Abou Simbel et la Nubie, vingt-cinq ans après - article ; n°4 ; vol.130, pg 686-700
16 pages
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1986 - Volume 130 - Numéro 4 - Pages 686-700
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Leclant
Abou Simbel et la Nubie, vingt-cinq ans après
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 130e année, N. 4, 1986. pp. 686-
700.
Citer ce document / Cite this document :
Leclant Jean. Abou Simbel et la Nubie, vingt-cinq ans après. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, 130e année, N. 4, 1986. pp. 686-700.
doi : 10.3406/crai.1986.14439
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1986_num_130_4_14439ABOU SIMBEL ET LA NUBIE, 25 ANS APRÈS
PAR
M. JEAN LECLANT
SECRETAIRE PERPETUEL
Le 8 mars 1960, un appel était solennellement lancé par le
Directeur général de l'UNESCO Vittorino Veronese : « Les travaux
du grand barrage d'Assouan ont commencé. Avant cinq ans, la
vallée moyenne du Nil sera transformée en un immense lac. Des édi
fices prodigieux, qui comptent parmi les plus admirables de la pla
nète, sont menacés d'être submergés par les eaux, dont la retenue
donnera la fertilité à de vastes étendues de désert. Ces richesses, dont
il est déjà affligeant d'être obligé de dire que la perte peut en être
prochaine, n'appartiennent pas seulement aux nations qui en sont
aujourd'hui dépositaires. Le monde entier a droit à leur pérennité,
elles font partie d'un patrimoine commun...
Une si belle cause, poursuivait-il, mérite un effort à sa mesure.
C'est pourquoi j'invite avec confiance les gouvernements, les inst
itutions et les fondations publiques ou privées, et toute personne de
bonne volonté, à contribuer au succès d'une œuvre sans précédent
dans l'histoire. Que les peuples s'unissent pour empêcher le Nil,
source accrue de fécondité et d'énergie, de devenir le tombeau
liquide d'une partie des merveilles que les hommes d'aujourd'hui
ont reçues des hommes de jadis ».
En écho, André Malraux, alors ministre d'État en charge des
Affaires culturelles, reprenait : « Pour la première fois, toutes les
nations sont appelées à sauver ensemble les œuvres d'une civilisation
qui n'appartient à aucune d'elles... Votre appel, Monsieur le Direc
teur Général, n'appartient pas à l'histoire de l'esprit parce qu'il veut
sauver les temples de Nubie, mais parce qu'avec lui la première civi
lisation mondiale revendique publiquement l'art mondial comme son
indivisible héritage. »
Cet appel à la solidarité mondiale pour sauver d'un péril imminent
des vestiges essentiels du patrimoine humain apparaît comme une
sorte de prise de conscience universelle. Immédiatement on assista
à une mobilisation jusqu'alors rarement atteinte des médias qui
s'en firent l'écho, sous les formes les plus diverses : presse, radio et ABOU SIMBEL ET LA NUBIE 687
télévision, cinéma, conférences, publicité, voire philatélie ; le phéno
mène en lui-même mériterait déjà de retenir l'attention des histo
riens et des sociologues.
Bien évidemment, le monde savant réagit rapidement : des
comités nationaux se formèrent à travers le monde ; universités,
musées, sociétés savantes cherchèrent aussitôt comment on pourrait
concourir à l'exploration de la Nubie avant sa submersion sous les
hautes eaux du lac Nasser. Car tel était l'enjeu, dramatique, qui se
dissimulait sous le terme pudique de « sauvetage de la Nubie » :
celle-ci allait disparaître sous une masse d'eau énorme, le nouveau
barrage d'Assouan devant faire monter le plan des eaux de 120 à
180 m, soit 60 m — à titre de comparaison, il y a une trentaine de
mètres jusqu'au sommet de cette coupole, l'Arc de Triomphe est
haut de 50 m — , sur environ 500 km de longueur jusqu'à la petite
cataracte de Dal, en plein Soudan.
