Chronique judiciaire Assises Rwanda 2007
N°6
Le procès de Bernard NTUYAHAGA devant
la Cour d’Assises de Bruxelles
Les moments forts du procès semaine après semaine
erBruxelles, semaine du 29 mai au 1 juin 2007
« Les témoins directs des faits : militaires ONU et militaires rwandais »
Le chef d’Etat-major de la gendarmerie nie toute implication dans le génocide (29.05.07)
La matinée de mardi a été consacrée au visionnement de plusieurs cassettes concernant l’histoire du
génocide rwandais. Une cassette présentée par la défense insistait sur les crimes commis par le FPR,
tandis qu’une cassette présentée par Me MOUREAUX, conseil de l’Etat rwandais, partie civile dans ce
dossier, présentait l’histoire du génocide des Tutsis et Hutus modérées par les Hutus extrémistes.
En fin de matinée, le Président de la Cour a lu trois déclarations de l’ancien chef d’Etat-major de la
gendarmerie, le général NDINDILIYIMANA, actuellement détenu au TPIR. Il y est accusé, entre autre,
et avec d’autres détenus, d’être responsable du meurtre des dix casques bleus, au titre de « crime
contre l’humanité ».
Ces déclarations contiennent quelques contradictions mais se regroupent globalement de la manière
suivante : selon le général NDINIDILIYIMANA, il se trouvait chez lui, le 6 avril au soir, lorsque l’avion du
président HABYARIMANA a été abattu. Vers 21h00, il a eu un contact avec le colonel BAGOSORA qui
lui a demandé de se rendre à l’Etat-major pour la réunion d’un « comité de crise ». Le général confirme
les déclarations d’autres témoins concernant le contenu de cette réunion. Deux tendances s’y sont
opposées : prise de pouvoir par les militaires ou continuation des accords d’Arusha (hypothèse qui a
finalement été retenue, après consultation de M. BOOH-BOOH). Le lendemain, le général
NDINDILIYIMANA s’est rendu chez l’ambassadeur des Etats-Unis à 9h00 en compagnie du colonel
BAGOSORA, et ensuite à une réunion à l’ESM où la plupart des officiers étaient présents. Le général
confirme que le colonel NUBAHA est bien venu, vers 10h30, à cette réunion avertir les autorités
présentes de la situation difficile dans laquelle se trouvaient les casques bleus belges au camp Kigali. Il
confirme également que le général DALLAIRE est bien arrivé, vers 11h00 à la réunion et qu’il a insisté à
la fin de celle-ci auprès du colonel BAGOSORA pour que la situation des casques bleus du camp Kigali
soit réglée au plus vite.
Selon le général NDINIDILIYIMANA, à aucun moment il n’a été question de l’implication des belges
dans l’attentat contre l’avion présidentiel. Selon lui, chacun pensait plutôt qu’il s’agissait du FPR. Il dit ne
pas comprendre comment le major NTUYAHAGA a pu se retrouver chez le Premier Ministre avec pour
mission de désarmer les casques bleus.
1« Le major NTUYAHAGA a assisté au massacre des casques bleus sans réagir » (29.05.07)
La Cour a entendu durant tout l’après-midi un témoin capital, un des seuls témoins oculaires direct des
faits : le capitaine togolais Kodjo APEDO, qui était observateur ONU au camp Kigali en 1994.
Le 6 avril, le capitaine APEDO se trouvait dans un local réservé aux observateurs de la MINUAR, situé
à l’entrée du camp Kigali. Dans la soirée, il a appris la nouvelle de l’attentat contre l’avion présidentiel
par l’intermédiaire de son « Motorola ». Il s’est mis à l’écoute de sa radio mais a fini par s’endormir. Le 7
avril, il s’est réveillé à 5h00 du matin à cause du bruit de coups de feu. A ce moment il a remarqué que
de nombreux militaires armés circulaient dans le camp. Vers 7h00, il a vu 1.500 à 2.000 soldats se
rassembler sur le tarmac du camp, de manière très ordonnée, attendant apparemment les ordres de
leurs supérieurs.
