La politique américaine à l'égard de l'Afrique : continuité et changement, 1958-1988 - article ; n°3 ; vol.53, pg 693-705

Robert J.Cummings

Description

Politique étrangère - Année 1988 - Volume 53 - Numéro 3 - Pages 693-705
Africa in US Policy Making : Questions of Continuity and Changes, 1958-1988, by Robert J. Cummings
The purpose of this paper is to analyse issues of continuity and change in America's Africa policy. It argues that the lack of an historical perspective, based on real US national-interests, forces one to note critically, and with a sense of déjà vu, that US administrations have proven themselves incapable of creating an Africa-specific policy. Such a policy would require serious change in the US policy approach toward Africa. And historically, there has not been a domestic power group sufficiently placed politically to force such a change in US Africa policy making.
Cet article a pour objet l'analyse des étapes de continuité et de changement qui émaillent la politique américaine vis-à-vis de l'Afrique. Selon l'auteur, en raison de l'absence d'une perspective historique fondée sur l'appréciation des véritables intérêts nationaux des Etats-Unis, c'est dans un esprit critique et avec un sentiment de déjà vu qu'il nous faut constater l'incapacité des gouvernements américains à mettre en œuvre une approche politique spécifique envers l'Afrique. Une telle politique demanderait un sérieux changement dans l'approche politique des Etats-Unis envers l'Afrique. Et jamais un groupe politique ne s'est trouvé assez bien placé pour imposer un tel changement dans la politique américaine à l'égard de l'Afrique.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 106
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Extrait

