ENJEUX ET USAGES DES CATÉGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES : TRADITIONS ...
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ENJEUX ET USAGES DES CATÉGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES : TRADITIONS ...

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L O U I S C H A U V E L , A L A I N C H E N U M A R C O O B E R T I , E D M O N D P R É T E C E I L L E
ENJEUX ET USAGES DES CATÉGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES : TRADITIONS NATIONALES, COMPARAISONS INTERNATIONALES ET STANDARDISATION EUROPÉENNE
DEBAT ENTRE LOUIS CHAUVEL ET ALAIN CHENU, ANIME PAR MARCO OBERTI ET EDMOND PRETECEILLE
RÉSUMÉ :L’objectif de ce débat était de rassembler deux sociologues ayant largement recours dans leurs travaux aux nomenclatures et catégories socioprofessionnelles pour aborder avec eux quelques enjeux et limites de ces outils mais aussi quelques implications théoriques. Alain Chenu s’intéresse directement aux logiques de construction des catégories et à leur pertinence pour saisir les évolutions plus générales des groupes sociaux, entre autres celles concernant les employés. Louis Chauvel est quant à lui engagé dans une lecture générationnelle des inégalités sociales et des rapports de classes. Tous deux ont également entrepris des travaux comparatifs qui les ont conduits à affronter la question de la comparabilité de ces outils et donc de la spécificité du modèle français. C’est en mobilisant ces expériences concrètes de recherche qu’ils ont bien voulu répondre à nos questions.
Marco Oberti Plusieurs conceptions des classifications socioprofessionnelles caractérisent les sciences sociales. Quelle est la situation aujourd’hui et comment envisager de dépas-ser les cadres nationaux, surtout dans le cas français où l’on insiste fortement sur la spécificité des catégories socioprofessionnelles ?
Louis Chauvel On peut distinguer deux traditions de nomenclature professionnelles utilisées par les institutions statistiques. D’un côté, une approche franco-française, celle dite 1 « constructiviste » des Catégories socioprofessionnelles (CS) , et de l’autre, celle internationale, de conception plutôt anglo-saxonne dont les origines remontent à
1.carCSP », et non « CS », catégories socioprofessionnelles » en « Nous avons choisi d’abréger « « socioprofessionnel » ne prend plus de tiret.
Sociétés Contemporaines (2002) n° 45-46 (p. 157-185) 157
L O U I S C H A U V E L , A L A I N C H E N U , M A R O C O B E R T I , E D M O N D P R É T E C E I L L E  
e l’émergence de la statistique sociale et des eugénistes de la fin duXIXsiècle. C’est e ce deuxième modèle qui au cours duXXsiècle va former l’essentiel des pratiques : il s’agit là d’un travail de statisticien, essentiellement, consistant à construire des nomenclatures à partir de listes de professions que l’on va ensuite agréger au gré de critères statistiquement acceptables. Je pense en particulier à Alba M. Edwards (1911), la statisticienne de l’USCensus Bureauqui fonde et stabilise une liste systématique de quelques centaines de professions (occupations), qui va être reprise à chaque recensement américain, et qui évoluera de façon à intégrer peu à peu de nouvelles professions (Edwards, 1933). Elle est utilisée dans lesCurrent population surveys, l’équivalent américain des enquêtes Emploi, etc. Le Bureau international du travail choisira une liste 2 (CITP/ISCO ) en définitive assez semblable. Mais ces listes de professions ne sont absolument pas un enjeu social, elles sont décidées par les statisticiens pour les statisticiens, sans confrontation avec le public, la demande des acteurs sociaux, syndicaux, patronaux, etc. Ce n’est pas non plus un enjeu sociologique, simplement parce que l’essentiel des publications issues de ces enquêtes ne mobilisent pas vraiment ces listes de professions, notamment parce qu’elles sont trop compliquées à utiliser, que les regroupements qu’il faut nécessai-rement faire sont souvent insatisfaisants pour les sociologues, et que, pour forcer le trait, on ne peut rien en faire. En matière de changement social, les remaniements récurrents interdisent de réaliser des séries longues, – sauf à réutiliser les enquêtes elles-mêmes, les microdonnées, ce qui n’est encore pratiqué que par une petite mino-rité de sociologues. Par ailleurs, les politistes ou les spécialistes d’études de marché, par exemple, jugent l’outil trop lourd (des centaines de professions !) pour des échantillons de quelques milliers d’individus et ne les utiliseront donc pas. Ils vont faire d’une autre façon avec d’autres variables bricolées autrement. Il n’y a donc pas de visibilité véritable des inégalités sociales par profession dans ce type de modèle. Ce modèle-là s’oppose à celui, antinomique, des CS qui émerge à la Libération avec les grilles Parodi (Desrosières et Thévenot, 1988). Il s’est imposé en France à partir des années soixante, plus ou moins fondé sur les conventions collectives. Contrairement au modèle anglo-saxon, c’est un outil qui n’est pas fabriqué par les seuls statisticiens, mais qui fait l’objet de négociations, celles-ci associant à l’occasion les points de vue des partenaires sociaux de façon à en faire non pas un instrument de statisticiens pour les statisticiens mais quelque chose qui présente plus de contenu social. D’où les catégories socioprofessionnelles – et pas simplement professionnelles –, qui d’un certain point de vue représentent une vision construite de l’espace social, dans une démarche « constructiviste ». La nomenclature des listes des professions renvoie à une vision très indivi-dualiste et parcellaire, conçue par les statisticiens de façon très nominaliste. La nomenclature des CS est beaucoup plus construite, et, sans aller jusqu’à dire que la CS c’est la classe « en soi » et « pour soi » qui émerge du système statistique, c’est une vision plus « holiste », en tout cas élaborée collectivement, qui correspond à une tentative d’objectivation des rapports sociaux.
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