1 INTRODUCTION Le taux d’allaitement maternel le plus récemment recensé en France est actuellement de 50.1% de femmes allaitant leur enfant nouveau-né à la sortie de la maternité. La France présente un des taux les plus bas en Europe, et s’il tend à augmenter chaque année, il est loin d’atteindre la généralisation de l’allaitement maternel que connaissent les pays scandinaves où plus de 90% des femmes allaitent leur enfant à la naissance. Les bénéfices de l’allaitement maternel pour l’enfant et pour sa mère, en matière de santé, sont désormais établis et diffusés auprès d’un large public, médical ou non. Les préoccupations concernant la santé et la sécurité alimentaire de leur enfant sont actuellement vives chez les jeunes mères. Comment expliquer ce paradoxe que les femmes ne choisissent pas « ce qu’il y a de meilleur pour leur enfant » comme s’efforcent de le préconiser les différentes mesures de promotion de l’allaitement maternel ? Praticien de premier recours assurant la continuité des soins à la sortie de la maternité, prenant en charge le couple mère –enfant dans sa globalité, contribuant ainsi à la promotion de la santé publique, le médecin généraliste semble occuper une place de choix pour promouvoir l’allaitement maternel en France. Qu’en est-il réellement ? Quelle place les femmes sont-elles prêtes à lui accorder dans ce lien intime qu’elles tissent avec leur enfant nouveau-né ? Le médecin généraliste est-il suffisamment formé ...
INTRODUCTION Le taux dallaitement maternel le plus récemment recensé en France est actuellement de 50.1% de femmes allaitant leur enfant nouveau-né à la sortie de la maternité. La France présente un des taux les plus bas en Europe, et sil tend à augmenter chaque année, il est loin datteindre la généralisation de lallaitement maternel que connaissent les pays scandinaves où plus de 90% des femmes allaitent leur enfant à la naissance. Les bénéfices de lallaitement maternel pour lenfant et pour sa mère, en matière de santé, sont désormais établis et diffusés auprès dun large public, médical ou non. Les préoccupations concernant la santé et la sécurité alimentaire de leur enfant sont actuellement vives chez les jeunes mères. Comment expliquer ce paradoxe que les femmes ne choisissent pas « ce quil y a de meilleur pour leur enfant » comme sefforcent de le préconiser les différentes mesures de promotion de lallaitement maternel ? Praticien de premier recours assurant la continuité des soins à la sortie de la maternité, prenant en charge le couple mère enfant dans sa globalité, contribuant ainsi à la promotion de la santé publique, le médecin généraliste semble occuper une place de choix pour promouvoir lallaitement maternel en France. Quen est-il réellement ? Quelle place les femmes sont-elles prêtes à lui accorder dans ce lien intime quelles tissent avec leur enfant nouveau-né ? Le médecin généraliste est-il suffisamment formé pour apporter des réponses appropriées aux difficultés que peuvent rencontrer les femmes au cours de leur allaitement ? Après avoir rappelé les propriétés du lait maternel et ses avantages médicaux, nous tenterons de préciser les raisons actuelles du choix et du non-choix de lallaitement maternel à laide dune vingtaine dentretiens réalisés en maternité auprès de jeunes accouchées. Nous essaierons de comprendre les motivations et raisons du choix du mode dalimentation de leur enfant. Nous nous pencherons sur leurs attentes en matière dinformations et daide à la réalisation de leur projet dallaitement maternel de la part des professionnels de santé et en particulier du médecin généraliste. Nous nous efforcerons de préciser le rôle du médecin généraliste dans la promotion de lallaitement maternel et proposerons un programme de formation des médecins généralistes en vue dune meilleure prise en charge des femmes allaitantes et des difficultés quelles rencontrent. Informées et rassurées dans leur capacité à nourrir leur enfant, soutenues et encouragées dans leur projet , aidées de manière efficace et adaptée en cas de difficultés physiques ou psychologiques rencontrées, les mères pourront ainsi sépanouir dans cette fonction dallaiter qui leur est propre et devenir les meilleurs arguments de la promotion de lallaitement maternel en France.
