Littérature et architecture au XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.24, pg 233-250
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1972 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 233-250
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 68
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Richard Sayce
Littérature et architecture au XVIIe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1972, N°24. pp. 233-250.
Citer ce document / Cite this document :
Sayce Richard. Littérature et architecture au XVIIe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1972, N°24. pp. 233-250.
doi : 10.3406/caief.1972.1012
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1972_num_24_1_1012ъъъ
LITTÉRATURE ET ARCHITECTURE
AU XVIIe SIÈCLE
Communication de M. Richard SAYCE
(Oxford)
au XXIIIe Congrès de V Association, le 28 juillet 1971.
Dans l'avant-propos de son Architecture pratique, Pierre
Bullet exprime son mépris pour ceux qui se mêlent de choses
qu'ils ne comprennent pas :
Mais c'est la rraniere de plusieurs Personnes de Lettres,
lesquelles ayant étudié quelque tems l'Architecture, s'ima
ginent en entendie mieux les principes que ceux qui en font
profession (1).
Le reproche est justifié, et c'est avec le sentiment d'une
immense témérité que j'aborde devant vous un sujet qui
demanderait un livre entier plutôt qu'une demi-heure de
causerie. D'ailleurs, ce livre vient d'être annoncé. C'est le
Poeta faber de M. Gerhard Goebel, que nous attendrons avec
impatience. Évidemment je ne pourrai qu'indiquer quelques
lignes de recherche possibles, la plupart d'une façon très
sommaire. Ainsi, on pourrait s'occuper des domaines où
les deux arts se rapprochent le plus étroitement, en premier
lieu dans l'architecture théâtrale, dans l'œuvre de Mahelot
et l'influence de Serlio, mais c'est un peu spécialisé. En
allant à l'autre extrême, il est très légitime de parler de l'archi
tecture d'un sermon de Bossuet, d'une pièce de Racine, d'une
ode ou même d'un vers de Malherbe : « un vers de Malherbe,
symétrique et carré de mélodie », c'est bien dans l'esprit de
(1) Je cite l'édition de Paris, 1762 (édition originale 1691). RICHARD SAYCE 234
Maisons ou de Blois. Cependant, cette façon de traiter la ques
tion équivaudrait à entreprendre une esquisse de toute la
littérature du xvne siècle, ce qui est loin de mes intentions.
Enfin, on pourrait chercher un principe d'unité à travers les
manifestations du classicisme, du baroque et même du
maniérisme, comme Га fait par exemple M. Hatzfeld avec
un rare bonheur dans son Literature through art (2). Ce sera
dans un sens mon sujet, mais je tâcherai d'éviter autant que
possible le nœud de la controverse, tant rebattue ici même
et ailleurs, en faisant ressortir des détails plus précis. Sur
tout, je ne ferai aucun effort pour établir une distinction
rigoureuse entre le baroque et le maniérisme. Je vous propos
erai plutôt deux questions, séparées et même opposées,
quoique connexes, les rapports entre théorie de l'architecture
et théorie littéraire, et le reflet direct de dans
les œuvres littéraires.
Les théories ont été très bien résumées, surtout dans l'im
posant ouvrage de Louis Hautecœur (3). Pourtant, il est
possible d'insister encore davantage sur l'unité des théories
architecturales et littéraires. Trois choses frappent immédia
tement : l'établissement de la doctrine classique, en archi
tecture comme en littérature, bien avant 1660, pas plus tard
en tout cas que le Parallèle de Г architecture antique et de la
moderne de Freart de Chambray (1650) (je laisse de côté
Philibert de l'Orme et le xvie siècle) ; l'unité de cette doc
trine, qui fait que les théoriciens se répètent à perte de vue
(sauf, bien entendu, dans la fameuse querelle entre Claude
Perrault et Biondel au sujet de la beauté), ce qui permet de
traiter la doctrine en bloc sans trop appuyer sur les nuances
individuelles ; enfin, et de notre point de vue c'est ce qui
compte le plus, la quasi-identité entre les mots d'ordre (l'e
xpression n'est que trop appropriée) employés en architecture
et en littérature.
(2) New York, 1952.
