Description littéraire et description historique de Paris pendant la première moitié du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.6, pg 165-179
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1954 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 165-179
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Chevalier
Description littéraire et description historique de Paris pendant la
première moitié du XIXe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1954, N°6. pp. 165-179.
Citer ce document / Cite this document :
Chevalier Louis. Description littéraire et description historique de Paris pendant la première moitié du XIXe siècle. In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1954, N°6. pp. 165-179.
doi : 10.3406/caief.1954.2057
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1954_num_6_1_2057DESCRIPTION LITTERAIRE
ET HISTORIQUE DE PARIS
PENDANT LA PREMIÈRE MOITIE
DU XIXe SIÈCLE
Communication Je M. Louis CHEVALIER
au Ve congrès de l'Association, à Paris,
le 4 septembre 1953
Parmi les raisons qui expliquent l'absence presque complète en
France d'une histoire sociale définie comme une description conti
nue, homogène, chiffrée de la population sous ses divers aspects
matériels et moraux, l'on ne peut manquer de mettre en premier
lieu l'existence des grandes œuvres littéraires qui ne se présentent
pas seulement comme d'irréfutables documents, mais qui doivent
à la magie du verbe le privilège de reconstituer en permanence les
situations disparues et d'en offrir, pour ainsi dire, une expérience
indéfiniment renouvelée. C'est vrai de l'histoire sociale du début
du XIXe siècle à nos jours, mais surtout de celle de ces trois
premiers tiers du XIXe siècle, pour lesquels les témoignages de
cette sorte sont particulièrement nombreux, prestigieux, convainc
ants. C'est vrai de l'histoire sociale de l'ensemble de la France,
de ses campagnes et de ses villes, mais surtout de celle de Paris.
Balzac, Hugo, Sue, Daudet, Zola ont laissé de la capitale une
description tellement complète et tellement concrète que les histo
riens, délaissant des recherches d'archives apparemment mutiles
et de vaines statistiques, se contentent, pour la plupart, d'emprunt
er à tant de romans illustres la matière première de leurs travaux.
A l'histoire politique et à l'histoire économique de la capitale,
péniblement construites de documents éprouvés, vient curieusement
s'ajouter une histoire sociale, presque entièrement constituée de
fictions.
Sans rechercher les mécanismes d'une telle abdication, nous 166 GÉOGRAPHIE LITTÉRAIRE
observerons seulement que l'œuvre de Balzac plus que toute autre»
semble expliquer une attitude aussi étrangère aux pratiques rigou
reuses de l'histoire traditionnelle. Elle seule pouvait triompher
d'une méfiance que 'les descriptions tumultueuses d'un Hugo, d'un
Zola risquaient d'exaspérer. Elle seule, par ce bilan impersonnel
de faits, de personnages, de lieux qu'aucune vision intermédiaire
ne défigure ou ne déforme. Elle seule, beaucoup moins par les
personnages majeurs et les sites privilégiés de la « Comédie hu
maine » que par ces liens multiples et apparemment secondaires
qui unissent ces personnages à l'ensemble de la société et ces quart
iers à l'ensemble de la ville : indications de parenté, de voisinage,
d'amitié, références d'affaires et de clientèle, notations d'adresses
qui semblent empruntées à ces registres d'état civil ou à ces
répertoires commerciaux, dans la sécheresse et le dénuement des
quels l'histoire recherche ses plus intenses et ses plus sûres évocat
ions. Elle seule, beaucoup moins en somme par ce que j'appel
lerais ses parties hautes, dont l'étude relève de préoccupations et
de techniques qui ne sont pas les nôtres, que par ses parties basses
qui, dans leur imperfection et leur inachèvement, se confondent
avec le matériel habituel de l'histoire sociale : véritables dossiers
d'archives, entre autres archives parvenues jusqu'à nous. C'est
grâce à l'œuvre de Balzac que la plupart des grands romans sociaux
des trois premiers tiers du XIXe siècle, même les plus encombrés
de littérature, ont pu être considérés par les historiens sinon comme
de véritables documents d'histoire, du moins comme des témoigna
ges méritant un certain crédit. La description que Balzac, Hugo,
Sue, Zola ont laissée de Paris pendant la Restauration, la Monarc
hie de Juillet et le Second Empire explique l'absence de toute
recherche valable d'histoire sociale portant sur cette époque, en
dépit d'une abondante documentation publiée et non publiée.
