Une philosophie pour le développement de l Afrique
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Publié le 11 mars 2012
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Langue Français

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I. INTRODUCTION
Notre ère est marquée par la tendance néolibérale de la mondialisation qui veut étendre le capitalisme du libre marché à chacun des pays du monde. C’est une époque de la domination des puissances économiques. Cette politique en vertu de son accent sur le macro-économisme marginalise l’Afrique à cause de son incompétence technique, politique, économique et scientifique. Face à cette fastidieuse réalité dont gîte le continent, nous avons fait recours aux pensées d’un philosophe qui a pu lire les signes de son temps en occident et l’influencé positivement vers la croissance scientifique, technologique et sociologique par le développement de sa philosophie de l’action. La science pratique de Maurice Blondel devrait se réverbérer dans notre continent africain où la culture se focalise essentiellement sur les relations sociales au détriment de l’ingéniosité de la créativité, véritable force du développement intégral. C’est dans cette perspective d’avènement d’un développement durable que notre élan réflexif se veut interpellateur, démystifiant et thérapeutique. Il s’articulera autour de la pensée de Blondel et s’axera sur la richesse de ses propositions pour une Afrique épanouie, quitte du tourment généralisé.
II. PRESENTATION DE MAURICE BLONDEL ET DE SON ŒUVRE
Maurice Blondel est l’initiateur de la doctrine philosophique de l’action. Il tente dans cette œuvre ( Action ) de manifester le rapport existant entre la pensée et l’action pour constituer une critique de la vie et une science de la pratique. Epris de la foi chrétienne, il veut éviter le fidéisme et le rationalisme par son étude approfondie de la science avec la croyance ainsi que de la philosophie avec la religion. L’ Action  est le sujet de sa thèse de doctorat soutenue en 1893 en France. Elle est pour lui toute activité humaine qui peuple les domaines de la morale, de la métaphysique, de l’esthétique, de la science ou la de pratique. 1  Philosophe chrétien, il pense briser le carcan du dogmatisme cartésien dans sa vision sur le refus du surnaturel. C’est pourquoi il rejette les positions scientistes et kantiennes qui stipulent que le vrai est le phénomène au détriment du noumène, de la chose en soi. Il soutient cependant que le sens de la vie humaine n'est pas épuisé par la vie phénoménale mais il la transcende pour s’enraciner dans la métaphysique, voute génératrice de sa quintessence. Son œuvre se base sur ce problème, considérable entre tous, justifiant son choix par ce fait que chacun, dans la
1 Cfr. J. LACROIX, « Blondel Maurice » in Dénis HUISMAN, Dictionnaire des philosophes, Paris, PUF, 1984, p.332.
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pratique, se pose inévitablement ce problème et le tranche inévitablement : Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et l’homme a-t-il une destinée ?
2.1. Biographie de Maurice Blondel
Maurice Blondel est un philosophe français d’une famille Bourguignonne, né à Dijon le 02 novembre 1861. Il entre à l'école normale supérieure de Paris en 1881 et soutient en 1893 sa thèse de Doctorat en philosophie intitulée Action , Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique . En 1895, il devient Maître de Conférences à Lille, puis à Aix-en-Provence avant d’enseigner aux universités de Chaumont, Montauban, Lille et Aix-Marseille à partir de 1895 jusqu’en 1927, année de sa retraite prématurée justifié par une cécité. Il meurt le O4 juin 1949, en la veille de la Pentecôte à Aix. Le sujet de sa thèse Action est le germe, et presque le centre de toute sa philosophie. L'originalité de cette thèse ne vient pas du souci de réfléchir sur le primat de l'action par rapport à la pensée selon la conception intellectuelle marxiste mais une inspiration issue de la prière. C’est ainsi que les idées du philosophe d’Aix se vexèrent à l’opposition des milieux universitaires et intellectuels à cause de son principe fondamental d’immanence qui est d’ailleurs méthodologique voire pédagogique et non doctrinal comme celui des modernistes qui supprime la distinction entre l’homme et Dieu. Pour le philosophe de l’action, le problème de l'action n'est pas partiel, mais pose celui du sens de la vie toute entière, car l’être et l’action se convoquent mutuellement.
