Bac ES 2012, épreuve de Philosophie, sujet 2 « Travailler, est-ce seulement être utile ? » Proposition de corrigé Le travail est défini au sens large comme activité humaine consistant à transformer la réalité pour se rendre comme « maître et possesseur de la nature » (Descartes). A la différence des animaux, l’homme utilise la technique pour exploiter et améliorer le fruit de son travail. Ainsi, il y a toujours une utilité visée en un but dans l’activité même de travailler qui est celle d’un cercle vertueux : travail / fabrication et technique / augmentation de l’efficacité du travail / nouvelle amélioration technique, etc. Si utile signifie « ce qui sert à quelque chose », ce qui produit un rendement, il faut alors considérer que travailler c’est être utile et que cette utilité est une production d’un effet attendu. Mais faut-il pour autant réduire cette activité à cette seule fin ? Le travail certes, s’oppose au loisir, au jeu, activités agréables qui ne produisent rien, qui ne servent à rien, qui seraient alors inutiles ? Par ailleurs, le travail marque l’entrée de l’homme dans la culture, c’est-à-dire qu’il à un sens non seulement pour satisfaire ses besoins mais aussi pour passer de la nature à la culture, pour l’homme de l’animalité à l’humanité. On peut donc se demander quelle utilité vise le travail, puis si travailler est seulement utile sans autre fonction pour enfin relever la véritable dignité du travail. I.
Le travail est défini au sens large comme activité humaine consistant à transformer la réalité pour se rendrecommemaîtreetpossesseurdelanature(Descartes).Aladifférencedesanimaux,lhomme utilise la technique pour exploiter et améliorer le fruit de son travail. Ainsi, il y a toujours une utilité visée en un but dans lactivité même de travailler qui est celle dun cercle vertueux : travail / fabrication et technique / augmentation de lefficacité du travail / nouvelle amélioration technique, etc. Si utile signifie ce qui sert à quelque chose , ce qui produit un rendement, il faut alors considérer que travailler cest être utile et que cette utilité est une production dun effet attendu. Mais faut-il pour autant réduire cette activité à cette seule fin ? Le travail certes, soppose au loisir, au jeu, activités agréables qui ne produisent rien, qui ne servent à rien, qui seraient alors inutiles ?
Par ailleurs, le travail marque lentrée de lhomme dans la culture, cest-à-dire quil à un sens non seulement pour satisfaire ses besoins mais aussi pour passer de la nature à la culture, pour lhomme de lanimalité à lhumanité. On peut donc se demander quelle utilité vise le travail, puis si travailler est seulement utile sans autre fonction pour enfin relever la véritable dignité du travail.
I. Travailler est utile
Lorigine de la cité pour Platon est la satisfaction des besoins qui est permise par la répartition des tâches. Ainsi travailler est bien utile aux hommes pour vivre en communauté et cela correspond à une exigence rationnelle. Dans la République, il explique cette nécessité de diviser le travail : le résultat est que des biens seront produits en grande quantité, quils seront de meilleure qualité et produits plus facilement si chacun ne soccupe que dune chose, selon ses dispositions naturelles et au moment opportun.
Le travail nest cependant pas seulement utile pour la cité, il lest pour la survie de lespèce. Dans le mythe de Prométhée, que Platon relate dans le dialogue Protagoras, le travail a pour origine la faiblesse des hommes. Contrairement aux autres espèces, lhomme à lorigine est nu, sans vêtement, sans défense, il ne doit sa survie quà ses propres forces. Or Prométhée va dérober aux dieux le feu nécessaire au travail des outils, cest lentrée dans la métallurgie, lagriculture et finalement la culture qui permettra aux hommes de suppléer à leur faiblesse originaire.
Le travail permet aux hommes la domination de la nature. Comme laffirme Descartes le travail permetlamaîtrisedelanature.Lutilitéestainsidéfinienonpascommelebutfinaldelhomme(qui reste la connaissance par la raison) mais comme moyen dagir efficacement sur la réalité. Cette actiondoitsexercersurlanaturecorporelledelhommelorsquellepermetdemaîtriserlecorpscomme une matière matière mécanique.
II. Travailler nest pas seulement utile
Pour Adam Smith , une chose peut-être échangée contre une certaine quantité de travail. Lutilité du travail nest alors seulement la production de biens mais il a aussi une certaine valeur. Le travail dautrui procure des jouissances car un homme sera riche ou pauvre selon la quantité de travail quil pourra commander ou quil sera en état dacheter. Ainsi, ce nest pas travailler qui est utile mais faire travailler autrui. Cest le travail qui est la mesure réelle de léchange ; le travail est la monnaie première de toute chose.
Travailler, cest leffort, la peine qui permettent une certaine estime de soi. Pour Kant la nature a voulu que lhomme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse lagencement mécanique de son existence animale . Kant oppose linstinct et la raison comme lanimal à lhomme ; or, travailler est le signe de lautonomie, le moyen accordé par la nature afin que lhomme puisse faire usage de sa raison. Lhomme par le travail devient autonome, est lui-même auteur de ses progrès, de ses succès et se libère du cercle des besoins. De ce fait, il parvient à lestime raisonnable de soi-même.
Le travail avait été caractérisé par A. Smith en distinguant lutilité dun objet quelconque et ce que cet objet transmet à celui qui le possède et peut acheter dautres choses (valeur déchange). Or ce nest pas lutilité mais la valeur déchange qui domine dans le travail. Quoique essentielle, lutilité dun objet ne suffit pas à en faire la seule finalité. Cest le travail qui est la source principale de la valeur.
III. La dignité du travail
Marx considère que ce qui fait la valeur du travail nest pas tant lutilité que lintervention de la volonté. Ce qui fixe le but de lactivité humaine se distingue de lactivité animale. Lanimal par ses activités satisfait ses besoins, lhomme, par son travail modifie sa propre nature, il développe, dit Marx, les facultés qui y sommeillent.
Le travail dont le produit est voué à la consommation et doit être constamment renouvelé se distingue de luvre, destinée à subsister. Telle est la différence essentielle quétablit Hannah Arendt. Les uvres donnent une existence à un monde proprement humain et échappent aussi au seul but utilitaire.
Enfin on peut noter la valeur psychique du travail, par exemple chez Freud qui voit dans lactivité professionnelle un facteur puissant dorganisation des désirs inconscients en vue de la réalité. Les capacités que donne lactivité de travailler sont sans doute sans limite et façonnent lesprit humain de manière consciente ou non.
Conclusion :prendre la place du sage conseil de Voltaire il faut cultiverLe travail ordinaire peut notre jardin dans Candide. La signification du travail ne se réduit pas à la seule utilité. Certes, la majorité des hommes ne travaillent pas sils ne sont pas poussés par la nécessité, mais le travaille nengendrerait pas tous les problèmes sociaux ni toutes ces analyses qil se réduisait à la satisfaction des besoins, et si son sens nallait pas au-delà de lutilitaire. Laversion pour le travail qui semble pour beaucoup naturelle montre que le travail ne sert pas seulement de moyen pour atteindre une fin ; en tant que voie vers lépanouissement, il semble un peu plus apprécié des hommes.