Gudule est la vieille servante Qui nous tint petits en ses bras ; L’âge a rendu sa main tremblante ; Un long fauteuil retient ses pas. Elle est près du foyer qui brille, Comme un vieux portrait de famille.
Allons, Gudule, endormez-vous : La cloche va tinter huit coups.
Dans sa pauvre tête alourdie On sent décroître sa raison ; Toute la famille est grandie ; Elle est l’enfant de la maison. Nous berçons sa triste vieillesse Comme elle fit notre jeunesse.
Allons, Gudule, endormez-vous : La cloche va tinter huit coups.
Gudule est quelquefois grondeuse, Surtout quand le temps va changer ; Nous écoutons sa voix pleureuse, Sans rire et sans nous corriger. Chez nous, on n’oserait rien faire Sans son avis… qu’on ne suit guère.
Allons, Gudule, endormez-vous : La cloche va tinter huit coups.
Nous lui racontons les merveilles Dont jadis elle nous parlait ; Elle écoute des deux oreilles, En égrenant son chapelet. Nous contons l’histoire éternelle Du diable ou de la fée Urgèle.
Allons, Gudule, endormez-vous : La cloche va tinter huit coups.
Gudule, autrefois économe, Devint avare à soixante ans ; Chaque année arrondit la somme Qu’elle amasse pour ses enfants. Or, elle n’a garçon ni fille : Nous sommes toute sa famille.
Allons, Gudule, endormez-vous : La cloche a tinté ses huit coups.