2
PARTIE I GENERALITES SUR LALLAITEMENT MATERNEL
3
1. La situation actuelle : chiffres et statistiques (source IPA Juin 2001) 1.1 Dans les pays européens De nombreux pays européens affichent des taux dallaitement à la naissance supérieurs à 90% : Le Danemark, la Suède, la Norvège, la Suisse, la Roumanie, la Turquie. LAllemagne et lItalie affichent un taux de 85%, le Royaume-Uni 63%, le Luxembourg 74%. Seule lIrlande présente un taux inférieur à la France avec 34% contre 50.1%. Les durées dallaitement sont très variables : les durées médianes pour les pays dont les taux dallaitement à la naissance dépassent 90%, vont de 3 mois pour la Suisse ( durée similaire pour le Royaume-Uni où seulement 63% des nourrissons sont allaités à la naissance) à 6 mois pour le Danemark et 12 mois pour la Turquie. Les allaitements exclusifs sont assez peu nombreux, y compris dans certains pays où les bébés sont majoritairement allaités : en Turquie, seuls 14% des bébés de 4 mois sont allaités exclusivement, alors que 14% des bébés sont encore allaités à 20 mois. Rappelons que les recommandations de lOMS (Organisation Mondiale de la Santé) et de lUNICEF ( Fond des Nations Unies pour lEnfance) sont les suivantes : - allaitement exclusif de la naissance à environ 6 mois - poursuite de lallaitement des enfants jusquà leur deuxième année ou plus, tout en leur donnant des aliments de compléments appropriés. 1.2 En Amérique du Nord Linfluence de mouvements en faveur dun retour à des naissances plus « naturelles » dans les années 1960-1970 est à lorigine dune recrudescence de lallaitement maternel.(WRIGHT)Aux Etats-Unis, en 1998, le taux dallaitement à la naissance est de 64%, de 29% entre 5et 6 mois et de 16% à 1 an. Des cibles en matière de santé ont été définies dans les projets successifs baptisés Healthy People 2000 et Healthy People 2010. Le premier avait fixé comme objectif à atteindre un taux dallaitement à la naissance de 75% et de 50% à 6 mois en lan 2000 (objectifs non atteints y compris chez les mères dorigine européenne).Le deuxième plan ajoute à ces deux bornes une troisième, avec un taux dallaitement à un an de 25%.(SILBERT). Au Canada, en 1996, 34% des bébés de 4 mois sont allaités exclusivement, 13% sont allaités entre 6 et 9 mois, et 4 % sont toujours allaités à 1 an. 1.3 Lexemple des pays nordiques. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les taux dallaitement maternel en Suède comme en Norvège ont décrit une courbe en U spectaculaire, avec un minimum vers 1972-1973, où, en Suède, seuls 30% des bébés sont exclusivement allaités à deux mois. On assiste ensuite à une ascension de ces taux depuis les années 80 toujours effective avec en 1994 : 94.4% des enfants allaités à la naissance, 78.5% à deux mois, 64.1% à 4 mois et 40% à 6 mois. En Norvège, tous les bébés sont allaités à la naissance et 2 sur 3 tètent encore à 6 mois.
4 Ces évolutions positives illustrent quune action à lorigine initiée par des citoyens regroupés en associations très actives, puis relayée par une volonté politique au plus haut niveau de létat, peut très rapidement augmenter la prévalence de lallaitement maternel. Mais plutôt que de présenter lallaitement maternel comme un devoir, cest en revendiquant un droit que les mères ont su redonner son caractère naturel dans les pays nordiques. A ce droit est associé celui de pouvoir bénéficier dun congé de maternité suffisant (pouvant aller jusquà 10 mois avec salaire intégral et 1 an avec 80% du salaire en Norvège) et dune adaptation du monde du travail (NYLANDER). 1.4 La situation en France. 1.4.1 Initiation à lallaitement En matière dallaitement maternel, la France enregistre des chiffres inférieurs aux pays européens. Néanmoins, le taux dallaitement à la naissance en France calculé daprès les certificats de santé du huitième jour confirme pour 1999 la tendance à la hausse avec 50.1% des bébés allaités à la maternité. Il existe des différences entre les régions. Les taux les plus bas sont retrouvés dans le Nord de la France avec seulement 27.6% dans le département du Pas-de-Calais en 1998. Paris tient toujours la première place avec 65.8%. Pourtant, environ 75% des femmes françaises aimeraient nourrir leur bébé au sein au minimum pendant quelques semaines, autrement dit près dun quart des femmes souhaiteraient allaiter mais finissent par y renoncer.