A 7h30, selon le capitaine APEDO, un minibus blanc est venu déposer les casques bleus. Il situe de
manière claire cet événement à 7h30, bien qu’il n’avait pas de montre (il avait un chrono autour du cou,
a-t-il précisé à l’audience). Il ne sait pas expliquer quelle serait la cause de la contradiction flagrante
entre « son » heure et les indications qui résultent de l’enregistrement des communications radio, selon
lesquelles, les casques bleus seraient arrivés au camp vers 9h00.
Selon les souvenirs du capitaine APEDO, le major NTUYAHAGA, qu’il connaissait bien, se trouvait à
l’avant du véhicule à côté du chauffeur. Deux ou trois militaires rwandais armés sont descendus du bus,
le major également. Ils ont déposé les 15 casques bleus. Ensuite, les militaires rwandais et le major
NTUYAHAGA sont remontés dans le minibus qui est directement reparti.
Le lieutenant des belges, Thierry LOTIN, est directement venu vers lui et il lui a demandé où lui-même
et ses compagnons se trouvaient. APEDO dit l’avoir informé dès ce moment qu’il s’agissait du camp
Kigali. Quatre des militaires belges, très nerveux, sont entrés dans le local d’APEDO. LOTIN les a alors
calmé en leur disant « ici, c’est pas la Somalie ». D’autres fumaient des cigarettes. Pendant ce temps,
les militaires ghanéens, eux, étaient assis devant son bureau.
Environ 5 à 10 minutes après le départ du minibus, des militaires rwandais, dont des invalides de
guerre, ont commencé à frapper les soldats belges en disant que ce sont eux qui avaient tué le
Président HABYARIMANA. Les casques bleus ghanéens et certains belges ont réussi à se réfugier
dans le local de la MINUAR. LOTIN a essayé de lancer des messages d’appel à l’aide vers ses
supérieurs via le « Motorola » du capitaine APEDO. Quatre soldats belges sont restés dehors,
agonisants et saignants abondement à cause des coups qu’ils avaient reçus. Le capitaine APEDO s’est
alors mis devant la porte de son local pour défendre les casques bleus. Des militaires rwandais étaient
en train de dépouiller les soldats qui étaient à terre et voulaient entrer dans le local. Les Rwandais l’ont
emmené de force dans un autre local. Il a voulu utiliser son « Motorola », mais ils l’en ont empêché en
éteignant l’appareil. Toutefois, selon le témoin, plusieurs officiers supérieurs rwandais ont alors tenté de
s’interposer face au massacre. Il cite en exemple : Grégoire MUNANA, François-Xavier
NZUWONEMEYE, Laurent NUBAHA, … APEDO a aussi remarqué à ce moment que le major
NTUYAHAGA était revenu au camp Kigali et qu’il assistait lui aussi au massacre, « sans encourager les
militaires, mais sans tenter de les disperser non plus ». Le capitaine APEDO a voulu emmener les
blessés belges à l’hôpital, mais les militaires rwandais s’y sont opposés. Enfin, les Rwandais ont fait
sortir les soldats ghanéens du local de la MINUAR et, avec le capitaine APEDO, ils ont tous été amenés
dans les bâtiments de l’Ecole Supérieure Militaire, située à environ 150-200m du local de la MINUAR,
dans l’enceinte du camp. Il s’y tenait une réunion entre BAGOSORA et les officiers FAR, à laquelle le
général DALLAIRE assistait également. Alors qu’ils attendaient la fin de la réunion, ils ont alors entendu
beaucoup de coups de feus et le sergent rwandais qui les accompagnait leur a dit « qu’on était en train
2de massacrer les belges ». Environ 30 minutes plus tard, le capitaine APEDO a pu parler avec le
général DALLAIRE et lui a