Le Front national peut-il relever le défi des élections municipales ?
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Page etudes Figaro/CEVIPOF 02/14

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Publié le 12 février 2014
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Langue Français

Extrait

PASCAL PERRINEAU
Professeur des universités à Sciences Po, chercheur au centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) Plus que pour tout autre parti, les prochaines élections muni-cipales seront décisives pour le parti de Marine Le Pen qui, se-lon Pascal Perrineau,« tente de mettre un terme au clivage entre un “Front national” fort et un “Front local” faible ». Passant au crible les résul-tats du parti d’extrême droite depuis sa percée dans les ur-nes au début des années 1980, Pascal Perrineau jauge les for-ces et les faiblesses d’une or-ganisation dont il est l’un des experts les plus en vue dans le monde universitaire. Inven-teur du concept du « gaucho-lepénisme » appliqué à l’élec-torat frontiste, le directeur du programme Viepol de l’Insti-tut des sciences politiques de Paris livre ses dernières ana-lyses dans un ouvrage sortant aujourd’hui en librairie sous le titreLa France au Front. Es-sai sur l’avenir du FN (Paris, Fayard). La faiblesse du maillage ter-ritorial du FN, doublée d’un palier dans sa progression na-tionale, étaye l’idée qu’à l’ap-proche des municipales, le parti semble pâtir de la concurrence de l’ UMP auprès de l’électorat de droite. Toutefois, en surfant sur son image de parti antisystème et antinotables, le FN pourrait ti-rer quelque bénéfice de la pro-fessionnalisation des maires des grandes villes, essentielle-ment issus de la haute fonction publique territoriale.J.A.
CHAMPS LIBRES 15 ÉTUDES POLITIQUES                             !  "      #!"$
ÉTUDELa scène des élections munici-et Toulon en 1995 l’ont démontré. Néan-beaucoup plus complexe que l’enjeubles de capter localement les électeurs pales a toujours été la plus difficile pourmoins, l’implantation municipale n’acantonal et départemental : il ne s’agit c’est le cas à Fos-sur-Mer,frontistes : le Front national. Ce parti a pris l’habi-pas suivi et, sauf le cas particulierplus d’être présent dans 2 000 cantonsChâteauneuf-les-Martigues, Freyming-tude, depuis sa percée électorale, aud’Orange, où le maire s’est autonomisémais dans 36 000 communes, il fautMerlebach, Stiring-Wendel, Amnéville, début des années 1980, d’atteindre despar rapport au parti, le Front national aélaborer des listes réunissant de nom-Hautmont, Bruay-sur-l’Escaut, Rou-sommets aux élections nationales etrapidement perdu ces mairies conquisesbreux candidats et non se contenter devroy ou encore Wittelsheim. Indépen-particulièrement aux élections prési-l’espace d’un seul mandat. L’éclatementtrouver des candidats uniques (avecdamment de ce maillage territorial qui dentielles (16,9 % en 2002, 17,9 % endu parti en deux formations rivales enleurs remplaçants), il faut enfin répon-lui fait défaut, le Front national connaît 2012). Il fait aussi bonne figure lors desle coup de grâce à ce proces-1999 donna dre aux attentes fortes et nombreusesun palier dans sa progression nationale. élections européennes, des électionssus de municipalisation du FN. Aux mu- bonne Mesurée par la Sofres, la «des citoyens sur le terrain de la gestion régionales et des élections cantonales.nicipales de 2001, la marginalisation » vis-à-vis du parti, qui a dé-municipale. opinion Mais le Front national est beaucoup Front national et sa présidente ont Leélectorale commença son œuvre au planpassé la barre des 20 % en 2012 pour at-moins à l’aise dans ces élections de en 2012, 17,9 % des suffrages lorslocal, ce qui n’empêcha pas, un an plus attiré,teindre 24 % en septembre 2013, stagne proximité que sont les élections muni- l’élection présidentielle et 13,6 % lors dele « choc électoral » de Jean-Marietard,  en décembre %à un haut niveau (23 cipales. Organisées dans plus de élections législatives. De tels niveauxPen s’invitant au second tour de desLe 2013) sans donner l’impression de pro-36 000 communes, ces élections dis- sont bien sûr inatteignables lors des pro-l’élection présidentielle. Dans ces an-gresser. Quant à l’image de Marine tribuent plus de 510 000 postes dechaines élections mu-Le Pen, sa cote, telle qu’elle est mesurée conseillers municipaux. Pour être pré-nicipales. Consultéespar TNS Sofres pourLe