2.2. Aperçus sommaires des œuvres de Maurice Blondel
 Maurice Blondel est auteur de plusieurs œuvres parmi lesquelles figurent des lettres publiées dans Annales de philosophie chrétiennes en 1896, des articles publiés dans la revue La Quinzaine en 1904 et bien d’autres ouvrages. Nous nous attèlerons sur ses principales œuvres, à savoir : La Pensée. La genèse de la pensée et les paliers de son ascension spontanée (1934). Dans cette œuvre, Blondel illustre que notre première tâche est de discerner ce qui fait question et de montrer que la pensée est ordinairement paru comme l’instrument propre à résoudre tous les problèmes même dans sa complexité. Et pour être éclairante, elle a besoin d’être éclairée sur ses origines, sur sa nature et sur sa destination.
La Pensée . Les responsabilités de la pensée et la possibilité de son achèvement. (1934, Tome 2). Elle dépeint systématiquement la fonction, le rôle et la capacité de la pensée humaine ainsi que l’aboutissement de sa méthodologie cohérente surtout dans l’agir moral. L'Action. Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique (1893). Elle analyse
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l’homme en situation, du vécu concret, débouchant sur l’exigence de la vie religieuse et surnaturelle considérées comme l’unique réponse possible au problème de l’existence. Le terme action désigne le dynamisme de la vie dans son ensemble et est une science de pratique.
L'être et les êtres . Essai d'ontologie concrète et intégrale (1935). Précédé par Le problème de la philosophie catholique (1932). Ainsi qu’une révision de L' Action , volume I : Le problème des causes secondes et le pur agir (1936).
L 'Action , volume II : L'Action humaine et les conditions de son aboutissement (1937). Ce volume est une version revue et corrigée de l’Action de 1893.
Lutte pour la civilisation et philosophie de la paix (1939). Comme le titre l’indique, c’est une lutte pour le triomphe de l’amour sur la haine et écrite pendant la deuxième guerre mondiale.
La philosophie et l'Esprit chrétien , (2 volumes écrites entre 1944 et 1946). Nouvelle édition du volume I, 1950. C’est toujours dans cette atmosphère de guerre qu’il se penche sur ce que doit être le chrétien surtout la manifestation de sa spiritualité dans le monde.
Exigences philosophiques du christianisme (1950) et Lettres philosophiques (1961), qui sont des œuvres posthumes. Ainsi que les Notes d'Esthétique (1878-1900), présentées et annotées par Sante Babolin en 1973.
II. BREF RESUME DE L’ ACTION DE MAURICE BLONDEL
Pour Maurice Blondel, la philosophie de l’action est l’une des sciences mère qui est le principal nœud de la science dans son ensemble, de la métaphysique et de la morale dans la mesure qu’elle est capable de fermer la pensée à la pratique et vice versa.
3.1. Origine blondélienne de l’action
Selon LALANDE, l’action est « l’opération d’un être considéré comme produite par cet être lui-même, et non par une cause extérieure » 2 . Ainsi dit, elle est le moyen par lequel un agent modifie un sujet ou un objet. Sa racine se trouve dans la liaison de l’univers entier avec la vie subjective. De ce fait, l’action naît d’emblée d’une idée pour y opposer la délibération avant de prendre corps dans les faits. A Blondel de dire que « pour agir, il faut participer à une puissance infinie ; pour avoir conscience d’agir il faut ’ it l’idée de cet infini  qu on a
2 XXX, André LALANDE (dir.), vocabulaire technique et critique de la philosophie , PUF, Paris, 2006, pp.19-20.
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pouvoir » 3 . Elle est le lieu de l’harmonie entre l’impuissance humaine qui cherche et la toute puissance de l’Etre qui donne. Il note alors que « l’action est une synthèse de l’homme et de Dieu : ni Dieu seul, ni l’homme seul ne peut la changer, la produire ou l’anéantir » 4 .
