Le deuil inachevé Ghislenghien : dura lex, sed lex
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Le deuil inachevé Ghislenghien : dura lex, sed lex

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er Le SoirLundi 1mars 2010 14
Ce jour-là Pol Mathil Journaliste
l était un Gengis Khan qui au-rait luLe Capitalde Marx. pIar sa double mort. La premiè-Cette chronique est marquée re, cette semaine, le 5 mars, mais en 1953 et, l’autre, la semai-ne dernière, le 25 février… 1956. Tout a dès lors changé à Mos-cou. Excepté le froid et la neige. Et excepté l’ombre de Staline. À l’aube du 5 mars 1953, la ra-dio annonçait:cœur du« Le compagnon de Lénine, du conti-nuateur de sa cause, guide du parti et du peuple, a cessé de bat-tre ».Staline était mort. Dès lors, l’angoisse s’installe parmi les peuples de l’URSS et de son glacis, l’Europe est plongée dans l’inquiétude et le monde dans le doute – tous incapables de saisir d’emblée la portée de cette dispa-rition. Svetlana, sa fille, raconte les derniers instants de Staline. « Il étouffait sous nos yeux. À un moment, vers la fin, il ouvrit sou-dain les yeux… Ce fut un regard horrible, entre la démence et le courroux, plein d’horreur… Et soudain… il leva sa main gau-che. On aurait dit qu’il indi-quait quelque chose là-haut et qu’il nous maudissait… ».C’est ainsi que Staline mourut une première fois. e Moscou, 25 février 1956, XX Congrès du Parti communiste. Une séance nocturne et secrète est annoncée. C’est alors que Ni-kita Khrouchtchev prononce son fameux rapport sur « le cul-te de personnalité », dénonçant en fait les crimes de Staline. « Tout opposant… était destiné à l’annihilation morale et physi-que. Staline choisit la voie de la répression non seulement contre ses véritables ennemis, mais con-
Carte blanche
tre les individus qui n’avaient commis aucun crime ».Le conte-nu du rapport fait trembler l’URSS et le monde. C’est ainsi que Staline mourut une deuxiè-me fois. Plus que toute autre personna-lité politique, Staline a marqué e l’histoire du XXsiècle. Symbo-le de la victoire sur Hitler, il est le créateur de l’empire soviéti-que pour les uns, le plus grand criminel de l’époque contempo-raine, pour les autres – il est en fait les deux à la fois. Pour Milo-van Djilas, communiste yougo-slave, précurseur de la dissiden-ce au sein du totalitarisme rou-ge,« on peut déceler chez Staline les traits de tous les tyrans qui l’ont précédé, de Néron et Caligu-la à Ivan le Terrible, Robespier-re et Hitler ». Nikita Khrouch-tchev, le successeur de Staline, a dit :« Asa mort, j’ai pleuré. Après tout, nous étions ses élèves et nous lui devions tout. Comme Pierre le Grand, Staline a com-battu la barbarie par la barba-rie, mais c’était un grand hom-me ». Si Staline est doublement mort, le stalinisme ne l’est pas. L’Union soviétique perdit son dieu, mais pas son clergé : la cas-te de bureaucrates privilégiés dé-tenait toujours le pouvoir, l’ar-mée et la police politique toutes-puissantes ont survécu à leur pa-tron et les forces impériales écra-saient, quand il le fallait, tous les « printempsdémocratiques », de Budapest en 1956 à Prague en 1968. Le stalinisme a duré 30 ans sous Staline, mais il lui a sur-vécu de presque 40 ans. La question aujourd’hui n’est pas historique, mais politique.
Benoît Kohl Avocat au Barreau de Bruxelles, chargé de cours à l’Université de Liège
forum
Le deuil inachevé
La nouvelle Russie, celle de Bo-ris Eltsine, de Vladimir Poutine et de Dimitri Medvedev, porte-t-elle encore des stigmates stali-
niens ? L’ombre de Staline han-te-t-elle la Russie de Poutine ? La Russie postimpériale d’au-jourd’hui n’est ni la continuité
DES NOSTALGIQUESdu « Petit père des peuples », Joseph Sta-line, manifestent encore régulièrement en Russie.© AP.
