Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le film de Raymond Depardon Profils paysans - article ; n°61 ; vol.16, pg 181-195
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Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le film de Raymond Depardon Profils paysans - article ; n°61 ; vol.16, pg 181-195

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Politix - Année 2003 - Volume 16 - Numéro 61 - Pages 181-195
The Power of Representation. Sociological Remarks on Raymond Depardon's Film Profils paysans
Pascal Reysset
This article is a try of sociological analysis about a director and photographer Raymond Depardon's film that is devoted to the peasants' situation in France. If the sociologist has not to express a value judgement about quality of this work, besides unanimously greeted at the time of its broadcasting, however, a sociological work could led in several linked directions: understanding the conditions of possibilities of this film, both director path and situation, showing how the director legitimacy to film these peasants is socially built. This film has a power of representation of a social group, in this case, a dominated social group. This really political power paradoxically contributes to the symbolic unmaking of the filmed social group, unmaking that is concretely expressed by the technical and aesthetic choices governing this work.
Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le film de Raymond Depardon Profils paysans
Pascal Reysset
Cet article est une tentative d'analyse sociologique d'un film du cinéaste et photographe Raymond Depardon consacré à la situation des paysans en France. Si ce n'est pas le rôle du sociologue de formuler un jugement de valeur sur la qualité de cette œuvre, d'ailleurs unanimement saluée lors de sa diffusion à la télévision et au cinéma, un travail sociologique peut cependant être mené dans plusieurs directions reliées : saisir les conditions de possibilité de ce film, tant du point de vue de la trajectoire du réalisateur que de la conjoncture, montrer comment est socialement construite la légitimité du cinéaste pour filmer ces paysans. Ce film sur les paysans possède un pouvoir de représentation d'un groupe social, en l'occurrence d'un groupe social dominé. Ce pouvoir proprement politique contribue paradoxalement à la déconstruction symbolique du groupe social filmé, qui s'exprime concrètement dans les choix techniques et esthétiques gouvernant cette œuvre.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 61
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pascal Reysset
Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le
film de Raymond Depardon Profils paysans
In: Politix. Vol. 16, N°61. Premier trimestre 2003. pp. 181-195.
Abstract
The Power of Representation. Sociological Remarks on Raymond Depardon's Film Profils paysans
Pascal Reysset
This article is a try of sociological analysis about a director and photographer Raymond Depardon's film that is devoted to the
peasants' situation in France. If the sociologist has not to express a value judgement about quality of this work, besides
unanimously greeted at the time of its broadcasting, however, a sociological work could led in several linked directions:
understanding the conditions of possibilities of this film, both director path and situation, showing how the director legitimacy to
film these peasants is socially built. This film has a power of representation of a social group, in this case, a dominated social
group. This really political power paradoxically contributes to the symbolic unmaking of the filmed social group, unmaking that is
concretely expressed by the technical and aesthetic choices governing this work.
Résumé
Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le film de Raymond Depardon Profils paysans
Pascal Reysset
Cet article est une tentative d'analyse sociologique d'un film du cinéaste et photographe Raymond Depardon consacré à la
situation des paysans en France. Si ce n'est pas le rôle du sociologue de formuler un jugement de valeur sur la qualité de cette
œuvre, d'ailleurs unanimement saluée lors de sa diffusion à la télévision et au cinéma, un travail sociologique peut cependant
être mené dans plusieurs directions reliées : saisir les conditions de possibilité de ce film, tant du point de vue de la trajectoire du
réalisateur que de la conjoncture, montrer comment est socialement construite la légitimité du cinéaste pour filmer ces paysans.
Ce film sur les paysans possède un pouvoir de représentation d'un groupe social, en l'occurrence d'un groupe social dominé. Ce
pouvoir proprement politique contribue paradoxalement à la déconstruction symbolique du groupe social filmé, qui s'exprime
concrètement dans les choix techniques et esthétiques gouvernant cette œuvre.
Citer ce document / Cite this document :
Reysset Pascal. Le pouvoir de représentation. Remarques sociologiques sur le film de Raymond Depardon Profils paysans. In:
Politix. Vol. 16, N°61. Premier trimestre 2003. pp. 181-195.
doi : 10.3406/polix.2003.1262
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2003_num_16_61_1262Le pouvoir de représentation
Remarques sociologiques sur le film
de Raymond Depardon Profils paysans
Pascal REYSSET
Le film de Raymond Depardon, Profils paysans : l'approche, est le
premier volet d'un triptyque visant à décrire, grâce à une succession
de portraits, la situation des paysans du centre de la France (Lozère,
Haute-Saône, Ardèche). Diffusé à la télévision et sorti au cinéma quasiment
à la même date au printemps 2001, ce film « documentaire » a bénéficié de
très bonnes critiques. En s'en tenant simplement à la presse écrite, que ce soit
l'avant-garde (Les Inrockuptibles), l'avant-garde consacrée (Les cahiers du
cinéma), l'ancienne avant-garde (Libération), la contestation institutionnalisée
(L'Humanité), les journaux ou magazines dominants (Le Monde, Le Nouvel
Observateur, Le Figaro), les spécialisés (Télérama, Studio) ou les
magazines les plus populaires (Télé Sept jours), tous en ont salué les qualités.
