficiaire est la plus Pierre-André Chiappori 43
élevée6 ; inversement, la forte concurrence en taux (et les
faibles marges) qui caractérisent les Etats-Unis, le Canada
ou l'Italie

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