Pres des oliviers palpitent les origines
48 pages
Français

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Description

Roman qui invite le lecteur à un voyage entre la France, le Maroc et l'Algérie, voyage identitaire, voyage affectif, voyage dans les années 70 de part et d'autre de la Meditirreanée

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Publié le 05 avril 2011
Nombre de lectures 1 168
Langue Français

Extrait

Autour des oliviers palpitent les origines*
Palimpseste
      *chanson deNoir                                       Désir
À Baudelaire, ma plus vive émotion.
Le crépuscule des larmes Et le vacarme de l’affect sans arme Je suis moi vivante Le tombeau de ma mère Elle est la pluie Sur mon visage L’eau qui pénètre mes bottes La rayure du zèbre La blanche du noir Une note un rien métisse Une solitude mulâtresse La mort lascive S’accroche à la brindille Un sourire lisse En étend art mouillé Qui ne flotte plus Que dans la mémoire Il triomphe Sans vague à larmes
Myriam Kendsi
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                                                     Novembre 1973 Cher Simo J’ai reçu tes derniers poèmes et ils me plaisent beaucoup j’ai fait quelques , corrections du point de vue de la langue et tu verras ce que tu en feras. Tu parles d’une musique qui a repris son air de la même façon qu’il y a quelques années : serais-tu amoureux ? J’ai du mal à penser cette chose mais cela peut arriver et dans notre contrat, on se lautorisait. Ma référence était le couple que formaient Sartre et Beauvoir : les amours principales et les amours contingentes. Tu sais je pense que la pensée de Simone de Beauvoir est plus importante que celle de Sartre, son livre « le deuxième sexe » est fondamental pour penser les questions de genre. J’aime son visage il ressemble étrangement à celui de maman, c’est peut être ma mère spirituelle… Je viens de tomber amoureuse d’un homme, c’est mon professeur de maths. Je trouve cela un peu stupide, j’ai tellement lu ça dans les livres : l’histoire de l’élève qui tombe amoureuse de son professeur, tiens dans le dernier Troyat que j’ai lu. Il est bel homme avec des cheveux noirs magnifiques, une peau dorée qui ressemble
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à celle des hindous et un corps délié avec des mains remarquables. Sur le plan intellectuel il est plutôt brillant, il porte une alliance au doigt. J’en ai parlé à mon amie Martine à qui il donne aussi des cours de maths, elle pense que c’est l’alliance de sa mère. Il ne parle jamais d’elle, alors que son père est très présent, elle pense qu’elle doit être morte. Une vraie histoire d’adolescente, Martine me conseille de lui en parler. Pour ma part j’aurais trop honte, si je lui racontais cette histoire de gamine, qui tombe amoureuse de son professeur. Mais rassure toi Simo je continue aussi à être amoureuse de Baudelaire, Martine préfère Rimbaud et Breton. Pour ma part René Char me parait supérieur mais Baudelaire c'est le top…. Tu sais avec Martine et Marie Christine on se pose entre midi et deux au café « le français » à deux pas du lycée Fantin Latour. On parle poésie avec passion toujours, quelquefois on se dispute à coup de vers et de proses, on en oublie de manger et on a toutes perdu quelques kilos à force de sauter les repas de midi. Marie Christine est très politisée, branchée plutôt underground et réseau alternatif. Mon dada c’est la philosophie, j’ai besoin
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de penser les choses dans leurs vérités, en ce moment Platon me passionne. Notre professeur de philo Mme Boutet vient de nous faire découvrir Marx, pendant que Mme Karel est plutôt une passionnée d’Antigone. C’est bientôt la fin du trimestre et Mme Boutet nous propose une lecture de textes ou poèmes que l’on aime au dernier cours avant les vacances de Noël. J’ai choisi ton poème « la Poésie » sur fond de Léo Ferré.
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Janvier 1974
De Mye à Simo
Cher Simo Les choses ont évolué, je ne suis plus la petite fille ridicule amoureuse de son professeur, j’ai fait une nouvelle rencontre un collègue qui travaille avec moi au centre social Chorier Berriat. J’y fais quelques vacations de peinture pour le public enfant, pendant que, lui leur apprend le sport. Il s’appelle Jean François un jeune homme blond aux yeux bleus qui fait du yoga, et, qui vit sous une tente à Crolles, ce qui amuse beaucoup M. Mais il y a un autre garçon qui s’appelle Salah qui est étudiant aux Beaux Arts de Grenoble et tu connais ma passion pour la peinture, il fait des fusains absolument magnifiques. A propos, t’ai-je dis que M écrit de la poésie et que j’ai fait une toile sur un poème qui s’appelle « la nuit ». Cette toile est bleue comme une des nuits qu’il décrit et aussi parce que en ce moment j’aime le bleu bien, que ma couleur préférée soit le blanc. J’aime vraiment peindre et mes copines sont admiratives devant ce don ou cette capacité. J’ai commencé à pratiquer plus sérieusement à partir de ma quatrième,
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quand la peinture est devenu une matière facultative et que mon professeur de dessin Monsieur Chabert n’a pas posé de cadre académique dans son cours, en fait c’est un atelier libre avec du matériel à disposition, un vrai luxe. J'aime faire péter les cadres surtout quand ils sont académiques. Avec Caroline nous sommes ses meilleurs élèves, cependant il dit que mon travail est plus profond. Mon amie Carla se débrouille bien mais elle a besoin de reproduire des modèles, elle vient de finir une toile qui ressemble à un Vasarely. Elle est minutieuse et très appliquée mais, je crois qu’il lui manque de développer son imagination. Du coté des lectures j’ai attaqué Balzac j’aime beaucoup mais je préfère les essais « le rire » de Bergson est pas mal et je te dis pas Bachelard un vrai régal. La politique me plait aussi je viens de lire un livre de Lénine sur le gauchisme. Il y a des fois, je me dis que je préfère les auteurs à la vraie vie, cela m’apporte aussi plus de maturité. Il me semble tout connaître sur les sentiments humains grâce à mes lectures. M. trouve que je lis beaucoup, peut être trop dit-il, il ne sait pas que quand on est une jeune fille arabe avec une éducation traditionnelle, la
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lecture c’est une sacrée évasion, que de tabous transgressés grâce à ça ! Hum Simo, ce garçon étudiant aux Beaux Arts me plait. Je me verrais bien franchir le tabou ultime de ma culture d'origine avec lui.
                                      
