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ASPECTS DE LA MONDIALISATION POLITIQUE
rapport établi sous la direction de
Jean Baechler et Ramine Kamrane
SOMMAIRE
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Présentation
par Ramine Kamrane p. 2
La mondialisation politique
par Jean Baechler p. 5
Le problème de l’émergence de l’Europe dans un monde multipolaire, « Europe -
puissance » ou collaboration transatlantique
par Georges-Henri Soutou p. 16
Peut-on intégrer la Russie dans un ordre mondial oligopolaire ?
par Alain Besançon p. 28
Un nouveau rôle pour l’Inde ?
par Christiane Hurtig p. 49
La mondialisation du droit
par Mireille Delmas-Marty p. 60
L'humanité et les guerres de la mondialisation - considérations réalistes sur l'éthique et
le droit international par André Tosel p. 73
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PRESENTATION
Ramine KAMRANE
Un nouvel ordre international est indispensable et inévitable. Sera-t-il défini par
l'hégémonie américaine, par un chaos incontrôlable ou par un ordre rappelant le concert
européen des nations. Le premier de deux cahiers explore la troisième issue, en déduit la
logique, saisit des acteurs plausibles et repère des indices de l'émergence de la solution.
Jean Baechler, propose une analyse conceptuelle de la mondialisation axée sur le
problème du nombre des acteurs de la politique internationale. Le monde dipolaire ayant pris
fin avec la chute de l'empire soviétique, deux voies s'ouvrent devant l'humanité. Ou bien une
situation unipolaire où une seule politie, hégémonique ou purement impériale, s'érigerait
comme acteur ultime ou unique. Ou bien une situation oligopolaire, où des pôles régionaux
émergeraient pour cadrer le jeu des relations internationales, en créant de fait une situation
semblable au concert des nations européennes. C'est cette seconde solution qui est considérée
comme la plus probable et la plus souhaitable, car elle serait à même de permettre la
réalisation d'une paix durable. Mais la réalisation de cette paix requiert d'une part l'équilibre
de la puissance entre les acteurs peu nombreux qui resteraient en lice, ce qui exclue de trop
grandes disparités mais aussi l'assimilation par les acteurs de la logique objective d'un
système oligopolaire faite de concurrences et d'alliances changeantes. L'Europe jouerait ainsi
un double rôle dans ce monde oligopolaire, elle offrirait —à travers son histoire— le schème
du jeu international à venir et proposerait en même temps un modèle d'intégration des unités
politiques par une voie ni impérial ni hégémonique, une première dans l'histoire de
l'humanité.
La situation de l'intégration européenne constitue l'objet de l'article de Georges-Henri
Soutou, qui y décèle deux tendances, l'élargissement et l'approfondissement. Tendances qui ne
sont pas contradictoires en théorie, mais qui ne peuvent être poursuivies au niveau historique
de manière parallèle et indifférente aux contingences politiques. Tendances qui dessineront la
place de l'Europe entre les États-Unis, qui souhaitent un maintien et une augmentation de son
influence en Europe, et la Russie qui cherche à étendre son influence au niveau de celle de
l'URSS. Le grand choix qui s'offre ainsi à l'Europe et qui fait l'objet de nombreuses
discussions est celui de se limiter à être une zone de libre-échange, qui s'accommoderait d'un
élargissement souple et rapide, ou de franchir le pas vers le fédéralisme, où l'identité
européenne en matière de défense constitue le point nodal. Le choix entre la poursuite des
buts de nature purement économique et la mise en place d'un programme politique ambitieux
se complique en raison de la présence de l'OTAN, qui remplit effectivement le rôle de la
grande alliance militaire en Europe et où les États-Unis gardent une place prépondérante. Si la
réduction de l'Europe à une simple zone de libre-échange paraît non souhaitable et la
fédération improbable, deux solutions intermédiaires s'offrent aux acteurs politiques. Ou bien
la création d'un noyau dur au sein de l'Europe, où les pays les plus intéressés mettraient en
place des structures de coopération ad hoc, ou bien le retour à la pensée des pères fondateurs.
Cette dernière solution est fondée sur un progrès par secteurs fonctionnels avec des autorités
supra-nationales sans la remise en cause de l'existence et l'autorité des États. Progrès qui serait
pondéré par un triple équilibre, entre les grands pays, entre les grands et les petits et enfin
entre les institutions.
2 L'analyse d'Alain Besançon est une incursion dans l'histoire russe et soviétique afin
de souligner les différences de ce passé historique avec celui de l'Europe et d'évaluer les
possibilités que la Russie remplisse le rôle de pôle régional. Il distingue dans cette histoire
deux voies de modernisation, celle autoritaire et volontariste de Pierre Ier qui passe par le
renforcement et l'activation des moyens qui sont à la disposition du souverain et celle de
Catherine II qui vise la mise en place d'une structure sociale comparable à celle de l'Europe et
le développement de la société civile. L'échec de la solution libérale et celui consécutive du
communisme posent de nouveau le problème de la cohérence et de la force de la société civile
russe. Sa faiblesse est largement causée par le fait que le partage des biens à la suite de la fin
du communisme s'est fait selon un pur rapport de forces où une fraction du parti et une couche
trafiquante ont pu s'attribuer la part du lion et où l'absence du droit a renforcé les distorsions
ainsi créées. Dans cette situation, la Russie est confrontée à un triple choix, user de son
pouvoir de nuisance au niveau international, ce dont il n'a pratiquement plus les moyens;
s'associer à l'Europe occidentale et dans ce cas c'est l'Allemagne qui jouera un rôle clef ;
accepter son rang de moyenne puissance et s'européaniser. Paradoxalement, la Russie ne
pourra jouer le rôle de puissance oligopolaire qu'en se repliant sur son rôle de grande
puissance, à la fois artificiel et ruineux.
Les difficultés de l'émergence de l'Inde comme puissance régionale font l'objet de
l'étude de Christiane Hurtig. Le problème principal qui se pose à l'Inde étant le fait qu'avec la
fin du monde bi-polaire le credo principal de la politique étrangère de ce pays, à savoir le non-
alignement, n'a plus d'objet. La nouvelle situation exige une redéfinition radicale de la
position du pays au niveau international, avec toutes les difficultés et les incertitudes qu'une
telle entreprise peut comporter. L'Inde détient des avantages économiques notables, mais
n'arrive pas à les transformer en avantages politiques. La situation géopolitique de l'Inde et
son émergence éventuelle comme pôle régional requièrent une redéfinition des relations avec
la Chine, le Pakistan, le Népal et le Bangladesh. Mais le poids d'un passé historique récent, où
l'Inde a