3.2. La volonté d’être comme fondement de la pensée
L’action est une synthèse de la volonté, de la connaissance et de l’être. L’homme étant un être raisonnable, l’action devient le fondement de la pensée puisqu’elle est le point précis et perceptible d’où convergent à la fois le monde moral, de la pensée et le monde de la science. Ce qui laisse entrevoir que la pensée est subordonnée à l’action par le principe de l’unité transcendante de l’être. L’action morale en accord avec la nature rationnelle de l’être a sa place dans le développement puisqu’elle génère la liberté, prône l’observance des droits de l’homme, le respect de la vie, voire la démocratie. Selon Blondel, ce n’est pas la méthode de déduction spéculative qui peut résoudre l’opposition des termes en présence : car la déduction spéculative justifie une idée de l’expérience plutôt que l’expérience elle-même ; et ce n’est pas non plus l’action morale, puisque l’action morale, loin de se suffire et de pouvoir se limiter à elle-même, suppose des conditions qui la déterminent et des conséquences qui la dépassent. Ce n’est, par suite, ni la nécessité ontologique de l’Absolu, ni la nécessité pratique du devoir qui peut servir de fondement à la pensée ; il faut un fait qui soit à la fois premier et dernier, qui contienne en lui seul ou qui soit capable de requérir par lui seul tout ce qui lui est indispensable pour être pleinement. Ce fait, c’est la volonté, entendue d’abord dans sa signification la plus indéterminée ; la volonté d’être est le fondement de la pensée qui, à son tour, se fonde sur l’action comme sa source génératrice. C’est pourquoi il stipule que « la volonté humaine ne peut se garder toute en soi ’ ll ne vient pas toute de soi. Si , parce qu e e grandi que soit le cercle, l’action le fait éclater… » 5 .
3.3. De la véritable science
3 Maurice Blondel, L' Action - Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique, (1893), P.U.F, Paris, 1950, p.121.
4  Ibidem , p.371.
5  Ididem , p.327.
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Pour Blondel, la science est une réussite 6 , sûrement de l’ingéniosité humaine mais, elle recèle des confusions. Etant donnée qu’il y a des incohérences dans le système même des sciences positives, du fait que son savoir n’est pas logiquement lié dans toutes ses parties et ne tient pas par lui seul ; l’analyse mathématique, au terme de ses abstractions, ne rejoint jamais la réalité sensible. Le rapport du calcul à l’expérience est un passage de fait opéré par l’esprit, non une transition logique. Ainsi, notre auteur note que « toute construction spéculative qui prend les symboles scientifiques et les vérités positives pour matériaux est ruineuse » 7 . Ce faisant, les sciences positives ne sont que l’expression partielle et subalterne d’une activité qui les enveloppe, les soutient et les déborde. Au demeurant, la véritable science du sujet n’est pas celle qui le traite comme un objet mais au contraire, c’est celle qui, considérant dès le point de départ l’acte de conscience comme un acte, en découvre par un progrès continu l’inévitable expansion. La véritable science cherche l’équation de l’action, elle se propose de développer tout son contenu. D’où sa vision métaphysique esquissée par le Philosophe d’Aix : « Les sciences ( …) sans recourir à aucune critique métaphysique, se découvre la certitude de ce qu’elles ne pourront jamais savoir » 8 . Pour cela, son dessein est de déterminer quel en est le terme nécessaire d’après la force même du mouvement initial d’où procède l’acte et qui se marque à chaque effort de son développement. En clair, l’action est une science, celle de la pratique pour la vie harmonieuse de l’être. Ce qui ferra dire à Blondel que « la véritable science de la conscience ne saurait être qu’une science de l’action » 9 . Elle se trouve ainsi dans sa vision corrélative avec la pensée, la théorie et la pratique dans la mesure que c’est cette dernière qui nourrit la pensée qui à son tour dirige l’action. Elle est une dynamique mentale qui naît de l’intimité de l’être et le pousse au travail pour la vie et dans la vie.