Sociologie et cinéma : des (faux) frères ?
A la fois aride et peu habituel dans son projet et dans sa forme, Profils
paysans semble rallier les prises de position habituellement opposées. Si, à
titre professionnel, le sociologue ne peut formuler un avis sur la qualité et
l'intérêt du film, il ne peut que constater la louange unanime qui l'entoure à
sa sortie et qui insiste sur son esthétique et son contenu. Il a devant les yeux
un ouvrage « haut de gamme », marqué par le style de son auteur, original
et peu susceptible d'être reproduit à l'infini. Un ouvrage qui séduit aussi
Politix. Volume 16 - n° 61/2003, pages 181 à 195 Politix n° 61 182
par-delà les grandes fractures et fractions de l'espace social des analyses. De
fait, il est peu de films semblables à celui-ci, sinon les autres films de
Depardon. Désigné comme « documentaire », Profils paysans ne paraît pas
comparable aux « reportages de société » diffusés à la télévision (Envoyé
spécial, La Marche du siècle...) qui, eux aussi, proposent une vision du monde
social mais qui, la plupart du temps, sont déterminés par l'urgence de la
conjoncture des « problèmes sociaux ». Pour ce film, Depardon n'a pas subi
télévisuel1 (temps court du les contraintes les plus fortes du champ
reportage, goût du sensationnel, dramatisation, sujet dans l'air du temps), ce
qui ne signifie pas, pour autant, apesanteur sociale du producteur et de la
production.
Quelle peut être la position du sociologue face à un tel objet télévisuel et
cinématographique qui n'est pas sans lui évoquer un air de famille avec sa
pratique quotidienne2 ? Air de famille d'abord parce que le sociologue et ce
type de cinéaste occupent le même terrain et sont donc en concurrence pour
son exploitation, bien que celle-ci soit orientée par des fins différentes,
idéalement une visée de connaissance pour le sociologue, une visée de
représentation pour le cinéaste. Air de famille également dans le travail lui-
même : les partis pris du réalisateur sur lesquels nous reviendrons ne
rapprochent-ils pas son point de vue de l'observation ethnographique ? Ces
proximités paraissent alors disqualifier immédiatement toute tentative
d'analyse sociologique du film : sous couvert de sociologie, ne risque-t-on
pas de se mettre dans la position du critique ou pire du donneur de leçons ?
Plutôt que de montrer en quoi la sociologie serait plus experte pour parler
des groupes sociaux et en l'occurrence ici d'une (fraction de) classe sociale,
« la paysannerie », il est préférable d'utiliser les outils des sciences sociales
pour essayer d'analyser les effets sociaux sur ce(ux) qui est (sont) filmé(s).
Sens de l'œuvre et trajectoire sociale
II est illusoire et sans doute même vain de vouloir restituer les intentions de
l'auteur d'une œuvre. Rares sont ceux qui exposent l'ensemble des raisons et
des clés de l'interprétation de leur production. De plus, quand bien même
ces matériaux existeraient, cet improbable inventaire des motivations
constituerait davantage un obstacle à la connaissance sociologique qu'une
ressource facilement exploitable : il laisserait croire à la transparence des
1. Le fait que Profils paysans soit catégorisé comme un « film documentaire » et non comme un
simple documentaire montre comment il échappe symboliquement et matériellement aux
pressions les plus apparentes de la télévision ordinaire, comme si la double appartenance
télévisuelle et cinématographique du film procurait des marges de liberté.
2. Sur ces points, cf. Balazs (G.), Faguer Q.-P.), « "Que deviendront-ils ?". Les effets sociaux de la
caméra », Actes de la recherche en sciences sociales, 86-87, 1991 ; Peneff 0.), « La face cachée
d'Urgences, le feuilleton de la télévision », Genèses, 30, 1998. Le pouvoir de représentation 183
projets et à la toute-puissante de la conscience de Yauctor prompt à se livrer à
l'introspection dont est friand le lector. Le modèle3 des champs culturels qui
impose de reconstruire, de façon non-mécaniste, les relations entre l'auteur
et l'œuvre, permet de sortir des dilemmes aporétiques de la création
insondable tout en refusant la problématique du reflet. Plutôt que d'essayer
de trouver un sens sui generis à l'œuvre, il s'agit de saisir la multiplicité des
raisons pratiques qui en sont à l'origine. Dès lors, pour comprendre ce que
représente concrètement Profils paysans et ce qu'il fait à la réalité sociale qu'il
cherche à montrer, l'analyse doit tenir ensemble trois investigations.
Interroger la façon dont Depardon investit sa position de cinéaste en
reconstituant les modalités de sa trajectoire sociale et professionnelle et les
savoirs et savoir-faire qu'il mobilise ; mettre en évidence comment l'espace
c

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