Une « cité-état » en Méditerranée: Dubrovnik-Raguse - article ; n°3 ; vol.36, pg 231-242
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Description

Revue de géographie de Lyon - Année 1961 - Volume 36 - Numéro 3 - Pages 231-242
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Renée Rochefort
Une « cité-état » en Méditerranée: Dubrovnik-Raguse
In: Revue de géographie de Lyon. Vol. 36 n°3, 1961. pp. 231-242.
Citer ce document / Cite this document :
Rochefort Renée. Une « cité-état » en Méditerranée: Dubrovnik-Raguse. In: Revue de géographie de Lyon. Vol. 36 n°3, 1961.
pp. 231-242.
doi : 10.3406/geoca.1961.1723
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_0035-113X_1961_num_36_3_1723"CITÉ-ÉTAT" EN MÉDITERRANÉE UNE
DUBROVNIK-RAGUSE
par Renée Rochefort
La ville artisanale et commerçante, entourée de son agro nourricier; par
delà Y agro, un rayonnement plus ou moins vaste, continental et maritime;
un net individualisme politique; un long refus d'appartenir aux grands
empires... Tel fut réalisé, à plus d'un exemplaire à travers l'espace et le
temps, le prototype de la « cité-état », levain en Méditerrannée des éco
nomies et des civilisations: Tyr, Milet, Gênes, Pise, Venise... Dubrovnik-
Raguse aussi, des siècles durant, à sa façon, s'inscrivit dans ce cadre géo
graphique et humain.
I. — Prédestination ou miracle humain ?
Entre la montagne et la mer, l'espace existe rarement, au pied des Alpes
dinariques, pour un épanouissement urbain. Il n'y a guère de place que
pour des bourgs accrochés de loin en loin, à mi-pente, ou pour quelques
petites marines. Vers le Sud de la côte yougoslave, pourtant, un des plus
caractéristiques ensembles urbains de la Méditerranée demeure: Raguse.
Les conditions naturelles étaient-elles ici particulièrement favorables ?
Un petit promontoire calcaire, ancien îlot rattaché par les hommes au
littoral, s'avance modestement dans la mer. Les dimensions apparaissent à
l'échelle d'une humanité sans technique mécanicienne, et la forteresse facile
à défendre et à consolider. A l'Est, une petite crique assez ouverte fut
accueillante pour les barques des pêcheurs, les nefs médiévales. A moins de
quatre kilomètres à l'Ouest, la ria de la Rijeka Dubrovacka rejoint le golfe
étroit et profond de Gruz et put s'offrir comme havre de rechange le jour
où les navires eurent un tirant d'eau plus important. Rien, certes, le part
iculièrement prestigieux. La ria de la Rijeka Dubrovacka aboutit très vite
à une résurgence et à une falaise.
Mais notons qu'ici se terminent les grandes îles allongées de la côte dal-
mate. Lokrum, face à Dubrovnik, n'est qu'un dernier îlot trop modeste pour
arrêter les souffles du large. Notons aussi que l'angle rentrant caractéris
tique de la côte orientale de l'Adriatique rapproche Dubrovnik à la fois de
Belgrade et de Salonique, autrement dit de l'Egée. D'ici partent les routes
les moins mauvaises, celles qui s'insinuent avec le moins de difficultés à
travers le dédale balkanique. Au niveau de Raguse s'abaisse en effet, pour
se relever ensuite, le bourrelet montagneux qui domine la côte. La chose R. ROCHEFORT 232
apparaît très sensible au voyageur qui arrive par avion et les pentes du
Mont Lovcen au-dessus de Kotor sont autrement vertigineuses que celles des
hauteurs couronnant Dubrovnik. N'oublions pas non plus que la ville se
trouve sur un méridien qui partage à peu près en deux parties égales la
Méditerranée, si bien que l'aventure peut paraître s'offrir dans tous les sens.
Pourtant, celui qui a compulsé, si peu que ce soit, les archives de la
République, dans le beau palais Sponza, trouve tant de menaces dans ce
destin, qu'il a l'impression aussi, surtout, d'un miracle humain... C'est pour
quoi il semble utile d'évoquer l'évolution historique de Raguse.
II. — Sur le front de deux civilisations , neutralisme héroïque et subtil.
Il y a un secret de saint Biaise. Il se peut que, malicieusement, quelque
Yougoslave vous dise, surtout s'il n'est Ragusain : « Regardez la statue du
saint, à toutes les portes des remparts, sur toutes les façades des églises. Il
tient la ville dans ses mains. Il l'offre à qui veut la prendre ». Raguse, en
effet, s'offrit plus d'une fois à qui voulait la prendre. Elle fit semblant, du
moins, de s'offrir mais en réalité pour rester elle-même et libre.