( GROUPE DE TRAVAIL) 1.4.2 Durée de lallaitement Lors de la visite obligatoire au neuvième mois de lenfant, le médecin remplit un certificat de santé dit « du 9èmemois ». Une question concerne depuis 1998 la durée de lallaitement qui doit normalement être inscrite par le médecin. Une enquête menée par la CoFAM (coordination française pour lallaitement maternel) en 2000 dans tous les départements auprès des services de PMI (Protection Maternelle et Infantile) a permis une première exploitation de ces chiffres pour 8 départements ( Calvados, Bas Rhin, Finistère, Essonne, Seine-Maritime, Isère, Rhône, Ardennes ).Ces départements ont des taux dallaitement à la naissance qui vont de 36% à 63%. Tous offrent une évolution dallure similaire avec un déclin rapide des taux dallaitement, puisquen 10 semaines, 1 bébé sur 2 environ est sevré.(INFORMATION POUR LAM). Les certificats du neuvième mois restent difficiles à exploiter au niveau national car de nombreuses non réponses rendent le traitement des résultats difficile. Aucune étude nationale névalue l évolution du taux dallaitement exclusif des bébés. 1.4.3 Comment expliquer cette situation ? Que sest-il passé dans notre société pour quil y ait un tel échec dans la réalisation dun désir si naturel ? Force est de constater que lenvironnement en France est défavorable à lallaitement maternel. 1.4.3.1 Des actions internationales mal connues. En 1981, lOrganisation Mondiale de la Santé (OMS)a voté à lunanimité moins une voix (celle des Etats-Unis) un Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (doc annexe), à lintention des industries concernées et des gouvernements, afin de
5 règlementer la promotion et la vente de tout substitut de lait maternel, mais aussi des tétines et des biberons. Les conseils de lOMS ont été repris par lEurope en 1991 et par la France en 1998, mais en les limitant à la promotion et la distribution gratuite des laits premier âge. La déclaration dInnocenti ( août 1990)(annexe), déclaration dengagement de nombreux gouvernements, de lOMS et de lUNICEF pour favoriser lallaitement maternel, nest pas vraiment appliquée en France. Les dix recommandations de lOMS pour permettre un bon démarrage de lallaitement maternel et linitiative « Hôpital Ami des Bébés », promue par lUNICEF en 1991 pour récompenser les maternités qui remplissent ces dix conditions sont peu connues en France. Alors que 150 maternités en Europe ont obtenu le label « Hôpital Ami des Bébés », seuls deux établissements en France lont obtenu : la maternité de Lons-le-Saunier en 2000 et celle de la clinique Saint Jean de Roubaix en Mai 2002.(GROUPE DE TRAVAIL) ( Doc IPA) En France, il existe des initiatives locales pour la promotion de lallaitement maternel mais pas de comité national officiel pour regrouper les énergies vers un objectif. 1.4.3.2 Une forte pression publicitaire pour les aliments de substitution Les informations commerciales sont une part importante des informations reçues par les familles. Peu chères, sinon gratuites, elles peuvent constituer la majorité voire la totalité de ces informations, surtout dans les milieux socioéconomiques défavorisés où la prévalence de lallaitement maternel est la plus faible. Une étude a été récemment réalisée sur la pression publicitaire pour les aliments de substitution : létude concerne des revues achetées en kiosque entre le mois de Janvier 2001 et le mois dAoût 2001. Ces revues sadressent au grand public et traitent entre autre de la petite enfance et de la grossesse. Dans les titres Famili, Parents et Enfants Magazine qui sont aujourdhui les magazines traitant de la petite enfance les plus diffusés en France deux publicités sur neuf sont des publicités pour un produit ou une action des entreprises commercialisant des aliments pour les jeunes enfants et des ustensiles concernés. Les publicités de Danone et Nestlé occupent respectivement 45% et 27% de lensemble des pages de publicité pour des produits ou actions liées à lalimentation infantile pour lensemble des revues de létude.( ROQUES). La loi française est le plus souvent respectée, à savoir pas de publicité pour les laits « premier âge ».La loi stipule que ce type de publicité nest autorisé que dans la presse écrite destinée aux professions de santé ( loi n° 94-442 du 3 juin 1994).Les éléments contenus dans la publicité doivent se limiter à des faits de nature scientifique (arrêté du 11 janvier 1994 modifiant larrêté du 1erjuillet 1976). Le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel a un champ plus vaste que celui de la loi française : il concerne les substituts du lait maternel, les biberons et les tétines. Toute forme de promotion pour les produits concernés par le Code international