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Informations
Publié par | REVUE_FRANCAISE_D-ECONOMIE |
Publié le | 01 janvier 1995 |
Nombre de lectures | 13 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Extrait
Hillel Rapoport
Recherche de rente, politique commerciale et développement
In: Revue française d'économie. Volume 10 N°2, 1995. pp. 147-185.
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Rapoport Hillel. Recherche de rente, politique commerciale et développement. In: Revue française d'économie. Volume 10 N°2,
1995. pp. 147-185.
doi : 10.3406/rfeco.1995.980
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1995_num_10_2_980Abstract
The rent-seeking theory has been developed to specify economic ac- tivities which aim to induce public
policies in order to benefit from their distributional effects. It takes part in the new neo-classical political
economy, that points out the negative consequences of public regulations over what has already been
demonstrated by traditional economic analysis. Rent-seeking activities transfer real resources from
productive sectors and reallocate them to socially unproductive efforts. The consequences of these
activities have firstly been emphasised for restrictions to internal competition, and the analysis then
extended to commercial policy and to a wide range of state interventions. Rent-seeking theory,
especially when applied to commercial policy issues, is extremely relevant in the context of developing
countries. It highlights the institutional foundations of the lack of economic dynamism encountered in a
large number of developing countries that can appear as rent-seeking societies.
Résumé
Le concept de recherche de rente a été développé pour qualifier des activités qui visent à orienter la
décision publique afin de bénéficier des effets redistributifs de celle- ci. Cette démarche s'inscrit dans le
cadre plus large de la nouvelle économie politique néo-classique, dont l'ambition est de mettre en
évidence les inefficiences engendrées par la régulation étatique, et ce au-delà de ce qu'a déjà montré
l'analyse traditionnelle. En cas de recherche de rente, des ressources réelles sont en effet soustraites
aux secteurs productifs de l'économie pour être réallouées à des activités improductives sur le plan
social. Les conséquences de ces activités ont d'abord été soulignées en ce qui concerne les restrictions
à la concurrence intérieure, avant que l'analyse ne soit étendue aux instruments de la politique
commerciale puis à l'ensemble des domaines d'intervention de l'Etat. L'article soutient que la théorie de
la recherche de rente, notamment dans son application à la politique commerciale, donne toute sa
mesure dans le contexte des pays en développement. Elle permet d'éclairer les fondements
institutionnels du manque de dynamisme économique de nombreux pays, pays qui peuvent parfois
apparaître comme de véritables sociétés de recherche de rente.Hillel
RAPOPORT
Recherche de rente,
politique commerciale
et développement
entes
accidentelles et rentes intentionnelles
Le traitement de la rente dans l'analyse économique diffère
de celui des autres revenus primaires (salaire, profit, intérêt)
dans le sens où la rente, si elle rétribue bien des services
productifs, reflète principalement la rareté d'un bien ou d'un
facteur de production donné. Aborder le thème de la rente 148 Hillel Rapoport
renvoie nécessairement à l'analyse qu'en proposait Ricardo, ne
serait-ce que pour différencier les types de rentes dont nous
traiterons ici de la rente ricardienne. Chez Ricardo, l'apparition
des rentes foncières est liée à l'inégale fertilité des terres et à
la pression démographique qui pousse à mettre en culture
des terres de moindre rendement l. Foncièrement, la rente
ricardienne est engendrée par l'inélasticité à long terme de
l'offre de terres. L'analyse de Ricardo a ensuite été étendue
par Marshall à l'ensemble des facteurs de production dont
l'offre s'avère inélastique, au moins à court terme; dans ce
dernier cas, on parle alors de quasi-rentes. La distinction entre
rentes et quasi-rentes est cependant relativement secondaire
pour notre propos ; en effet, rentes au sens ricardien ou quasi-
rentes au sens marshallien sont des revenus qui rémunèrent
les détenteurs de facteurs de production à la suite d'une
modification accidentelle de l'environnement économique. Par
« », il faut entendre un événement
dont la survenance, bien que pouvant être anticipée, ne saurait
être provoquée par l'action concertée des agents économiques.
Ainsi, les propriétaires fonciers ne sont pas en mesure
d'accélérer sensiblement l'accroissement démographique, de
même que des syndicats de travailleurs ne seraient pas en
mesure de raréfier volontairement et massivement l'offre de
travail.
Les rentes qu'envisagent les théoriciens de la recherche
de rente diffèrent considérablement des rentes au sens
classique. Pour illustrer cette distinction, considérons la
spéculation foncière du côté oriental de la faille de St-
Andréas: les spéculateurs anticipent un tremblement de terre
qui transformerait des terrains désertiques en nouvelle Riviera
californienne. Toutefois, ils n'ont pas les moyens — sauf
dans certaines fictions hollywoodiennes — de déclencher une
secousse sismique susceptible de les enrichir plus rapidement
que prévu. Si bien que leur activité, qui procède effectivement
de la recherche d'une rente future, n'induit pas de dépenses
destinées à provoquer un tremblement de terre. De ce point Hillel Rapoport 149
de vue, ce qui distingue fondamentalement les activités de
spéculation des activités de recherche de rente est que les
premières anticipent une rareté future accidentelle, alors que
les dernières visent à la création artificielle et intentionnelle de
raretés présentes 2 et emploient des ressources réelles à cet effet.
L'analyse de la rente chez les classiques ou chez les
marginalistes est néanmoins extrêmement utile pour mettre
en évidence les effets redistributifs de l'apparition de rentes,
effets qui sur le plan théorique sont les mêmes pour les rentes
intentionnelles que pour les rentes accidentelles. Les deux
types de rentes se différencient plutôt en termes d'allocation
des ressources, sachant que dans le cas des premières, des
ressources peuvent être engagées par des agents économiques
afin de modifier l'environnement économique et provoquer
leur apparition. Il est notamment possible d'exercer une
influence sur un agent particulier, l'Etat, ce dernier étant à
même de modifier le cadre juridique et institutionnel dans
lequel se déroulent les transactions marchandes: la législation
industrielle et commerciale, les barrières à l'entrée de telle ou
telle activité, la politique fiscale ou les choix d'affectation des
dépenses publiques, s'ils sont bien des domaines susceptibles de
donner lieu à l'apparition de rentes, ne sont en rien accidentels.
Au contraire, ces choix sont l'aboutissement d'un processus
de décision au cours duquel de multiples pressions ont pu
intervenir. Des entreprises peuvent ainsi chercher à obtenir
des rentes par l'obtention de restrictions à la concurrence
(nationale ou internationale) 3, des syndicats en œuvrant pour
l'obtention d'un monopole d'embauché, et des individus ou
groupes d'individus en réorientant la politique publique de
redistribution.
Ces pressions peuvent utilement être qualifiées
d'activités de recherche de rente, notion qu'il s'agira de préciser,
notamment à travers le cas de figure théoriquement le plus
simple et historiquement le premier à avoir été développé:
celui du monopole. Dans la perspective des économies en
développement, le domaine d'application le plus significatif 150 Hillel Rapoport
concerne l'analyse des rentes issues des restrictions au libre-
échange. Une généralisation de la théorie de la recherche de
rente peut alors être envisagée pour l'ensemble des transferts
de revenus qui transitent par l'Etat, ce qui conduit à considérer
nombre de pays en développement comme de véritables
« sociétés de recherche de rente ».
Le concept de recherche de rente
Dans la théorie économique, la notion de recherche de
rente apparaît de façon d'abord implicite avec l'article de
G. Tullock [1967], le concept lui-même étant explicit