Elle connut la domination byzantine. Elle fut même normande de 1081 à
1095, puis vénitienne de 1204 à 1276. Elle réussit à se libérer de la domi
nation détestée de Saint- Marc pour entrer dans la mouvance des rois
hongrois dont l'autorité lointaine fut assez formelle (tribut de 500 ducats).
Mais à partir de la fin du xv" siècle, l'histoire balkanique est bouleversée :
1389, désastre de Kossovo; la pression turque s'accentue en direction de
l'Adriatique. En 1465, la Sublime Porte réclame la soumission de Raguse.
En 1481, il faut se résigner à payer 12.500 ducats d'or et commence l'humil
iant voyage à Constantinople des « Envoyés du Tribut », parmi lesquels
figurent nécessairement les plus grands personnages de la cité. Raguse,
impuissante, devient vassale de la Turquie.
C'est ici que commence le paradoxe : vassale turque et ville chrétienne.
On compte, au xvie siècle, 41 chapelles ou églises; le monachisme se trouve
en plein essor (couvents à l'intérieur de la ville, abbayes dans les villages et
les îles). F. Braudel évoque « un catholicisme tissé de fils d'or, parfumé de
poésie byzantine ». Raguse est en rapports fréquents avec le Pape qui lui
envoie son évêque. Elle restera liée étroitement avec les Habsbourg d'Aut
riche et d'Espagne. La ville enverra des bateaux à l'Armada espagnole.
Double jeu ? Machiavélisme ? Non, car cela coûte parfois assez cher.
Tantôt c'est le Pape qui, trouvant Raguse trop dévouée aux Musulmans,
envoie, comme en 1538, la flotte pontificale dévaster l'île de Mezzo (Lopud)
et y enlever tous les hommes valides (pour les relâcher d'ailleurs peu après)
et plus d'une fois la ville a souffert de la méfiance jalouse des puissances
catholiques, celle de Venise en particulier, qui ne pardonnera jamais à sa
rivale de s'être soustraite à son autorité. Tantôt, quand Raguse penche trop
ouvertement du côté chrétien vers où va son cœur, ce sont les réactions
musulmanes, et le Sultan lâche ses corsaires à moins que ce ne soient les
soldats du continent. Aux vexations ordonnées en haut lieu s'ajoutent, ce - RAGUSE 233 DUBROVNIK
qui est généralement pire, l'arbitraire, les sautes d'humeur des agents turcs
voisins, pachas ou vizirs de Bosnie et d'Herzégovine.
Que de missions urgentes, en conséquence, de pro.messes secrètes, de
supplications, de cadeaux... à Charles-Quint, au Sultan, à tous les degrés
d'une hiérarchie musulmane corrompue dès l'origine (étoffes de soie, draps
fins, pièces d'or offerts à chacun « per le sue jatiche »...). Il faudrait
connaître le turc et déchiffrer les copies de lettres adressées à Constantinople
pour savoir jusqu'où parfois il avait fallu aller, le sénat ragusain n'ayant
pas toujours osé l'écrire noir sur blanc, en italien, dans ses propres archives.
Mais qu'importe ; II est une devise de Raguse : la liberté n'a pas de prix
en or. Ces sacrifices et ces humiliations valurent à la ville de possibilité de
survivre et même de prospérer, d'assurer un rôle de premier plan en
Méditerranée.
« Croix-Rouge » et « Port-Franc », tels furent les ressorts de la puis
sance ragusaine. La cité est une place de rachats d'hommes. Les prisonniers
des Turcs, libérés sur parole, viennent ici écrire à leur famille et attendre
de celles-ci le payement — en argent ou par lettre de change — - de leur
rançon. Le montant varie, selon le physique minutieusement décrit de
chaque esclave. Certains, misérables entre tous, doivent mendier de maison
en maison, en attendant l'heureux jour. Quelques-uns s'échappent, reniant
la parole donnée et le Turc, impitoyable, charge Raguse d'acquitter le prix
du rachat à leur place x.
Port-franc, avons-nous dit aussi. La formule n'est peut-être pas tout à
fait exacte en ce qui concerne le continent balkanique. Raguse doit acquitter
des douanes du côté turc de 1 1/2 à 2 % sur les marchandises. Mais ceci
représente un tarif exceptionnel de faveur pour lequel

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