3.4. Relativité de la métaphysique et son rôle vrai
6 Cf . ibid , p.81.
7 Maurice BLONDEL, Op.cit ., p.83.
8  Ibid , p.85.
9  Ibidem , p. 99.
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La métaphysique est une étape des fins que poursuit la volonté du fait qu’il y a en l’homme même un désir du bien, donc de l’Absolu. Elle est relative dans la mesure que justifiée par son rapport à la vie, elle est destinée à expliquer les rapports qui s’établissent entre les divers moments de la volonté. Or, ce n’est pas à la raison spéculative de décider de ce qui est, mais c’est toujours en fin de compte à l’action d’en décider.
Le vrai rôle de la pensée métaphysique selon Blondel est d’expliquer ce qui est à l’aide de ce qui doit être, que de produire des idées qui sont à la fois réelles, idéales et pratiques. Ainsi, la pensée métaphysique est quelque chose d’important pour le progrès dynamique de la volonté. C’est à ce propos que dans l’une des idées maîtresses de sa thèse, notre auteur montre que la constitution d’une métaphysique absolue, qui prétendrait tout comprendre et enfermer en elle tout l’intérêt et tout le sens de l’expérience future, est vue comme une erreur fondamentale. Puisque le moindre élan de la volonté dépasse toujours ses conditions antécédentes et échappe par là même au système des raisons dont on voudrait absolument le faire dépendre.
En substance, le rôle de la métaphysique est de montrer comment ce mouvement s’opère par son initiative propre, sans subordonner l’un à l’autre les deux termes entre lesquels il se produit, comment il réalise lui-même la loi par laquelle il se déploie, comment de lui-même il se règle et s’achève. Il n’y a pas de science de la vie qui puisse dispenser de vivre : la vie seule révèle son secret, à qui la veut pleinement. C’est pourquoi l’action naît d’emblée d’une idée, d’un désir, d’un motif et d’un mobile comme guide de son dynamisme.
3.5. L’action, véritable caractéristique de la vie individuelle
L’action est véritablement constitutive de la vie individuelle du fait qu’elle unit en faisceau les forces éparses de l’organisme, et elle sert de médiatrice entre les formes de l’activité corporelle et les formes de l’activité spirituelle. L’action est nécessaire pour le développement de l’être, car elle est l’acte créateur par lequel l’esprit, la pensée et la conscience imposent sa forme et son unité à la matière. Et Blondel note à cet effet ce qui suit : « L’action ne vise plus principalement à édifier une œuvre extérieure, mais à former l’agent, son habileté, ses vertus, son unité personnelle » 10 . Elle prépare par la tension des organes de l’intelligence, elle introduit l’unité dans notre être.  Ainsi, pour Maurice « l action est le miroir qui nous offre une image visible de notre caractère  » 11 . Par une action mesurée, l’homme acquiert une liberté radicale et épanouissante comme le remarque AKENDA : «  par son 10 XXX, Que sais-je ?  Le Personnalisme , Emmanuel Mounier , 13è édition, 140 è mille, paris, PUF, 1978, p.100.
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action, le soi individuel se constitue une culture interindividuelle et transindividuelle d œuvres qui lui offre en même temps les formes de son individualité » 12 .
En clair, la vie individuelle trouve son sens en répondant à la question du sens de l’existence lorsqu’elle se voit embaumée par des actes salvateurs, sceptres de l’unité épanouissante de l’être. A ce propos, Blondel insiste que « l’action est le ciment de la vie organique et le lien de la conscience individuelle : dans l’acte, il y a plus que l’acte même ; il y a l’unité de l’agent, la conciliation systématique de ses forces, la cohésion de ces tendances » 13 .