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Le pays d'Or-igine
  Juin 1973
Cher Simo C’est la fin de l’année, chacune d’entre nous va partir, qui en Italie pour Carla, qui dans le midi pour Marie Christine, M a invité Martine au Maroc. Quand à moi je pars à Oran, cette ville que Camus, en bon algérois, ne comprend pas et raille parfois. M nous a annoncé qu’il se mariait et du coup, cela m’a permis de lui dire, de façon tout à fait détachée, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre que moi, ce que j’avais éprouvé pour lui à un moment donné de l’année. Et bien figures- toi que Martine le lui avait dit ! Il va falloir qu’elle s'explique mademoiselle mon amie qui ne sait pas garder les confidences! M m’a aussi dit que s’il avait du sortir avec une fille cette année, cela aurait été avec Martine ou avec moi. Avec Martine je le crois tout à fait ; elle est tellement vive, séductrice et charmante, pendant que moi, adolescente privée de liberté par son éducation, je passe mon temps entre le lycée et les livres. La joie de se maquiller, de porter des mini jupes, d’aller dans des
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boums ce n’est pas pour moi ! Il a, sans doute, voulu ménager mon amour propre ! Aujourd’hui on va aller acheter les maillots de bains et quelques livres pour l’été, bien qu’en Algérie les livres soient subventionnés et on les trouve à des prix plutôt joyeux pour notre budget d’ados. J’en achèterais aussi là bas, ma bibliothèque ne sera jamais assez pleine. Martine va encore complexer de son kilo en trop, quand à moi de mon corps je suis satisfaite ; j’ai la chance d’être bien proportionnée et plutôt grande, celui la est mon ami, c’est déjà ça ! Oubliés Jean François, Salah, bonjour Oran la ville orange aux mœurs si douces et pleines de gaîté, n’en déplaise à Albert l’algérois ! Oran aux plages sauvages, Oran la ville des machos méditerranéens machos-crétins-gentils. L’appartement de Fathia aux multiples femmes j’entends déjà leurs rires, leurs moqueries et leurs insolences. L’été, c'est aussi l’époque des mariages et ça j’aime moins, pour moi c’est le viol organisé, institué. Ma hantise : me marier en Algérie ! A Grenoble, nous allons faire notre dernier repas, avant la séparation des vacances, à la maison avec couscous pour tout le monde, la pizza du père de Carla en entrée, le thé à
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la menthe et les msemen de maman pour le goûter. Il y aura comme d’habitude la même bande : Nizar l’ami syrien, Carla, Michèle la provençale et Mohamed, quelques fois Azzedine son frère et Marlène une germanophile. Aujourd’hui Nizar sera accompagné d’une saoudienne Afaf étudiante en sciences politiques… maman va se rapprocher de la Mecque diable! Maman aime beaucoup ces dimanches où les amis viennent, et là, curieusement elle accepte volontiers la mixité de ma bande. Il faut dire qu’elle a une véritable passion pour Mohamed et le soigne comme le fils qu’elle a perdu. Maman est un personnage pleine de contradictions, veuve jeune, elle a tenu à me donner une éducation stricte pour qu’on ne dise pas que j’étais élevée sans père, en langage algérien ça veut dire, s'acheter une conduite digne de notre tradition patriarcale : pas de garçon, pas de sortie, une parfaite ménagère et surtout vierge pour le mariage si possible au bled avec le drap pour en attester devant les yeux avides de la communauté. Cela n’empêche pas maman de me tenir le discours de la réussite scolaire pour avoir plus tard un métier et être indépendante du mari, comme elle l’a été elle, même à Oran.
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