À propos du rôle de l’État dans la mise en œuvre des infrastructures de transport et de communication en France de 1815 à 1939 - article ; n°1 ; vol.10, pg 149-197
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À propos du rôle de l’État dans la mise en œuvre des infrastructures de transport et de communication en France de 1815 à 1939 - article ; n°1 ; vol.10, pg 149-197

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Histoire & Mesure - Année 1995 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 149-197
Dans une perspective critique à l’égard de la tradition économiste qui fait de l’intervention publique dans l’économie la simple réponse à des besoins qui s’y manifesteraient, l’article propose une évaluation du rôle de l’État français dans l’équipement infrastructurel du territoire national pendant le grand XIXe siècle (1815-1939). Il montre, ce faisant, que l’importance des dépenses publiques pour les infrastructures n’est sensible à cette époque qu’occasionnellement, et que l’influence des « nécessités » économiques dans cette intervention administrative n’est pas déterminante compte tenu de la finalité politique première de l’équipement du territoire national. À la lumière de cet exemple historique, il est donc possible d’inverser les problématiques économistes traditionnelles et de considérer, d’une part, que l’État peut transférer sur le capital la responsabilité de la mise en œuvre de moyens de transport et de communication qui décuplent sa puissance politico-administrative et, d’autre part, que c’est le statut politique de ces moyens de l’échange qui entrave un pur développement capitaliste de leur production. Bref, dans l’intervention de l’État, les « nécessités » économiques et sociales ne jouent pas directement, elles sont toujours passées au crible des nécessités politiques ; elles peuvent même parfois n’en être que le produit.
About the role of State in promoting transport and communication infrastructures in the large nineteenth century France (1815-1939): are the usual economic theories confirmed by empirical evidence? In a critical perspective with regard to mainstreams of political economy which deduce public intervention in the economy from economic needs, the paper assesses a measure of the French State financial role in promoting infrastructures of transport and communications. It shows that public spending in this domain is important only in very specifie short periods, and that political aims are more pertinent to explain such a spending than economic demands. Consequently, to the contrary of economicist postulates, it is possible to consider infrastructure as mainly a political need for the territorial State which moreover can transfer to financial capital the responsability of promoting and managing it. In any case, the economic demands do not play a direct part in public infrastructural intervention, but only a mediated influence through political strategies.
49 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Bruno Théret
À propos du rôle de l’État dans la mise en œuvre des
infrastructures de transport et de communication en France de
1815 à 1939
In: Histoire & Mesure, 1995 volume 10 - n°1-2. pp. 149-197.
Citer ce document / Cite this document :
Théret Bruno. À propos du rôle de l’État dans la mise en œuvre des infrastructures de transport et de communication en France
de 1815 à 1939. In: Histoire & Mesure, 1995 volume 10 - n°1-2. pp. 149-197.
doi : 10.3406/hism.1995.1462
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hism_0982-1783_1995_num_10_1_1462Résumé
Bruno Théret. A propos du rôle de l'État dans la mise en œuvre des infrastructures de transport et de
communication en France de 1815 à 1939 : les théories confrontées à l'histoire et à la mesure.
Dans une perspective critique à l'égard de la tradition économiste qui fait de l'intervention publique dans
l'économie la simple réponse à des besoins qui s'y manifesteraient, l'article propose une évaluation du
rôle de l'État français dans l'équipement infrastructurel du territoire national pendant le grand XIXe
siècle (1815-1939). Il montre, ce faisant, que l'importance des dépenses publiques pour les infrastructu-
res n'est sensible à cette époque qu'occasionnellement, et que l'influence des « nécessités »
économiques dans cette intervention administrative n'est pas déterminante compte tenu de la finalité
politique première de l'équipement du territoire national. A la lumière de cet exemple historique, il est
donc possible d'inverser les problématiques économistes traditionnelles et de considérer, d'une part,
que l'État peut
transférer sur le capital la responsabilité de la mise en œuvre de moyens de transport et de
communication qui décuplent sa puissance politico- administrative et, d'autre part, que c'est le statut
politique de ces
moyens de l'échange qui entrave un pur développement capitaliste de leur production. Bref, dans
l'intervention de l'État, les « nécessités » économiques et sociales ne jouent pas directement, elles sont
toujours
passées au crible des nécessités politiques ; elles peuvent même parfois n'en être que le produit.
Abstract
Bruno Theret. About the role of State in promoting transport and communication infrastructures in the
large nineteenth century France (1815-1939) : are the usual economic theories confirmed by empirical
evidence ?