On conçoit qu'un effort pour créer une telle histoire ne puisse
se dispenser, dans une première démarche, de rejeter ce monde
d'images et de ramener la description sociale à l'étude des faits
que l'on constate, que l'on observe et surtout que l'on mesure. Il
n'en est pas moins vrai que ces images existent, qu'elles envahis
sent la recherche la plus soucieuse de les écarter .apportant aux
dépouillements quantitatifs eux-mêmes une authentification que le
statisticien, en bout de course, est surpris, puis flatté d'accepter.
Dans ces dossiers de faillites qui sont conservés aux Archives de
la Seine et qui permettent à une enquête portant sur des nombres
suffisamment élevés de décrire la carrière d'artisans et de commerç
ants de Paris, c'est César Birotteau, Remonencq, Cadenet et
combien d'autres que l'on retrouve et qui semblent apporter aux
conclusions d'histoire sociale une confirmation, une garantie de CHEVALIER 167 L.
vérité qu'il serait bien au contraire dans le rôle de l'histoire sociale
de leur conférer.
Aussi, la recherche historique est-elle amenée à dépasser ce
refus, par lequel elle ne pouvait manquer d'inaugurer son entreprise
et à adopter, à l'égard des grandes oeuvres littéraires du XIXe
siècle, une attitude plus nuancée. C'est cette attitude qu'il nous
faut définir. Il ne s'agit pas d'étudier ici la vérité historique des
descriptions sociales que ces œuvres nous proposent, ou plutôt nous
imposent. Une telle étude supposerait achevée cette histoire sociale
qui n'en est qu'à ses débuts et que le formidable obstacle litté
raire a empêché, jusqu'à une époque récente, de naître. Certes,
il est possible d'identifier tel personnage isolé, telle scène précise,
tel drame de la « Comédie humaine », des « Misérables » ou des
« Mystères de Paris » ; en cette tâche, la recherche historique peut
aider la recherche littéraire. Mais, en dehors de ces rencontres
hasardeuses qui ne présentent pour l'historien qu'un intérêt secon
daire, nul ne saurait prétendre dire si le tableau que les romanciers
du XIXe siècle nous proposent de la bourgeoisie ou du prolétariat
parisien correspond à la réalité. Ecartant ce grand sujet que les
travaux d'histoire et de littérature permettront sans doute un jour
d'aborder, je voudrais seulement indiquer comment et jusqu'à quel
point les efforts entrepris de divers côtés pour créer une histoire
sociale véritable, c'est-à-dire quantitative, peuvent utiliser les
descriptions littéraires. Simple exposé de méthode, de technique
historiques, au cours duquel nos exemples seront de préférence
choisis dans ce Paris de la première moitié du XIXe siècle que la
littérature a, jusqu'à ce jour, presqu'entièrement arraché à l'histoire.
Résumant notre propos, nous dirons que, dans une première
démarche, l'élaboration historique ne peut se dispenser, sinon de
refuser le témoignage littéraire, du moins de le soumettre à une
appréciation que le matériel statistique et plus particulièrement la
technique démographique permettent de considérer dès maintenant
comme relativement assurée. Dans une deuxième démarche cepen
dant, il nous faudra reconnaître qu'exceptionnellement et pour des
raisons que nous évoquerons, certaines œuvres littéraires de la
première moitié du XIXe siècle offrent à la recherche historique
le modèle d'une description sociale que les préoccupations sta
tistiques ne lui permettaient pas, à elles seules, de concevoir.
Si l'on admet que l'histoire sociale de Paris, pendant la pre
mière moitié du XIXe siècle, n'a de chance d'échappe

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