Robert J. Cummings
La politique américaine à l'égard de l'Afrique : continuité et
changement, 1958-1988
In: Politique étrangère N°3 - 1988 - 53e année pp. 693-705.
Abstract
Africa in US Policy Making : Questions of Continuity and Changes, 1958-1988, by Robert J. Cummings
The purpose of this paper is to analyse issues of continuity and change in America's Africa policy. It argues that the lack of an
historical perspective, based on real US national-interests, forces one to note critically, and with a sense of déjà vu, that US
administrations have proven themselves incapable of creating an Africa-specific policy. Such a policy would require serious
change in the US policy approach toward Africa. And historically, there has not been a domestic power group sufficiently placed
politically to force such a change in US Africa policy making.
Résumé
Cet article a pour objet l'analyse des étapes de continuité et de changement qui émaillent la politique américaine vis-à-vis de
l'Afrique. Selon l'auteur, en raison de l'absence d'une perspective historique fondée sur l'appréciation des véritables intérêts
nationaux des Etats-Unis, c'est dans un esprit critique et avec un sentiment de déjà vu qu'il nous faut constater l'incapacité des
gouvernements américains à mettre en œuvre une approche politique spécifique envers l'Afrique. Une telle politique demanderait
un sérieux changement dans l'approche politique des Etats-Unis envers l'Afrique. Et jamais un groupe ne s'est trouvé
assez bien placé pour imposer un tel changement dans la politique américaine à l'égard de l'Afrique.
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Cummings Robert J. La politique américaine à l'égard de l'Afrique : continuité et changement, 1958-1988. In: Politique étrangère
N°3 - 1988 - 53e année pp. 693-705.
doi : 10.3406/polit.1988.3802
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1988_num_53_3_3802POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 693
La politique américaine
Robert J. CUMMINGS * à l'é»ml de »'Afri<l»e :
continuité et changement,
1958-1988
Dans la chanson titre de l'album Sun City interprété par les Artistes
unis contre l'apartheid (Artists United Against Apartheid), Bobby
Womack, se penchant sur l'engagement constructif en Afrique aus
trale, base de la politique étrangère américaine, se demande : « Pourquoi
sommes-nous toujours du mauvais côté ? ». On pourrait tout simplement
répondre que, quoique la politique américaine vis-à-vis de l'Afrique soit
fondée sur des expériences accumulées, le sens de l'histoire lui fait pourtant
défaut. Mais la principale réponse à cette question, c'est que les décideurs
américains en matière de politique tendent à ne considérer l'Afrique que
dans le contexte des relations Etats-Unis/URSS. En effet, l'élaboration de la
politique étrangère américaine est, depuis plusieurs décennies, régie par la
crainte du communisme stalinien. L'Amérique a, de surcroît, allié de
manière erronée l'idéologie de la guerre froide au problème de ses intérêts
économiques en Afrique, fait qui s'explique peut-être par l'incompréhension
pathologique — alimentée par le racisme — de l'importance des ressources
africaines pour le développement américain. En gardant ces trois points à
l'esprit, il est plus facile de comprendre pourquoi la plupart des initiatives
politiques américaines vis-à-vis de l'Afrique sont de nature répétitive, réac
tionnaire et se retrouvent naturellement du mauvais côté de problèmes
cruciaux pour l'Afrique et, bien souvent, pour les Etats-Unis eux-mêmes.
Le but de cet article est pourtant d'analyser les problèmes de continuité et
de changement de la politique américaine en Afrique. Selon l'auteur, en
l'absence d'une perspective historique fondée sur l'appréciation des vérita
bles intérêts nationaux des Etats-Unis, c'est dans un esprit critique et avec
un sentiment de déjà vu qu'il nous faut constater l'incapacité des gouverne
ments américains à mettre en œuvre une approche politique spécifique
envers l'Afrique. Une telle politique demanderait un sérieux changement
dans l'approche politique des Etats-Unis envers l'Afrique. Et jamais un
groupe politique ne s'est trouvé assez bien placé pour imposer un tel
changement dans la politique américaine à l'égard de l'Afrique.
Cet article se divise en quatre parties. La première passe en revue le
développement d'une politique bureaucratique envers l'Afrique. La seconde
* Professeur d'histoire économique africaine, département de la recherche et des études
africaines, Université Howard, Washington (Etats-Unis). 694 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
retrace les tendances qui se sont combinées pour donner forme à la
politique étrangère américaine depuis 1950. La troisième porte sur les
politiques des différents présidents américains et leurs manifestations dans la américaine envers l'Afrique, durant les trente dernières années.
Enfin, la conclusion considère le rôle de l'Amérique noire et les développe
ments futurs de la politique américaine en Afrique.
Le développement d'une politique bureaucratique
L'année 1988 est celle du trentième anniversaire de la création du bureau
des Affaires africaines au département d'Etat américain. La création de cet
organisme institutionnel a constitué pour les Etats-Unis la première recon
naissance officielle de l'Afrique en tant qu'entité politique et lui a par
ailleurs donné un statut bureaucratique indépendant, au sein de l'appareil
de la politique étrangère américaine. Malgré quelques associations épisodi-
ques des Etats-Unis avec certains Etats africains (Libéria, Maroc, Zanzibar,
Egypte, Ethiopie par exemple) depuis la fin du XVIIIe siècle, les décideurs
américains en matière de politique n'ont jamais considéré l'Afrique comme
suffisamment importante dans le cadre de la politique internationale pour
faire l'objet d'une « politique africaine ». Cette attitude fut renforcée par la
conférence de Berlin en 1884-1885, par laquelle l'Europe imposait sa domi
nation coloniale et à plusieurs régions d'Afrique.
L'établissement d'une stratégie politique américaine aurait paru défier le
statu quo euro-africain. Reconnaître ainsi l'Afrique aurait par ailleurs
apporté au continent une crédibilité internationale inacceptable, même pour
les décideurs américains eux-mêmes. Se déclarant peu désireux d'assumer
des responsabilités directes en Afrique, les Etats-Unis étaient tout à fait
disposés à soutenir indéfiniment la domination européenne en Afrique. En
fait, les colons européens étaient eux-mêmes convaincus que le pouvoir
blanc et l'oppression raciale se poursuivraient indéfiniment, comme en
témoigne l'absence de projets de départ. Cependant, le nationalisme africain
des années 50 balaya les colons européens de leur trône, obligeant simult
anément les Etats-Unis à changer leur politique étrangère à l'égard de
l'Afrique l. C'est en 1958 que fut instituée une « politique africaine »
officielle, sous la forme d'un bureau des Affaires africaines.
Malheureusement, ce nouveau bureau s'abstint de créer ses propres règles
de conduite pour mener ses activités opérationnelles. Au lieu de cela, il
hérita du bureau des Affaires africaines et du Proche-Orient la stratégie
politique qui consistait à se laisser guider par l'Europe pour toutes les
questions africaines. Le personnel central provenait du même bureau, mais
il n'y avait pour ainsi dire pas de spécialiste des questions africaines. Dans
les premières années de sa création, le Bureau dépendait en outre principa
lement de l'Europe coloniale, pour toutes les informations indispensables à
toute prise de décisions en matière de politique africaine. A cette époque,
le bureau des Affaires africaines ne disposait en fait d'aucun « historique
institutionnel » auquel se référer pour le guider dans ses opérations. Il
1. La Libye parvint à l'indépendance en 1951, le Maroc et la Tunisie en 1956, le Ghana en
1957 et l