En fait le grand public, mais aussi le monde restreint des spécial
istes était confronté à un pays nouveau pour le plus grand nombre :
la Nubie. Cette région qui s'étend depuis la Ire Cataracte du Nil
jusqu'au sud de la IIIe, sous les feux directs du tropique, était
demeurée pratiquement inconnue ; dans la majesté d'un désert
presque absolu, entre d'énormes étendues de sable, rompues seul
ement par les reliefs tabulaires d'un grand plateau gréseux et les
amoncellements titanesques de schistes et de granits — roches dures
constituant les barres des cataractes — , le fleuve impassible, large
parfois de près d'un kilomètre, lutte suprêmement pour traverser la
zone aride. Cette gigantesque confrontation du fleuve et du désert
est un des spectacles les plus grandioses que l'on puisse connaître.
Çà et là, un groupe modeste de quelques maisons simples, mais
dignes, soigneusement entretenues et décorées par les Nubiens ; sur
quelques mètres, au bord immédiat de l'eau, un rideau de palmiers
et cultures ; trois bourgades plus importantes : Derr,
l'ancien siège du kashef ; Aniba, centre administratif de la Nubie
égyptienne et Ouadi Halfa, à la frontière nord du Soudan, point de
départ d'une voie ferrée construite par les Anglais pour atteindre
Khartoum. A la fin du siècle dernier, au lendemain de la guerre
contre le Mahdi, une frontière avait été tracée, artificielle, à travers
la Nubie ; elle séparait l'Egypte, au nord, et au sud un territoire
anglo-égyptien, d'un étrange statut mixte — en 1960 il est devenu la
République du Soudan ; cette frontière et cette appartenance de la
Nubie à deux États devaient jouer un rôle important dans l'organisa
tion de la campagne archéologique.
De façon quelque peu paradoxale, ces considérations de haute
politique internationale concernent en fait une région littéralement
perdue, presque séparée du reste du monde. Les voyageurs et mis- 688 COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
sionnaires qui voulaient atteindre la très lointaine Ethiopie cou
paient par la piste des oasis afin d'éviter les IIe et IIIe Cataractes ;
sur la rive droite, on empruntait la piste de Korosko à Abou Hamed.
Au long du fleuve, un voyageur vénitien, demeuré anonyme, était
parvenu en 1589 à Qasr Ibrim, non loin de la IIe Cataracte ; mais en
1738 encore, un Danois, le capitaine de vaisseau Norden, avait dû
s'arrêter à Derr. L'expédition de Bonaparte n'avait guère dépassé les
rochers de la Ire Cataracte, avec une pointe jusqu'à Débôd. En 1813,
l'Anglais Buckingham était parvenu à Dakké et, la même année,
ses deux compatriotes, Thomas Legh et le Révérend Charles Smelt,
avaient atteint la falaise de Qasr Ibrim où tenait garnison un groupe
de janissaires ; mais « ils ne reçurent aucun encouragement pour
pénétrer dans une région où la monnaie devenait de peu d'usage et
où les ressources sont rares ». Cette même année 1813 est celle où le
fameux Jean-Louis Burckhardt, converti à l'Islam sous le nom de
Cheikh Ibrahim, marchant avec un guide et deux chameaux, est
forcé par les kashefs — les redoutables chefs locaux — de rebrousser
chemin à Tinari, à l'aval de la IIIe cataracte ; au retour de son expé
dition, il fut le premier à pouvoir établir une rapide description des
temples d'Abou Simbel, en grande partie recouverts par les sables
et les déblais — insigne honneur pour celui qui, l'année précédente,
avait découvert Pétra.
Sur ces entrefaites, l'expédition vers les pays du haut Nil conduite
par Ismaïl Pacha, le troisième fils de Mehemet Ali, allait ouvrir la
Nubie aux voyageurs. En juin 1820, les troupes égyptiennes sont
concentrées à Assouan ; y figurent quelques militaires européens et
des experts divers, des praticiens qui se prétendent médecins ou
pharmaciens, tous d'origine bien mêlée ; c'est alors que Frédéric
Cailliaud de Nantes, assisté de l'aspirant de marine Pierre-Constant
Letorzec, et d'autre part Linant de Bellefonds, alors au service de
l'Anglais William-John Bankes, découvrent les antiquités de Nubie
et du Soudan. Lors de sa belle exploration de la Basse Nubie, Cham-
pollion, qui a monté avec le Toscan Ippolito Rosellini ce que nous
appellerions une « joint-expédition », atteint le 1er janvier 1829
la IIe Cataracte ; du rocher d'Abousir il écrit à M. Dacier, le Secrétaire
perp&

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