vers les familles est interdite : ceci inclut la publicité. Le code international nest pas respecté en France Toute documentation sur lalimentation infantile doit comporter certaines indications : Article 1 du décret dapplication du 30 juillet 1998 «Toute documentation à but dinformation ou déducation, tant écrite quaudiovisuelle, portant sur lalimentation des nourrissons et établie à lintention des femmes enceintes ou des mères de nourrissons ou de jeunes enfants ou à lattention des personnes soccupant des problèmes nutritionnels des nourrissons et des jeunes enfants doit comporter des informations sur : - les avantages et la supériorité de lallaitement au sein - la nutrition de la mère et la façon de se préparer à lallaitement et de le poursuivre - léventuel effet négatif sur lallaitement au sein dune alimentation partielle au biberon - la difficulté de substituer un allaitement au sein à une alimentation utilisant des préparations pour nourrisson - en cas de besoin, lutilisation correcte des préparations pour nourrissons. Dans ce cas, cette information doit également faire état des incidences, notamment financières, de
6 cette utilisation, signaler les dangers pour la santé de lemploi daliments ou de méthodes dalimentation inadéquates et, en particulier de lutilisation incorrecte de ces préparations. Cette documentation ne doit contenir aucune image de nature à présenter lutilisation de préparations pour nourrissons comme la solution idéale. » Létude précédemment citée (ROQUE) vérifie que chaque publicité est accompagnée dun petit texte censé reprendre les dispositions du décret dapplication de 1998. mais la taille de ces textes rend leur lecture presque impossible. Notons toutefois que des images denfants allaités ont fait leur apparition dans des spots télévisés et des affiches publicitaires depuis quelques mois, mais pour assurer la promotion de tout autre chose que lallaitement maternella promotion dun fast-food ou encore dune compagnie dassurances pour les plus insolites. La publicité ne se limite pas à la presse : distribution de lait dans les maternités, calendriers, agendas aux couleurs des firmesvoire financement de certains congrès médicaux avec prise en charge par les firmes des frais annexes.(YOUNG). 1.4.3.3 La qualité des laits industriels La fabrication des laits industriels vise à mimer au plus près la composition du lait maternel (BEAUFRERE),(LEQUIEN).Leur digestibilité est excellente. 1.4.3.4 Uneformation insuffisante des professionnels de santé Peu dheures sont consacrées à une formation spécifique sur lallaitement maternel pour les futurs médecins, sages-femmes, puéricultrices. (MARCHAND-LUCAS), (FREED),(GROUPE DE TRAVAIL), (LEQUIEN). Les conseils élémentaires face aux problèmes médicaux sont mal connus et souvent mal pris en charge, accélérant le sevrage.(MARCHAND-LUCAS). 1.4.3.5 Une information insuffisante des parents Les séances de préparation à la naissance, source dinformation sur lallaitement au cours de la grossesse, sont suivies par un nombre réduit de femmes et souvent par les mieux informées.(LEREBOURS),(GROUPE DE TRAVAIL),(BEAUFRERE),(CROST). Le choix des mères est essentiellement influencé par lenvironnement socio-culturel (LEREBOURS) qui met en avant les contraintes de lallaitement maternel. 1.4.3.6 Un congé post-natal trop court De nombreuses mères allaitantes se découragent dès la fin du premier mois à la perspective de commencer le sevrage en vue de la reprise du travail au troisième mois. Si lallaitement est parfois difficile le premier mois, cest au moment où il devient plus aisé dans sa réalisation et plus idéal sur le plan relationnel quil faut alors sevrer lenfant. Les pays européens qui ont les plus forts taux dallaitement maternel sont ceux qui facilitent le plus la vie des parents avec de nombreux équipements collectifs, une grande période de congé post-natal rémunéré. Cest le cas notamment des pays scandinaves.( NYLANDER),(DOC IPA), (GROUPE DE TRAVAIL). 1.4.3.7 Des facteurs culturels souvent défavorables
7