In a critical perspective with regard to mainstreams of political economy which deduce public
intervention in the economy from economic needs, the paper assesses a measure of the french State
financial role in promoting infrastructures of transport and communications. It shows that public
spending in this domain is important only in very specific short periods, and that political aims are more
pertinent to explain such a spending than economic demands. Consequently, to the contrary of
economicist postulates, it is possible to consider infrastructure as mainly a political need for the
territorial State which moreover can transfer to financial capital the responsability of promoting and
managing it. In any case, the economic demands do not play a direct part in public infrastructural
intervention, but only a mediated influence through political strategies.Histoire & Mesure, 1995, X-l/2, 149-197
Bruno THERET
A propos du rôle de l'État dans la mise en œuvre
des infrastructures de transport et
de communication en France de 1815 à 1939.
Les théories confrontées à l'histoire et à la mesure
S'il est un domaine où des doctrines économiques aussi opposées
que le libéralisme et le socialisme s'accordent néanmoins, c'est bien
celui relatif à la prise en charge par l'État des réseaux de transport et de
communication qui forment l'infrastructure matérielle des marchés
nationaux. C'est même là le seul secteur, avec celui de la recherche
scientifique et technique, où le libéralisme économique le plus radical
considère qu'une intervention financière publique dans l'économie,
outrepassant donc la fourniture d'un cadre juridique aux activités
marchandes, peut être légitime. Sur un plan plus théorique, il en est de
même. La « welfare economics » néoclassique, avec ses « biens col
lectifs indivisibles » inventés par Samuelson dans la lignée des travaux
de Lindahl et Pigou l, développe, en effet, le même type d'argument
que l'économie politique marxiste avec son concept de « conditions
générales de la production » tiré des Grundrisse de Marx : les « infras
tructures » de transport et de communication ne peuvent être que
collectives en raison de leurs caractéristiques matérielles spécifiques.
Dans l'approche néoclassique qui privilégie le point de vue du
consommateur, les infrastructures sont des biens collectifs indivisibles
parce que leur « utilité » est telle qu'ils ne peuvent être appropriés
individuellement par quelque consommateur que ce soit. Dans l'appro
che marxiste qui privilégie, quant à elle, le côté de la production, les
« conditions matérielles de l'échange » sont des conditions générales
de la production qui doivent être prises en charge par l'État parce que,
d'une part, leur « production à bas prix est (...) une condition de la
production basée sur le capital » (Marx, 1973, tome 3, p. 34), d'autre
part, ce sont des « valeurs d'usage » d'une dimension physique telle
1. Un bien collectif est indivisible car « tous peuvent (en) bénéficier en commun »,
la consommation par un individu ne diminuant « en rien la quantité disponible de ce bien
pour n'importe quel autre » (Samuelson, 1954, in Greffe, 1975, p. 12).
149 & Mesure Histoire
que, pour les produire, il faut investir un capital si massif et d'une
rotation si lente qu'aucun capital particulier privé ne peut s'en charger.
Malgré les apparences, cependant, ces définitions ne renvoient pas
qu'aux seules caractéristiques naturelles-techniques des biens
concernés et elles dissimulent des présupposés d'ordre politique. Ainsi,
dans l'approche néoclassique, alors que la question se pose de savoir si
les biens sont « publics parce qu'indivisibles ou indivisibles parce que
publics » (Greffe, 1975, p. XIII), on postule tant l'absence d'une
possible monopolisation privée des biens collectifs que l'immuabilité
des droits de propriété les concernant. Quant à la vision marxiste, elle
considère comme un a priori que l'État est seul à même de rassembler
de grandes masses de capitaux, de même qu'elle admet l'absence de
tout prix de monopole susceptible de compenser l'effet de la faible
vitesse de rotation du capital physique sur la rentabilité de l'investi
ssement. Or ce sont précisément les contenus mêmes de ces a priori qui
ont non seulement été au centre des conflits entre Haute finance, Haute
Administration et capital industriel lors de la mise en place des réseaux
de chemins de fer au XIXe siècle (Leclercq, 1987, 1990 et 1991), mais
aussi alimenté les débats sur le financement privé des autoroutes dans
un passé récent.
Ainsi, les théories qui tentent d'expliquer à partir de la seule
logique économique pourquoi la construction de routes n'est pas
l'affaire privée du particulier lorsque surgissent la production et la
division du travail fondées sur la valeur d'échange, l'Etat les construi
sant par exemple grâce aux impôts » (Marx, 1973), mêlent deux types
d'arguments dont la distinction, si elle était respectée, ouvrirait la voie
à une explication certes moins fonctionnaliste de l'intervention de
l'État mais aussi plus riche et plus proche de la réalité observable.
Il n'entre pas cependant dans l'objectif de cet article de critiquer
les théorisations standards de l'économie politique. On se bornera ici,
en ce domaine, à quelques observations utiles pour notre propos et
relatives au fait que l'économie politique, comme sa dénomination
l'indique, s'est constituée comme rhétorique simultanément économi
que et politique. Il y a là, en effet, un paradoxe dont les implications
montrent l'intérêt théorique, et pas seulement historique, de confronter
aux idées reçues une mesure statistique précise de

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