3.6. L’action, fonction sociale par excellence
Dans l’action, l’homme se sent impuissant quand il est seul, c’est pourquoi il a besoin de l’autre pour collaborer. La coopération est une condition sine qua non  dans l’accomplissement d’une noble action. Du fait que « notre action, c’est la collaboration de l’univers et le triomphe de l’interpersonnalité » 14 . L’action s’intéresse au bien de la multitude, donc s’élargit et se passionne pour l’humanité. Elle est une fonction sociale par excellence ; exprimée par les symboles et par les signes du langage, elle a une vertu infinie de propagande et acquiert un degré d’universalité auquel la pensée abstraite ne saurait prétendre. Elle va, sollicitant le concours de toutes les forces qui l’entourent, forces naturelles et forces humaines, se modifiant à leur contact et créant dans le milieu où elle se réalise un effort général de coopération. Ainsi, Blondel affirme que « l’action est une fonction sociale par excellence (…) elle est faite pour autrui, elle reçoit d’autrui un coefficient nouveau et pour ainsi dire une réformation. Agir c’est évoquer d’autres forces, c’est appeler d’autres moi » 15 .
11 Maurice Blondel, Op.cit ., p. 228 .
12 Jean Chrysostome Akenda, « Identité culturelle africaine » in Culture Africaine, Démocratie et développement durable , Actes des VIIIe journées philosophiques de la faculté Saint Pierre de Canisius / Kimwenza, édition Loyola, Canisius 2005, p.117.
13 Maurice Blondel, Op.cit ., p.180.
14  Ibid , p. 200.
15  Ibidem, p. 239.
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En somme, Blondel rejoint la conception aristotélicienne de l’homme qui est essentiellement défini par sa sociabilité et par les règles que cette qualité suscite : ayant naturellement un penchant à s’associer. C’est pourquoi il s’excelle à décrire tous les faits de contagion morale et de solidarité sociale, les phénomènes de sympathie naturelle ou réfléchie qui manifestent, à des degrés de plus en plus élevés de complication et de richesse, la primordiale volonté d’être. Il montre comment ce besoin d’union, après avoir constitué les diverses espèces de sociétés humaines, s’étend au delà même de l’humanité, jusqu’à une liaison effective avec l’univers. De la sensation à la perception, de la science au sujet qui la fait, de la famille à la cité, les dépassements successifs de l'action inscrivent la recherche perpétuelle de l'infini dans le fini, au point de jonction de l'immanence et de la transcendance.
3.7. L’action, une voie du développement
L’action quand elle est effective devient génératrice de la pratique et voute du développement. Puisque par elle, l’homme tente de gagner l’univers en vue le dompter pour le dominer. C’est pourquoi il ressort du développement de l’être, une action bien intégrée « le rôle de l’action, c’est donc de développer l’être et de le constituer » 16 . Si donc le philosophe d’Aix admet à l’origine le principe aristotélicien selon lequel l’être poursuit sa fin par le développement de sa nature, il ne croit pas toutefois que ce développement aille du même au même. Dans la conception du passage de la puissance à l’acte, il intègre, grâce à la notion moderne de la puissance, l’idée des limitations que la volonté doit accepter pour se réaliser. Il faut donc que, pour ne pas s’enchaîner à une forme imparfaite de développement, le sujet se soumette à une loi d’abnégation, que pour être soi, il se cherche et se réalise ailleurs qu’en lui. Entre l’affirmation de la nécessité formelle et l’affirmation de la contingence, Blondel a cherché une expression intermédiaire. Et c’est dans l’action conséquente à elle-même qu’il a cru trouver le principe capable de produire des faits réels et d’établir entre eux des liaisons certaines. En se développant pour se satisfaire, la volonté manifeste par son essentielle identité la loi d’homogénéité qui permet de tout enchaîner, et par son mouvement perpétuel de transformation la loi d’hétérogénéité qui permet de tout distinguer. Ainsi, c’est dans l’action et par l’action que se concilient l’expérience et la logique, la pratique et la science, la perception du phénomène et l’affirmation de l’Etre.