de l’URSS, ni une nouvelle ver-sion de la Russie des Tsars. Mais, par la nature des choses, elle contient des éléments de ces deux anciens systèmes impé-riaux. La méfiance notamment. À l’égard de l’étranger, elle reflète la mentalité d’un ancien Empire mondial qui, comme si rien ne s’était passé, aspire à retrouver sa position perdue. Cette tendan-ce est incarnée par Poutine, par son malheureux jugement sur « lachute de l’URSS: la plus grande catastrophe géopolitique e du XXsiècle ». Méfiance aussi à l’égard de ses propres ci-toyens : une télévision nationale accaparée, un parti unique, un parlement sans opposition, une contestation politique répri-mée, le nationalisme, la démo-cratie « souveraine» ; un nou-vel autoritarisme, en somme, qui facilite le retour dans la cons-cience collective du souvenir de Staline comme symbole d’un « homme fort ». La corruption omniprésente, matérielle et morale, ensuite. Di-mitri Medvedev en parle ouver-tement. La Russie, a-t-il dit, est gangrenée« par la corruption, le vide spirituel et l’alcoolis-me… ».Il appelle à ne pas « justi-fier »les répressions stalinien-nes qui ont fait des « millions » de victimes. Il dénonce le nihilis-me juridique, la faiblesse de l’État et l’anachronisme de son économie qui, durant les vingt dernières années, n’a pas su s’émanciper de« l’humiliante économie dépendante des matiè-res premières».Pour le prési-dent Medvedev, la Russie, au e XXI siècle,« a besoin d’une mo-
Ghislenghien : dura lex, sed lex
ans son éditorial du 23 fé-de tous et qu’il appartient à chacun« faute » par la notion de « risque »type d’accidents ne touchent aucu-core, prochainement, d’accidents D vrier, Eric Deffet relatait l’in-de respecter »(J. L. Bergel).comme principe général de res-médicaux, en constitue des exem-ne indemnité, si ce n’est celle offer-compréhension ressentieÀ l’heure actuelle, le droit de laponsabilité. Tout homme, dit-on,ples. Néanmoins, au-delà de ceste par la sécurité sociale ou par le par nombre de victimes de la catas-responsabilité est, pour l’essentiel,doit être responsable du risquecas particuliers, la reconnaissancesystème de l’assurance mutuelle. trophe de Ghislenghien, à la suiteuniquement fondé sur l’idée dequ’il crée par son activité. Et l’ond’une responsabilité ne s’affran-Faut-il pour la cause remettre à du jugement pro-faute, laquelle sup-fait valoir principalement trois or-chit jamais du devoir pour la victi-plat le principe suivant lequel la L’ESSENTIEL noncé par le tribu-pose une apprécia-dres de considérations : d’abord, ilme de démontrer la faute de l’au-victime doit supporter elle-même nal correctionneltion de la condui-n’est pas juste que la victime duteur du dommage, soit l’adoptionles conséquences d’un accident Le jugement de de Tournai. Ce sen-te de l’auteur dudommage soit sacrifiée à l’auteurpar celui-ci d’un comportementchaque fois qu’elle ne peut pas timent d’injusticeGhislenghien consti-dommage. Aussicontraire à une loi ou ne répon-du dommage qui aurait pu éviterprouver la responsabilité de celui est nourri, entredouloureuses celui-cien n’agissant pas ; ensuite,dant pas au critère du « bon pèrequi est à son origine ? Faut-il, autre-tue tout sauf une autres, par le cons-soient les consé-l’auteur du dommage a agi parcede famille ».ment dit, recommander un glisse-« catastrophe juridi-tat de l’impunitéquences d’un ac-qu’il escomptait un profit de sonment fondamental d’un système réservée à la socié-que ».activité ; il doit, dès lors, supporterte, le juge ne peutUne responsabilité sans fautede responsabilité basé sur la faute té Fluxys, qui tires’écarter de ce lesconséquences dommageablesdes acteurs économiques,vers un système désignant auto-Qu’un accident pourtant tout pro-principe fonda-de son acte:emolumentum« ubilimitée à certains secteursmatiquement comme responsa-se produise à la fit de l’exploita-mental dans lesibi onus »(là ou est le profit, là estd’activité, est envisageableble la personne développant une tion d’une activitésuite d’une activitéprocès en respon-? Je ne le pensela charge, adage du droit romain) ;activité à risque de transport desabilité. enfin,observe-t-on, la pratique, deC’est précisément le cas en ma-pas. Un tel système irait à détour-« à risque » ne gaz dite «à ris-Certes, l’aug-plus en plus généralisée, de l’assu-tière de canalisations de gaz : saufner l’homme de l’action, par crain-suffit pas à rendre que ». À juste titre,mentation consi-rance fournit à ceux qui créent unà considérer l’existence d’un « vi-te des risques et des charges de la l’éditorialiste rele-l’exploitant automa-dérable du nom-ce » à l’origine de l’explosion, la res-risque par leur activité le moyenréparation ; elle enlèverait ainsi à vait que ni le rôle,bre des domma-de se garantir des conséquencesponsabilité de