Le contrat social selon Benjamin Constant et Mme de Staël, ou la liberté a-t-elle un sexe ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 439-456
19 pages
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Le contrat social selon Benjamin Constant et Mme de Staël, ou la liberté a-t-elle un sexe ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 439-456

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1996 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 439-456
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

John Claiborne Isbell
Le contrat social selon Benjamin Constant et Mme de Staël, ou
la liberté a-t-elle un sexe ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 439-456.
Citer ce document / Cite this document :
Claiborne Isbell John. Le contrat social selon Benjamin Constant et Mme de Staël, ou la liberté a-t-elle un sexe ?. In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 439-456.
doi : 10.3406/caief.1996.1262
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1996_num_48_1_1262LE CONTRAT SOCIAL
SELON BENJAMIN CONSTANT ET
MME DE STAËL, OU LA LIBERTÉ
A-T-ELLE UN SEXE?
Communication de M. John Claiborne ISBELL
(Indiana University)
au XLVIIe Congrès de l'Association, le 19 juillet 1995
Shakespeare, dans ses sonnets, évoque souvent le
côté contractuel de l'amour; et il subsiste en effet plus
d'un contrat signé entre nos deux auteurs, que nous
aurions pu discuter avec plaisir en cette fin d'après-
midi. Ce sera pour une autre fois, car aujourd'hui je
vous propose deux arguments plus désincarnés,
réponses au problème qu'affrontent les amis de la liber
té quand le contrat social de Rousseau succombe sous
la Terreur jacobine.
D'abord, une tradition philosophique, et surtout
Rousseau dans Le Contrat social, identifient la liberté
avec la participation active des citoyens dans la res
publica, le gouvernement de leur pays: le discours jaco
bin revient souvent à cette définition.
Ensuite, dès le Consulat, Constant oppose cette liber
té publique des anciens, désormais discréditée par la
Terreur, à la liberté privée des modernes qu'il célèbre :
ces libertés « positive et négative » sont devenues 440 JOHN ISBELL
depuis la pierre de touche du libéralisme moderne. Or,
cette distinction se trouve déjà vigoureusement élabo
rée dans les traités politiques, trop peu connus, rédigés
par Mme de Staël sous la Convention et le Directoire.
Enfin, cette « liberté négative » du libéralisme clas
sique, dont on commence aujourd'hui à souligner les
failles, pose dès l'origine à Mme de Staël en tant que
femme un problème, nécessairement moins crucial à
son ami : nouveau problème auquel son œuvre apporte
encore un début de solution. L'homme moderne du
discours libéral peut très bien souhaiter avoir les mains
libres chez lui, quand il quitte la place publique; mais
a-t-on consulté son épouse ? La Révolution a fondé une
sphère publique d'où les femmes sont exclues, distinc
tion crûment illustrée par le Serment des Horaces et le
Brutus de David : une même action donne ici aux
hommes la sphère publique et aux femmes une « liber
té négative ou privée », qui n'est que l'enfermement
dans la maison. L'action des Jacobins en 1793, puis le
Code Napoléon, prouvent à Mme de Staël qu'en France
les droits de l'homme se déclinent au masculin. Elle
répond donc avec un discours résolument public, qui
unit les deux libertés opposées dans les débats contem
porains pour en tirer un nouveau contrat social, fondé
sur l'idée du crédit public pris dans son sens le plus
large: nation et députés vivent pour elle dans une sym
biose indissoluble, qui interdit de penser une liberté
publique ou privée sans que l'autre soit également pré
sente*.
*Nous utiliserons les abréviations suivantes :
Benjamin Constant : * ECU et * Liberté : De l'esprit de conquête et de l'usurpat
ion; De la liberté des anciens comparée à celle des modernes, in De la liberté chez
les modernes. Ecrits politiques, éd. Marcel Gauchet, Paris, Livre de Poche /Plur
iel, 1980.
* Force et * Réactions : De la force du gouvernement actuel de la France et de la