3.8. L’importance de la philosophie de l’Action blondélienne pour l’Afrique
16  Ibid , p.467.
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Le problème majeur de l’Afrique et qui la bifurque d’ailleurs des autres continents est le sous-développement. Or, le développement dans notre contexte est l’action d’évoluer, de s’améliorer qualitativement. Il est pour ce fait un principe intrinsèque à l’homme qui aspire au mieux-être par la soutenance de ses propres capacités créatrices. Ce qui rend perceptible que le développement de l’homme s’enracine dans la philosophie de l’homme capable de créativité. Pour relever ce déficit d’incohérence au niveau du développement, Blondel nous rappelle qu’ « à tous, il en coûte de travailler ; nul acte de quelque importance n’aboutit sans travail ; et le travail, c’est la passion dans l’action… » 17 .  En effet, le travail ingénieux et organisé est le moyen efficace pour combattre notre faiblesse dans le marché économique mondial par la production combinée à la commercialisation dans l’optique d’accumuler les capitaux. Ce n’est pas que les africains ne travaillent pas. Mais pour que tout fruit d’action soit accepté, il faut qu’il ait une certaine valeur pittoresque. Or, pour parvenir à la fois à une œuvre utile et beau, une méthode nous sied dans l’innovation. C’est un va-et-vient entre la pensée et l’action. A ce titre, Ki-Zerbo précise que « la pensée ne doit jamais être séparée de l’action et réciproquement » 18 . D’où la nécessité de construction d’une théorie du travail. C’est un temps de dialogue entre l’idée et la raison. C’est un temps d’omission, d’ajout ou de rectification avant l’agir, puisque pour lui, « le travail de la connaissance apparait comme une épreuve de la pratique où il s’agit d’énoncer un discours sur les choses dans le cadre historique d’une action sur les choses » 19 . Une action requiert une planification, une méthode qui la pousse à se purifier pour répondre aux attentes des ajustements, car selon Blondel, « l’action est cette méthode de précision, cette épreuve de laboratoire…  » 20 .
Lorsqu’on parle du développement, on se penche automatiquement vers la conquête du matériel, la maximisation des biens, des infrastructures et l’accroissement de la puissance de l’homme sur son environnement. Certes, mais le développement, avant d’être une
17  Ibidem , p.160.
18 Joseph KI-ZERBO, A quand l’Afrique ?, Entretien avec René Holenstein, Burkina Faso/Suisse, Editions Sankofa et Gurli/éditions d’en bas, 2003, p. 180.
19  Ibidem , p. 144.
20  Ibid , p. XIII.
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question d’infrastructures, de transferts de technologie, de communauté d’intérêts, de civilisation et de rationalité, concerne d’abord l’homme dans sa substantialité. A cet effet, les commentateurs de Mounier stipulent que « l’action ne vise plus principalement à édifier une œuvre extérieure, mais à former l’agent … » 21 . Ce qui sous-entend que l’agent principal du développement est l’homme, il en est aussi la matière première. Le développement est fait par lui et pour lui. Ce faisant, les développeurs africains doivent mettre l’accent sur ces priorités : investissement dans le capital humain pour l’éradication de la pauvreté, de l’analphabétisme, du chômage, de la mauvaise gouvernance, mais aussi pour l’instauration d’un état de droits de l’homme. Inopportunément, en Afrique l’on constate le développement épouvantable des misères humaines perceptibles à travers les guerres, les tribalismes, les génocides, les pauvres salaires, etc. Certes, il est une logique de l’action et de la pratique, mais avant tout, humanisant puisqu’il doit être au service de l’homme. L’action demande un investissement de tout l’être, une adhésion au concert des idées, une socialisation des savoirs pour être formidable. Raison pour laquelle Njoh-Mouelle stipule qu’ « en participant à l’action commune, aux efforts collectifs tant dans le domaine de la production économique que dans celui de la production artistique et spirituelle, l’homme africain doit participer à sa propre histoire » 22 . En libérant sa créativité et acquérant la maîtrise technologique, l’homme trouve en lui un être capable d’excellence, gage du développement durable. A ce titre, Akotia dira que « le développeur ou l’acteur de développement qui vise le maximum d’être-homme de ses concitoyens est un homme qui répudie la superstition de l’ordre établi. L’ordre établi, c’est précisément l’ordre de la sempiternelle répétition de soi, sans aucun renouvelle t ’est men , c l’ordre de la sclérose et de la mort  » 23 .