Dans nos pays latins, nous sortons dune période où le concept démancipation de la femme donnait une connotation de servitude et de ringardise, alors que dans les pays du Nord de lEurope, à la même époque, les mouvements féministes revendiquaient lamélioration des conditions dallaitement. (NYLANDER). Depuis la libération sexuelle de ces dernières années, notre culture a privilégié le sein érotique, esthétique, médiatique, médical, publicitaire, etc en excluant le sein maternel. Doù un discours désobligeant et négatif fait de fausses idées reçues. Or la décision dallaiter dépend beaucoup de lopinion de lentourage.(LEREBOURS).(THIRION).(GROUPE DE TRAVAIL). De tels discours, ainsi que le souci de perfection de notre société, favorisent lémergence de peurs chez les jeunes mères : peur dabîmer son corps et ses seins, peur dêtre envahie par un bébé trop exigeant, peur dêtre vidée, « dévorée »,peur de ne pas y arriver et donc de se culpabiliser. (THIRION), (GROUPE DE TRAVAIL). 2.Les avantages médicaux de lallaitement maternel.2.1 Composition du lait maternel 2.1.1 Evolution du lait durant la lactation. Il s'agit d'abord du colostrum durant les 3 à 5 premiers jours de lactation. Sa composition est différente de celle du lait "à maturité". Il présente une faible valeur calorique du fait de l'absence de lipides dans sa composition, et comporte une quantité importante de gynolactose. Il contient 2 fois plus de protéines, surtout des immunoglobulines IgA. Il est riche en cellules immunitaires.Le lait dit "lait de transition" est produit au cours des 15 jours suivants. Sa composition évolue vers celle du lait définitif avec une augmentation progressive de la teneur en lipides et en lactose et une diminution de la teneur en protéines et gynolactose. Le lait définitif est produit environ trois semaines à un mois après le démarrage de l'allaitement et couvre les besoins nutritifs du nourrisson pendant les mois suivants. Le volume moyen de lait produit quotidiennement par une femme est d'environ 800 ml. - Le tableau suivant donne la composition comparée du colostrum et du lait définitif humain, du lait de vache et des laits industriels destinés à l'alimentation des nourrissons de moins de 5 mois (laits 1erâge). (BINCE)
8 Constituants en g/l colostrum lait humain lait entier laits industriels de 1 mois de vache pour nourrissons Glucides - Lactose 32 60 50 47 à 73.5 - Gynolactose 23 10 0 0 - dextrines-maltose 0 0 0 0 à 24 Lipides dont 0 45 35 à 38 36 à 50 - cholestérol 0 0.14 0.11 Protéines dont : 20 10 35 15 à 21 - caséines absence 40% 80% 40 à 80% - protéines du lactosérum 60% 20% 60 à 20% - autres protéines présence présence absence Sels minéraux 1 2 6 4 Vitamines présence présence présence présence 2.1.2 Le lait humain, une composition unique (BINCE, MASSOL,SALLE). La composition du lait humain est complexe et montre des constituants et des particularités propres à l'espèce humaine. 2.1.2.1 Le gynolactose Ce terme regroupe à l'heure actuelle environ 120 oligosides présents dans le lait humain et totalement absents du lait de vache. Ces oligosides peuvent être constitués de 5 oses ou dérivés suivants: glucose, galactose, fucose, acide neuraminique et N-acétylglucosamine. Ils comportent de 3 à 10 résidus avec habituellement le lactose à leur extrêmité réductrice. Leur synthèse a lieu dans les cellules bordant les alvéoles de la glande mammaire, elle est réalisée à partir du lactose par des transférases présentes dans les différents compartiments de l'appareil de Golgi. Ces oligosides n'ont pas un rôle énergétique chez l'enfant: ils ne sont pratiquement pas absorbés au niveau intestinal et parviennent intacts au niveau du côlon où ils sont fermentés par la flore bactérienne. Les oligosides favorisent limplantation de la flore bifide et participent à leffet de barrière contre certains germes entéropathogènes.(BEAUFRERE)
9
2.1.2.2 Peptides et protéines Le lait définitif contient des caséinesα,β,κ les protéines du lactosérum. Ces dernières et constituent environ 60% des protéines du lait et sont très hétérogènes. Elles ont un rôle nutritif. Les immunoglobulines sont particulièrement abondantes dans le colostrum, mais leur concentration diminue rapidement à partir du quatorzième jour de lactation. Les immunoglobulines présentes sont essentiellement des IgA secrétoires et des IgM. Leur rôle est de tapisser la muqueuse intestinale et de s'opposer à la pénétration de protéines étrangères, de bactéries et de virus. Leur présence intervient donc de façon essentielle dans la protection des nourrissons alimentés au lait maternel. Les deux principaux facteurs de croissance mis en évidence dans le lait humain sont l'EGF ( Epidermal Growth Factor) et l'IGF1 avec des concentrations respectives dans le colostrum de 196 et 49 mg/l. Ils diminuent ensuite au cours de la lactation. Des récepteurs spécifiques ont été mis en évidence au niveau du tractus gastrointestinal du nourrisson. Ils auraient une fonction essentielle de stimulation et de renouvellement des entérocytes. (SALLE). (BINCE). La lactoferrine permetune biodisponibilité optimale du fer contenu dans le lait de femme, et joue un rôle bactériostatique en limitant laccès au fer intraluminal de nombreux germes pathogènes.