Galerie Kamel Menour
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Compte-rendu fait lors de mes études en Arts plastiques

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Publié le 16 février 2013
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

LA GALERIE KAMEL MENNOUR
TERRE D’ACCUEIL
L’exposition de Zan Jbai, « J’ai dormi pendant deux cents ans » se déroule du 6 au 31
janvier à la galerie Kamel Mennour, paris sixième. L’occasion de revenir sur le travail de
l’artiste chinois avec le galeriste, dont c’est la seconde collaboration, et sur l’histoire d’un des
lieux incontournable du « Parcours Saint-Germain ».
Zan Jbai est née en 1980 à Yin, en Chine. Après des études à l’Académie des Beaux-Arts
de Hangzou, il vient à Paris où il poursuit à l’École des Beaux-Arts. Mais c’est cependant à
Genève qu’il expose pour la première fois son travail sous le titre « Disappearance » en 2006,
avant de suivre Kamel Mennour à Paris pour sa seconde exposition : « Nothing happened /
Nothing to tell you » en 2007.
Zan Jbai, Untitled, 2007.
Et de la « disparition », il y en a. Elle est même omniprésente dans son œuvre. Des
peintures à la limite du monochrome, des ombres de lumières, floues, effacées, comme sorties
d’un rêve, d’un négatif surexposé. Le travail de Zan Jbai brille non pas par son absence, mais
par son ébauche de présence. Pas de contours cernant les silhouettes, mais des aplats qui se
perdent dans la blancheur de la toile, à la manière des vignettes romantiques. Il respecte ainsi son axiome, sa définition de l’art, qui doit selon lui « ne pas être direct, faire surgir le
1« beaucoup » au travers du « peu » » .
Zan Jbai, Untitled, 2006.
En offrant peu, il suggère beaucoup, car là ou il n’y a rien, il y a donc tout. Et ce tout, ce
n’est pas à lui de le donner, mais au visiteur de le voir, de le concevoir, de l’imaginer. La
disparition, l’inaction, et aujourd’hui le réveil de l’artiste au monde après deux cents ans de
sommeil. « J’ai le sentiment d’avoir très peu en commun avec mes contemporains » déclare-t-
il, « mon esprit est solitaire. Et la solitude renvoie à la notion et à l’expérience de la
2distance» . Zan Jbai est distant avec la production d’art contemporain chinois qui multiplie les
effigies de Mao et les pastiches d’art traditionnel à grands coups de calligraphie, ou qui se
laisse influencer outrageusement par la culture pop occidentale… Mais s’il n’a que peu en
commun avec le monde chinois actuel, il revendique en revanche farouchement ses racines
dans l’art des maîtres chinois anciens, les « peintres du vide » comme il les appelle, et sur
lesquels il dit vouloir porter un « regard contemporain » : Mi Youren, Chu-ta… Ses modèles
d’inspiration qui eux aussi montrent sans laisser voir. Un artiste à l’identité ambiguë, au cœur
partagé entre la Chine et l’Europe, voilà plus qu’il n’en faut pour convaincre Kamel Mennour
de l’exposer dans sa galerie.
En effet, si le galeriste s’est consacré dans les premières années de son activité à présenter
de grands noms de la photographie subversive, pourtant très peu diffusés en France
( Nobuyoshi Araki et Larry Clarck notamment), il a ensuite porté son attention sur le travail
de jeunes artistes encore inconnus et chez qui pour tous la question de l’identité tient une
place importante, sinon prépondérante. Quelques trois mois avant de présenter les œuvres de
1 Interview de Zan Jbai à David Rosenberg, www.zanjbai.com, 2007.
2 Ibid.Zan Jbai, c’est Shen Yuan qui occupait la place avec son exposition « Le Degré zéro de
l’espace », une suite d’installations qui transpirent les difficultés d’intégrations qu’a connu
l’artiste chinoise, lors de son exil en France après les événements de Tien Anmen en 1989.
Shen Yuan, Perdre sa salive, 2005.
C’est ainsi qu’au vernissage de l’exposition nous avons pu la voir, ou plutôt la deviner :
isolée dans une pièce bouchée par de gros pains de glace et cousant des mots sur une
couverture. Des mots que l’on ne comprend pas, une attitude étrangère, le tout observé avec
« froideur », reflet de l’intégration difficile qu’elle a du supporter à son arrivée à Paris dont
elle ne connaissait même pas la langue, et qui depuis imprègne toute son œuvre.
Deux artistes chinois donc qui d’une manière ou d’une autre se coupent de leurs
contemporains, dans le but pour l’un d’offrir une vision nouvelle de l’art chinois aux autres
pays, et pour l’autre de dénoncer les difficultés de compréhensions entre les pays. Des
difficultés de compréhensions, et des difficultés d’intégration, comme chez cet autre artiste
aux origines d’ailleurs, Djamel Tatah, qui a exposé deux fois à la galerie Kamel Mennour ses
individus au regard perdu, au corps sombre et à la peau pâle, immobiles, épinglés sur des
fonds unis.
Le peintre d’origine algérien, diplômé des Beaux-Arts de Saint-Étienne expose depuis le
début des années 90 ces mêmes corps aux regards fuyants. Des visages détournés du
spectateur, aux yeux mi-clos, soumis aux regards et imposés à la vue, sur des aplats colorés
qui ne les font ressortir que davantage. Et quand ces visages font enfin face aux visiteurs et les
regardent dans les yeux, ce n’est que pour dévoiler un regard sans aucune perspective. Ses
personnages sont des jeunes adultes et adolescents, aux habits sombres, aux cheveux noirs…
Reflet d’une génération d‘immigrée mal intégrée / mal dans sa peau ? Mais comme pour les
oeuvres de Zan Jbai, c’est au visiteur de fournir un travail d’interprétation personnelle des
sentiments des personnages de Tatah. Ils sont les réceptacles de ce que le spectateur veut bien
éprouver à la vue de ces silhouettes aux formes plus définies que les ombres du chinois, mais
aux âmes plus floues. Djamel Tatah, Sans titre, 2007.
Enfin, un artiste japonais, Tadashi Kawamata, à lui aussi élu « domicile » chez Kamell
Mennour, mais hors des murs de la galerie, durant un mois et demi avec ses Tree Huts, ses
cabanes en bois bricolées et fixées dans les recoins de la cour. Des cocons aux allures d’abris
de fortunes pour un ailleurs provisoirement présent. Des œuvres exposées aux yeux des
visiteurs, mais dont l’intérieur leur est interdit et l’accès soustrait. Des cabanes qu’on aime à
imaginer habitées de lilliputiens cachés dans les hauteurs, loin des prédateurs qui contemplent
leurs demeures. Des habitants ici et ailleurs, dans le même lieu, mais à part malgré tout. Des
images qui rappellent curieusement certaines tentes sur certains lieux, abritant une certaine
classe de la société dont elle ne fait plus vraiment partie, d’où elle vit recluse, en périphérie. Des étrangers sur leur terre originelle, des identités culturelles et ethniques qui se
cherchent, et des exilés volontaires mais nostalgiques, au regard tendre, drôle et farouche.
Tous réuni chez un galeriste qui s’est lui aussi cherché longtemps, professionnellement et
humainement parlant, au travers de livres et de rencontres, et qui loin d’oublier ses années de
galère tente maintenant d’aider les jeunes artistes dont les œuvres lui parlent, leur parlent,
nous parlent, au travers des langues et des cultures.

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