L’homme n’est pas une monade comme le prétendait Leibniz mais un être d’ouverture puisque c’est dans l’ouverture qu’il faut susciter le développement comme un processus intérieur et créateur où l’on s’efforce de mettre dans son action voulue ce qui est au principe
21 XXX, Que sais-je ?  Le Personnalisme , Emmanuel Mounier , 13è édition, 140 è mille, paris, PUF, 1978, p.100.
22 Ebénézer NJOH-MOUELLE , Recherche d’une mentalité neuve , édition clé, Yaoundé, 1970, pp.61-62.
23 Benjamin AKOTIA, « Pourquoi sommes-nous “à-développer” ? » in KPOGO Laurent, L’Eglise et le développement socio-politique au Togo. 50 ans après les indépendances , Saint Augustin Afrique, Togo, 2010, p.123.
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de son action volontaire. 24 Il faut assimiler les savoirs des autres groupes de sociétés humaines sans être assimilé. Ainsi, la mise en valeur des capacités de création et de renouvellement de soi, la capacité d’adjoindre les valeurs d’autrui aux tiennes, la valorisation des ressources du milieu de vie où l’on s’insère, et la prise de conscience de sa condition historique sont les facteurs essentiels d’un développement harmonieux. Car l’Afrique n’est pas que misère mais aussi un continent d’atout et d’espoir selon les dires de Sarkozy : « le formidable dynamisme démographique de l’Afrique, ses ressources considérables, en font la principale réserve de croissance de l économie mondiale pour les décennies à venir » 25 .
III. CONCLUSION
Au terme de notre investigation, il convient de retenir que l'Action blondélienne est une existence puisque la vie humaine est une métaphysique en action. Le philosophe de l’action conjugue la raison pratique avec la raison spéculative, pour mieux comprendre le sens de l'existence et briser le dogmatisme du refus rationaliste du surnaturel. L'analyse rigoureuse de l'action conduit Blondel à conclure que la raison décisive d'un acte ne réside dans aucune des raisons qui l'ont rendue possible, elle les dépasse de toutes parts. Dans cette œuvre que nous avons exploré, Maurice nous révèle la richesse de l’action humaine comme le lieu de l’harmonie entre l’être et l’Etre, comme étant une synthèse de la volonté et de la connaissance de l’être, étant une science de la pratique pour la vie harmonieuse de l’être, revêtant un aspect métaphysique, constitutive de la vie individuelle, source de développement et fonction sociale de collaboration interpersonnelle. Avec tous ces qualificatifs, on peut affirmer sans ambages que l’action est un véritable tremplin pour le développement de l’Afrique. Du fait qu’elle se penche de prime abord sur la réalisation de l’être dans sa corporéité comme dans sa spiritualité avant d’insister sur l’aspect matériel qui est un complément nécessaire participant à l’épanouissement de l’homme. Le développement blondélien est alors intégral puisqu’il s’infléchisse sur la valorisation de la personne humaine conformément aux dires de Paul VI : « économie et technique n’ont de sens que par l’homme qu’elle doivent servir » 26 . 24 Cf. Maurice BLONDEL, Op.cit ., p.321.
25 Allocution du président SARKOZY à l’occasion du 25e sommet de la France-Afrique à Nice in http://www.elysee.fr ., le 24 décembre 2011.
26 Paul VI, Populorum Progressio , n°34.
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