(BEAUFRERE).2.1.2.3 Les lipides Le lait humain est très riche en lipides essentiellement des triglycérides. Leur composition en acides gras est différente de celle du lait de vache: - les acides gras à courte chaîne sont faiblement représentés: 0.6% des acides gras du lait de femme contre 6% dans le lait de vache. - la proportion en acides gras insaturés à longue chaîne est élevée (oléique, linoléique, linolénique, arachidonique): 4 g/l dans le lait de femme contre 2 g/l dans le lait de vache. Les métabolites de l'acide linoléique (série n-6) et de l'acideα-linolénique (série n-3) sont importants pour la constitution des membranes et surtout leur fluidité, notamment au niveau du cerveau et en particulier des cellules de la rétine. (SALLE). De nombreuses études concernant la composition en acides gras du lait féminin ont été publiées. Cette composition est influencée par le type d'alimentation de la mère avec par exemple un enrichissement en acides gras insaturés surtout en acide oléique si la mère consomme largement des huiles végétales ou en acides gras polyinsaturés si la mère consomme des huiles de poisson.(SALLE). 2.1.2.4 Les cellules Des leucocytes sont présents dans le lait maternel. Lessentiel des leucocytes du lait maternel définitif sont des macrophages.
10 Des tests de viabilité ont montré que 90 à 100% des cellules du lait sont vivantes immédiatement après le recueil, ce chiffre diminue ensuite régulièrement quand la durée de stockage du lait augmente. Lactivité phagocytaire des macrophages a été étudiée et déterminée in vitro sur des levures immédiatement après le recueil : ainsi 75% des macrophages présents dans le colostrum et le lait définitif ont une activité phagocytaire. 2.1.3 Variation de la composition du lait au cours de la tétée.La composition du lait n'est pas constante: elle est liée à l'alimentation de la femme, varie selon les différentes phases de la lactation, en fonction de l'heure de la tétée et au cours de celle-ci. Ainsi, au début d'une tétée, la proportion d'eau est élevée et apaise la soif de l'enfant, les teneurs en lactose et gynolactose élevées au départ diminuent progressivement tandis que la teneur en lipides augmente (d'un facteur 2 à 3 vers la deuxième à troisième minute de la tétée) apportant la satiété au bébé. 2.2 L'allaitement maternel et les infections 2.2.1 Rappels sur la composition du lait (MASSOL).(BINCE).(BEAUFRERE) L'importance des fonctions immunitaires digestives est aujourd'hui reconnue, mais insuffisamment considérée par de nombreux médecins. La muqueuse digestive est la plus riche en organes lymphoïdes, sur une surface considérable (plus de 1000 m2), la plus grande de l'organisme en contact avec le monde extérieur. Elle est soumise à de multiples agressions infectieuses et alimentaires introduites dans la cavité buccale ; mais elle doit progressivement après la naissance acquérir une capacité de tolérance orale à tous les antigènes alimentaires. Chez l'enfant la maturation de ces fonctions muqueuses est fondamentale pour l'avenir des défenses immunitaires de toute une vie. Les relations entre lait et immunité, lait et allergie, lait et infections néonatales, sont sans aucun doute d'une importance capitale pour la santé d'un être humain. Le lait maternel est irremplaçable pour conférer une immunité passive chez le nourrisson, avant l'arrivée à maturité de son propre système immunitaire. De nombreux faits confirment le rôle protecteur de l'allaitement au sein contre les maladies infectieuses, et tout particulièrement contre la diarrhée du nouveau-né. Le colostrum et le lait maternel contiennent les facteurs immunologiques humoraux et cellulaires qui assurent les mécanismes spécifiques et non spécifiques de défense contre les agents infectieux. Bien évidemment aucun de ces facteurs ne peut pour l'instant être associé aux laits reconstitués. Ces molécules immunoactives ou immunomodulantes sont des protéines solubles aux activités multiples, parmi lesquelles : les immunoglobulines IgA sécrétoires (90%) et sériques, quelques IgM et IgG, les facteurs C3 à C9 du complément, la lactoferrine, la lactoperoxydase, le lysozyme, des facteurs chimiotactiques, les inhibiteurs des protéases comme l'α,enis-1yptrtian de l'interféron-γ, des facteurs de résistance aux lipides associés au staphylocoque.