Figaro Magazi-Même dans les communes sent, un parti politique a besoin d’être du 17 au 21 janvier parne,a dépassé à plusieurs reprises, de-où le Front national a très bien profondément implanté et de bénéfi-l’institut CSA, 9 % despuis mai 2012, le niveau des 30 % (33 % réussi électoralement en 2012, cier de multiples relais au sein de lapersonnes interrogées % en avril 2013,en octobre 2013, 32 population. Tel n’est pas le cas dudans les communes31 % en janvier, juillet et octobre 2013) le parti ne parvient à élaborer des listes Front national.de plus de 3 500 habi-pour se maintenir sensiblement en des-Le parti de Marine Le Pen est encoreque dans à peu près la moitié des castants disent leur in-sous au cours des deux derniers mois un petit parti, ses élus locaux sont peutention de voter en(25 % en janvier 2014, 28 % en février). nombreux (à l’issue des élections mu- d’une liste du Front national ou faveur2000, le Front national put donnernées Cette légère érosion est due à une nicipales de 2008, on ne comptait Rassemblement Bleu Marine. En dul’impression d’un divorce croissant en-perte d’influence sensible chez les jeu-qu’une petite centaine de conseillers les listes du Front national, quile plan national et le plan local : aux 2008,tre nes électeurs, les professions indépen-municipaux). Cependant, contraire- n’étaient pas très nombreuses à se pré-élections municipales de 2008, jamais cedantes et les électeurs proches de ment à une image trop souvent véhi- senter,parti n’avait été aussi faible au plan local rassemblaient dans ces commu-l’UMP. Depuis un an, la présidente du culée, le Front national a une existence nes 1 % des suffrages. Il y a donc bienpuisqu’il ne parvenait à rassembler queFront national attirait le soutien de électorale au plan municipal qui a été1,4 % dynamique en faveur du Front na- une des électeurs des communes de à 40 % des électeurs proches de30 % surtout significative à la fin des années habitants et n’atteignait 000plus de 9même si la première partie du tional l’UMP, elle en capte aujourd’hui moins 1980 et au milieu des années 1990.même pas la barre de 1 % dans l’ensem- combat municipal – à savoir l’élabora-de 30 À l’approche des élections %. Dans les communes de plus de 9 000 tionble des communes françaises. et la présentation de listes – semblemunicipales, le Front national semble habitants, les listes du Front national C’est à ce clivage entre un « Frontêtre particulièrement difficile.pâtir de la concurrence d’une UMP en rassemblaient 5,8 % des suffrages ex- national » fort et un « Front local » fai-dans les communes où le FrontMême voie de reconstruction et de la reprise primés en 1989 et 8,8 % en 1995. Dans ble que Marine Le Pen tente de mettrenational a très bien réussi électorale-de celle-ci parmi ses « électeurs natu-l’ensemble des communes où il faisait fin. Elle semble avoir connu une pre-ment en 2012, le parti ne parvient à éla-rels ». L’étoile du Front national paraît acte de candidature, le FN dépassait la mière réussite lors des élections canto-borer des listes que dans à peu près lapâlir légèrement au cœur des électorats barre des 10 %. nales de mars 2011, où les candidats dumoitié des cas. Dans des communes oùde droite. Il reste aux listes de l’UMP et Le Front national pouvait être aussi unFN furent nombreux (1 440) et rassem-ses performances de 2012 ont été éle-de ses alliés à confirmer sur le terrain ce « Front local ». Les victoires du parti deblèrent plus de 15 % des suffrages ex-vées, le Front national ne semble pas ca-frémissement sensible dans les enquê-Jean-Marie Le Pen à Marignane, Orangeprimés. Mais l’enjeu municipal estpable de construire des listes suscepti-tes d’opinion.Lessultatsdu Front nationaldans lescommunes Lacotede Marine Le Pendans l'ensemblede de plusde 9000habitants auxmunicipales l'électorat etchez les sympathisantsde l'UMP EN % DES SUFFRAGES EXPRIMÉS ENSEMBLE DE L’ÉLECTORAT SYMPATHISANTS UMP ENSEMBLE DES COMMUNES COMMUNES OÙ LE FN EST PRÉSENT42% NOMBRE DE COMMUNES40%40% 13,1% 40 39% (456) 36%36% 12 10,1% 35% (303) 33%33% 8,8% 9 (961)32%31% 7,7% 31% (183) % 5,9%5,9%33 3029% 28% (865) 1 6 (106)3% 27% 30%30% 30% 28% 2,9%28 28 % % 27%27% 3 (977) 1,4% 25% (1 006)