nécessité de s'y rallier/Des réactions politiques, Paris, Flammarion, 1988.
* PP : Etienne Hofmann, Les « Principes de politique » de Benjamin Constant
[...], Genève, Droz, 1980, II: Texte.
Madame de Staël : * CRF : Considérations sur [...] les principaux événements de
la Révolution française, éd. Jacques Godechot, Paris, Tallandier, 1983.
* DA : De l'Allemagne, éd. la comtesse Jean de Pange et Simone Balayé,
Paris, Hachette, 1958-1960.
* Paix et * RPl : Réflexions sur la paix; Réflexions sur la paix intérieure, in
Œuvres complètes, Paris, Treuttel et Wiirtz, 1820, II. LE CONTRAT SOCIAL SELON B. CONSTANT ET MME DE STAËL 441
Première réponse à Rousseau: la liberté négative.
Constant rencontre Mme de Staël en Suisse au sortir
de la Terreur, le 29 septembre 1794, et s'oppose à elle
avec vigueur en prônant « la liberté illimitée de la pres
se », thème sur lequel il reviendra souvent pendant la
Restauration. Mais dans ses brochures directoriales, il
fera siennes les objections qu'elle lui avait opposées:
vue de Brunswick, où il avait été, la Révolution avait
eu pour lui un sens plus abstrait que pour Mme de
Staël qui l'avait vécue de près (1). Les deux républi
cains s'établissent à Paris en mai 1795. Après la défaite
des royalistes à Quiberon, Mme de Staël fait imprimer
ses Réflexions sur la paix intérieure, mais ne les met pas
en vente à cause des événements du 13 Vendémiaire.
C'est la première fois qu'elle développe sa vision per
sonnelle de la liberté « négative », pour répondre à la
Terreur :
La liberté politique est à la liberté civile comme la garantie à
l'objet qu'elle cautionne; c'est le moyen et non l'objet ; et ce
qui a contribué surtout à rendre la Révolution française si
désordonnée, c'est le déplacement d'idées qui s'est fait à cet
égard. On voulait la liberté politique aux dépens de la liberté
civile : il en arrivait qu'il n'y avait [...] d'espoir de sûreté que
dans le pouvoir; tandis que dans un Etat vraiment libre, c'est
le contraire qui doit arriver. Le droit politique doit être
considéré comme un tribut qu'on paie à la patrie [...] mais le
fruit de ces sacrifices, c'est la liberté civile [...] ; toute liberté
politique qui excède la force d'une garantie, compromet le
but dont elle répond (RPI 153-154).
L'idée d'un gouvernement fort dans la tolérance, et
dont l'autorité même permettrait la liberté requise, est
(1) Isabelle de Charrière, Œuvres complètes, Amsterdam, van Oorschot,
1979-1984, Correspondance, dir. J.-D. Candaux, IV, 590 ; Constant, Force 31 et
119. 442 JOHN ISBELL
un leitmotiv de la pensée protestante; elle donne au
libéralisme constantien un cachet particulier, comme
Holmes Га souligné (2). Mais la distinction staëlienne
entre deux libertés, qui a également des précédents
importants dans le discours économique, reste peu pré
sente avant 1800 dans les écrits de Constant qui, à cette
époque, est plus jacobin en politique que son amie :
« Ceux qui ne croient pas aux droits du peuple, dit-il
après le 18 Fructidor, dans son discours pour la planta
tion d'un arbre de la liberté, doivent être déshérités de
ces droits ». Il s'attaque à ceux qui veulent « mêler à
nos formes austères et mâles la dangereuse mollesse
des efféminées », et ajoute que « la puissance et
le plaisir doivent appartenir exclusivement à la Répu
blique » : voilà la liberté des anciens qu'il attaquera
plus tard (3). Aujourd'hui, il nous est bien facile de lui
reprocher son engagement, mais la menace royaliste
était réelle en l'an V, et la Constitution de l'an III n'y
opposait aucune barrière légale, comme nos deux
auteurs l'ont toujours remarqué. Dans son action direc
toriale, Constant s'efforce de combler cette lacune. Il
souligne qu'un gouvernement faible et attaqué ne
renoncera jamais à l'arbitraire ; trêve donc aux attaques
des modérés, qui ne peuvent amener qu'un prolonge-
(2) Voir Stephen Holmes, Benjamin Constant and the Making of Modem Libe
ralism, New Haven, Yale University Press, 1984, 9-10. Constant note l'anar
chie qui menace la liberté négative de Godwin ou de Paine, comme sa tr
aduction de Godwin vers 1798 l'indiq

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