11 Le niveau des IgA, IgG et IgM est plus élevé dans le colostrum maternel immédiatement après l'accouchement (20 mg ou plus par ml) et décline rapidement en quelques jours. On retrouve des anticorps anti E Coli dans le colostrum, ainsi que des IgA anti entérovirus, mais pas d'IgG. Le lait contient également des IgA sécrétoires spécifiques dirigés contre divers entérovirus et protéines alimentaires. Il paraît y avoir une relation étroite entre la réponse immune spécifique de la glande mammaire et l'exposition aux antigènes dans l'intestin maternel (cycle entéromammaire). Les IgA du lait protègent ainsi l'enfant contre ses propres micro-organismes entériques, mais également contre certains virus non digestifs comme le virus respiratoire syncytial, réduisant ainsi le risque ou la gravité de ces types d'infections. Peu absorbés au niveau digestif de l'enfant, ces anticorps conféreraient une protection locale passive, conjuguée avec celle des autres protéines telles les mucines de la muqueuse. L'efficacité des IgA sécrétoires dans la protection locale est liée à leur plus grande résistance à la digestion acide et enzymatique, renforcée par la présence dans le lait de lα1- antitrypsine. Ces IgA inhibent l'attachement des agents pathogènes sur les glycoprotéines de la membrane intestinale ; ils réduiraient également l'absorption de certains antigènes alimentaires, en liaison avec les autres facteurs solubles protéiques du lait maternel. La présence de lactoferrine (protéine ferrique équivalent de la transferrine plasmatique) est remarquable dans le lait humain. On lui accorde une activité bactériostatique en synergie avec celle du lysozyme, la capture du fer privant les bactéries de cet élément nécessaire à leur croissance. Elle renforce l'action bactéricide des Polynucléaires Neutrophiles. La lactoferrine semble posséder également une activité antivirale. Elle intervient dans le développement de la flore intestinale. Rappelons que le lait maternel contient des oligosides (gynolactose) appelés également facteur bifidus. Ces oligosides, par compétition, empêcheraient l'adhésion à la muqueuse intestinale des agents pathogènes. Le colostrum et le lait contiennent également de nombreuses cellules de l'immunité. 80 à 90% sont des macrophages et des polynucléaires, 10% des lymphocytes (cellules T, lymphocytes B) et quelques rares cellules épithéliales. Les macrophages assurent les effets bactéricides, ils sécrètent les facteurs solubles : lactoferrine, C3C4, lysozyme. Les lymphocytes B sont les producteurs des IgA. Le transfert de l'immunité cellulaire directe de la mère à l'enfant paraît limitée aux premières semaines de la lactation, la concentration cellulaire dans le lait s'atténue fortement après le 6è mois de lactation. 2.2.2 Résultats des études épidémiologiques La fréquence des infections bactériennes et virales et, de façon plus générale la morbidité et la mortalité par infection sont plus faibles chez les enfants nourris au sein que chez ceux recevant un substitut de lait maternel. Cet effet est surtout marqué dans les pays en voie de développement (VILLALPANDO) mais a également été mis en évidence dans les pays industrialisés : moindre fréquence des infections ORL et bronchopulmonaires, des méningites à Haemophilus influenzae, des entérocolites ulcéronécrosantes et, dune façon plus générale, des infections néonatales ou des diarrhées à Rotavirus. (BEAUFRERE). Néanmoins ces données sont à nuancer.