0 20 1989 1995 2001 2008 Janvier Fév. Mars Avril Mai Juin Juill. Août Sept. Oct. Nov. Déc. Janv. Février 2013 2014            contre moins de 1 % en 1983. La décen-que : quasi-disparition des artisans, des maires appartenaient aux« 88 % JOSSELINE ABONNEAU tralisation a mis au pouvoir une classecommerçants et agriculteurs (de 5 àcatégories professionnelles supérieures jabonneau@lefigaro.fr politique locale fermée, notabiliaire et1 %) ; gonflement de l’écrasante supré-en 2008 contre 67 % en 1983 alors que la professionnalisée qui a concentré le pou-matie des cadres supérieurs du public etpart de ces catégories dans la vie civile est LES MAIRES des plus importantes villesvoir local en accumulant les ressourcesenseignants à partir du second de-des d’environ 15 %. » de France sont de moins en moins re-sociales. On est loin de lapartisanes et gré, plus d’un maire sur deux relevantUne analyse plus fine du chercheur du présentatifs de la population hexagona-démocratie locale simple et diversifiéede cette classification (de 35 à 54 %) ;met en lumière l’afflux des pro-Cevipof le. Luc Rouban (Cevipof-Sciences po) enrêvée par les lois de décentralisation dedoublement des cadres du privé (de 5 àfessionnels de la fonction publique terri-fait l’implacable démonstration dans1982 et 1983. »10 %) et maintien à l’étiage des indus-toriale provenant des « cabinets mayo-son étude* comparative des 486 maires En dépit du durcissement des règlestriels et professions libérales (1/5 desraux », des directions d’établissements élus entre 1983 et 2008 dans les du non-cumul, l’accès au fauteuil demaires).publics de coopération intercommunale 260 communes de 30 000 habitants et maire est rarement permis au primo-ac- voire des postes de cadres territoriaux Les petits salariés laminésmunicipaux. Cette professionnalisation plus. Le directeur de recherches du cédant.« La notabilité s’est inscrite dans CNRS montre comment, dans cesles trajectoires d’accès verrouillées et pro-L’embourgeoisement des maires est gé- d’une montée en régime de la assortie grands centres urbains, le recrutementfessionnalisées », souligne Luc Rouban. néral politique locale supérieure corres- dans tous les partis, mais il tient à classe social des maires à gauche comme à La situation est inchangée entre 1983 et distance les élites dirigeantes - anciens pond à une forte« bureaucratisation de droite est de plus en plus dominé par des 2008 : plus d’un candidat sur deux est élèves de l’ENA (6 %) ou grandes écolesla fonction publique territoriale puisqu’en-militants de longue date provenant aux« au moins maire de la ville », viennent de commerce (2 %). La tendance touchetre 2000 et 2011, ses effectifs augmentent trois quarts de catégories socioprofes- ensuite les députés maires (20,3 %) et les singulièrement le PCF, dont une grandede 12,7 % dans les communes et de plus de sionnelles supérieures. sénateurs maires (5 %). Au total, quelque part des maires petits salariés du privé a145 % dans les établissements intercom-« En vingt-cinq ans, dit-il,la décen-44% ont été au moins une fois député été supplantée par des cadres du public.munaux constituant un véritable appareil tralisation a fortement hiérarchisé le Tousavant le scrutin. Seule la proportion de partis confondus, les cadres du pu-territorial », souligne Luc Rouban. personnel politique local, les instituteurs rapprochement chiffré fait par Luc blicministre en exercice s’affaisse (1,5 %). Ce ont consolidé et amplifié leur pré-à la retraite gérant les communes ruralesPendant cette même période (1983-sence quand les petits salariés du privé Rouban éclaire les obstacles auxquels se alors que les pôles urbains, qui ne cessent2008), l’évolution du profil profession-et du public ont été laminés.« Cetteheurtera une réforme du mille-feuille de grandir, sont dirigés par des person-nel des premiers magistrats munici-évolution ne reflète pas les changementsterritorial,« les élus la vivant comme une nalités occupant à hauteur de 35 % despaux dressé par Luc Rouban en dit long réductionsociété française et n’est pas liée non de leurs emplois potentiels etde la postes dans les instances nationales desur l’ampleur de cette révolution silen- des ressources offertes aux partis »plus au seul effet mécanique des change-.leur parti. Environ 20 % d’entre eux pro-cieuse dans les hôtels de ville de plus en »ments politiques, assure Luc Rouban*Élections municipales 2014. Les enjeux. venaient en 2008 de cabinets mayorauxplus enclins à l’entre-soi bureaucrati-qui pose les termes de la comparaison :L’élite urbaine. Cevipof. N°3, janvier 2014.
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