l’exploitant ne pour-la société un élément de progrès tiquement respon-ni le but d’une dé-ges, due à la com-dommageables de leurs actes.ra donc être retenue qu’à la condi-en décourageant les initiatives des sable. Le droit exige cision judiciaireplexité de la vieCette doctrine, quoique sédui-tion qu’une faute soit démontréeplus doués et des plus courageux. n’étaient de fairela démonstrationEn outre, du point de vue socialdans son chef, qu’il s’agisse d’unesante à certains égards, n’a jamaismoderne, les con-l’unanimité. Ceditions dans les-été acceptée en droit belge à titreerreur de conduite ou d’un man-également, ce système, lié au déve-d’une erreur de point de vue doitquelles se produi-de principe général. Elle est certesquement à l’une de ses multiplesloppement de l’assurance, aurait conduite. être approuvé: sentces domma-consacrée ci et là dans (l’interpréta-obligations réglementaires (pres-pour effet d’amoindrir chez l’hom-dans notre systè-ativesges, et qui fontcrivant notamment l’emplace- metion de) certains textes légaux par-les qualités de vigilance et de Des altern me juridique, le ju-qu’il est souventticuliers ; la responsabilité dans lement des canalisations, les modesprudence si nécessaires pour dimi-existent cependant. ge n’est pas un jus-difficile d’en dis-domaine de l’énergie nucléaire, ende pose (profondeur…), l’entre-nuer le nombre d’accidents. ticier :« il n’y a detien ou la surveillance de celles-ci).matière de dommages causés parcerner la cause vé-En revanche, l’établissement et d’issue prévisible au proLe système actuel génère certesd’un système de responsabilitédes aéronefs, par les véhicules au-ritable, ont amené certains au-e cès que si le juge se détermine enteurs vers la fin du XIXsiècle, à: une forte propor-sans faute des acteurs économi-tomoteurs ou, plus généralement,des critiques fonction des règles de droit connuesproposer de remplacer l’idée detion des personnes lésées dans cepar de choses défectueuses ou en-ques, mais limitée à certains sec-1NL
28/02/10 20:34-LE_SOIR du 01/03/10 - p. 14
dernisation de fond en comble. Les bases de cette modernité doi-vent reposer sur les valeurs et les institutions de la démocra-tie… ». Ce pays vit donc un tournant. La forme qu’a prise l’État russe est totalement inédite. L’empire des Tsars était une satrapie, la Russie bolchevique une dictatu-re, elles avaient des frontières et des structures différentes. La nouvelle Russie doit donc cher-cher aujourd’hui une nouvelle identité et comme nation et com-me État. Certes, la société russe bouge. La nouvelle génération, qui n’a été ni bénéficiaire, ni même té-moin de l’époque de la terreur et de l’arbitraire, demande la paro-le. On assiste aussi, et pas uni-quement dans les milieux dissi-dents, à de timides tentatives de regarder le passé russe en face et même de l’assumer. De com-prendre que le système stalinien ou communiste était et reste la cause principale du retard de la Russie par rapport au monde dé-mocratique. Et qu’une vraie mo-dernisation n’est possible que dans le cadre d’un État de droit. Plus que jamais, la Russie a au-jourd’hui toutes les chances de devenir un véritable partenaire pour l’Europe et pour le monde. Mais ces relations ne peuvent pas être inspirées par la peur, el-les doivent se fonder sur la con-fiance. On n’en est pas encore là. Dans un vote télévisé baptisé « Le nom de la Russie », 50 mil-lions des Russes ont placé Stali-ne en troisième position des hé-ros de leur Histoire. Le deuil est inachevé. L’ombre de Staline les hante toujours.
teurs d’activité identifiés est envi-sageable. Le régime de la respon-sabilité en matière d’énergie liée au gaz pourrait par exemple être aligné sur celui applicable en ma-tière d’énergie nucléaire, à savoir une responsabilité basée sur la seule existence d’un accident et couplée à une assurance obligatoi-re. Encore une telle assurance n’est-elle pas la panacée lorsque, comme le faisait observer le repré-sentant d’Assuralia dans les colon-nes duSoirà l’occasion de la catas-trophe de Ghislenghien, les pla-fonds des polices viennent limiter l’ampleur de la réparation des dommages subis par les victimes. Pour l’heure cependant, le prin-cipe demeure: point de faute, point de responsabilité. Pour ce motif, et malgré les drames indes-criptibles vécus par les victimes de la catastrophe industrielle de Ghis-lenghien, le jugement rendu lundi passé constitue tout sauf une « ca-tastrophe juridique ». Dès l’instant où le juge conclut à l’absence d’er-reur de conduite ou à l’absence de violation de la loi, appréciation qu’il ne me revient pas, dans l’igno-rance des complexités du dossier, de commenter, il ne peut accorder réparation. La loi est peut-être dure, mais el-le reste la loi.
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