(3) Histoire de l'architecture classique en France, Paris, 1943-57, II,
468-91. Voir aussi Kurt Cassirer, Die âsthetischen Hauptbegriffe der
franzôsischen Architecktur-Theoretiker von 1650-1780, Berlin, 1909 ;
Arsène SoREiL, Introduction à l'histoire de l'esthétique française. Contri
bution à l'étude des théories littéraires et plastiques en France de la Pléiade
au XVIIIe siècle, Bruxelles, 1955. LITTÉRATURE ET ARCHITECTURE AU XVIIe SIÈCLE 235
Les deux fondements de l'architecture sont la raison et
les règles tirées de l'étude des anciens. Ainsi Claude Perrault
proclame :
La raison veut que les Colonnes qui sont faites pour sou
tenir, ayent une figure qui les rende plus fermes... (4).
ou déjà Chambray, qui blâme l'emploi des cariatides :
l'ordre Caryatide, qui fut un très-grand outrage à ce pauvre
sexe, et une honte à l'Architecture, d'avoir si déraisonna
blement employé une chose foible et delicate à faire un office
où la force et la dureté estoient entièrement nécessaires (5).
Qu'est-ce que c'est donc que cette raison ? Question
extrêmement complexe, et qui entraîne peu à peu toute la
théorie classique, mais à partir de ces citations on peut suggé
rer que c'est avant tout, pour l'architecte, la convenance entre
la fonction (de la colonne par exemple) et l'apparence. Est
contraire à la raison toute dissonance entre la structure et
ce qu'on voit. Ceci ressort plus clairement et plus sérieus
ement de la Dissertation touchant V architecture antique et
V architecture gothique de Jean-François Félibien :
II [c'est-à-dire Colonna] fait voir que les véritables règles
de cet art ne permettent jamais d'y rien produire non seule
ment, dont on ne puisse rendre raison ; mais qui ne porte
encore avec soy tous les caractères sensibles de la raison. Ainsi
il ne suffit pas qu'un édifice soit construit solidement, il faut
que sa solidité paroisse à la veuë d'une manière conforme à la
nature même de l'édifice (6).
L'être et le paraître, le Sein et le Schein, doivent coïncider
exactement : c'est peut-être une façon de réconcilier le
classique et le baroque. Il n'est guère besoin d'ajouter que
nous nous trouvons ici très près d'un autre principe littéraire,
celui du vraisemblable. Et en fait on emploie le mot même,
par exemple André Félibien, qui dans ses Principes de V ar
chitecture condamne les colonnes torses :
(4) Les dix Uvres d'architecture de Vitruve, Paris, 1673, p. 78, n. 2.
(5) Parallèle, Paris, 1650, p. 34.
(6) Les Plans et les descriptions de deux des plus belles maisons de campagne
de Pline le Consul, Paris, 1699, p. 184-5. 6 RICHARD SAYCE 23
Parce qu'ils [les anciens] vouloient que la nature et la vray-
semblance parussent dans tous leurs Ouvrages, ce qui ne se
trouve pas dans ces sortes de Colonnes, qui n'ont ny la force,
ny une figure propre à porter un grand fardeau (7).
C'est toujours le même argument, mais maintenant on
pèche contre la vraisemblance, la raison visible pour ainsi
dire.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable ;
de même, des colonnes torses peuvent bien soutenir un far
deau, elles n'ont pas l'air de le faire, ce qui gâte tout.
Dans la citation d'André Félibien, nous avons vu la nature
associée à la vraisemblance : il est de la nature d'une colonne
de porter des fardeaux, d'un fronton de suivre les rampants
du toit, et ainsi de suite.
Au reste [dit Blondel], c'est contre la nature des architra
ves que d'en mettre sur les Colonnes doublées (8)...
La nature est encore une fois l'équivalent de la fonction
essentielle, et jusqu'ici il n'y a pas grande difficulté. Ce qui
est plus surprenant, c'est qu'on préconise l'imitation de la
nature dans un sens beaucoup plus vaste. Déjà Palladio
prétend que l'architecture, comme tous les autres arts, est
imitatrice de la nature (9), et les théoriciens français emboît
ent le pas. Mais, dira-t-on, l'architecture est un art autonome
comme la musique, qui n'imite rien qu'elle-même, c'est le
type même de l'art non-figuratif. Au XVIIe siècle, on n'a pas
pensé de la sorte, et on a fondé la théorie de l'imitation s

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