Ayt Khebbach, impasse sud-est. L involution d une tribu marocaine exclue du Sahara. - article ; n°1 ; vol.41, pg 136-157
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Ayt Khebbach, impasse sud-est. L'involution d'une tribu marocaine exclue du Sahara. - article ; n°1 ; vol.41, pg 136-157

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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1986 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 136-157
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Claude Lefébure
Ayt Khebbach, impasse sud-est. L'involution d'une tribu
marocaine exclue du Sahara.
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°41-42, 1986. pp. 136-157.
Citer ce document / Cite this document :
Lefébure Claude. Ayt Khebbach, impasse sud-est. L'involution d'une tribu marocaine exclue du Sahara. In: Revue de l'Occident
musulman et de la Méditerranée, N°41-42, 1986. pp. 136-157.
doi : 10.3406/remmm.1986.2114
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1986_num_41_1_2114Claude Lefébure
AYT KHEBBACH, IMPASSE SUD-EST
L'IN VOLUTION D'UNE TRIBU MAROCAINE EXCLUE DU SAHARA
«J'ai eu l'honneur de vous faire observer que ce fra
gment était primitivement d'un volume égal... à cette
carte géographique. »
H. de Balzac, La peau de chagrin
Dans Marrakech la capitale, en mars 1901, un millier de kilomètres à l'ouest
du champ des opérations mais moins d'un mois après l'affrontement, circulait ce
bruit formidable : les Chrétiens venaient de subir un désastre militaire à
Timimoun*.
Amplification certes, encore que VEcho d'Oran ait de son côté trouvé l'affaire
exagérément chaude2 : amplification à la mesure de l'émoi que suscitait dans
l'Empire chérifien la pression française aux marches de l'Est. Est-il moins factice
d'ignorer, comme cela paraît de mise aujourd'hui, jusqu'aux fondements tant struc
turels qu'événementiels de la rumeur d'alors? Car c'est un fait : les Divisions d'Oran
et d'Alger du 19e Corps d'armée n'ont pu conquérir le Touat et le Gourara qu'au
prix de durs combats menés contre les semi-nomades d'obédience marocaine qui,
depuis plus d'un siècle, imposaient leur protection aux oasiens, les berbérophones
Ayt Khebbach (ayt-hBas).
Une vingtaine de traités passés et réassurés entre 1809 et 1896 puis le triple
paraphe du sang à Metarfa, le 5 septembre 1900 — grave revers pour «le vain
queur d'In Salah», le capitaine Pein —, à Timimoun, le 18 février suivant, près
de Charouine enfin, les 2 et 3 mars... et le temps devrait avoir colmaté le filtre
ROMM 41-42, 1986 138 / C. Lefébure
d'une mémoire sélective! Venant de publicistes ou d'idéologues, le parti pris s'expli
que. Mais comment accepter le silence ou les cachotteries de sociologues, d'histo
riens? Ni les «éléments d'étude anthropologique» livrés sur le Gourara par une
équipe interdisciplinaire du CRAPE (Mammeri et al., 1973), ni cette ambitieuse
Lecture de l'espace oasien pourtant proclamée attentive à l'influence du «pouvoir
tribal nomade» comme aux effets de «la rupture coloniale» (Marouf 1980), et pas
davantage la dernière thèse en date sur Timimoun (Boualga 1981) n'ont un mot
— serait-il, avec tant d'autres emprunts, repris de l'indispensable A.G.P. Martin
(1923) — sur l'emprise des Ayt Khebbach et son ultime manifestation. Un ouvrage
dont l'index signale treize développements relatifs à la question du Touat, l'essai
d'Abdallah Laroui (1977) sur les origines du nationalisme marocain, ne s'intéresse
quant à lui qu'aux avatars locaux de la délégation sultanienne : peu de choses,
on le sait, à l'heure des résistances populaires. Sous l'angle d'approche d'une étude
des frontières, la somme minutieuse de Trout (1969) comme le rapide opuscule
de Sayagh (1986) n'offrent à glaner que des bribes; la thèse de droit de Bouguetaïa
(1981) a évité le sujet. Au total, parmi les travaux modernes, seule la recherche
de R. Dunn (1977) sur les réactions rurales à la poussée française en direction
de l'oued Zousfana et du Touat évoque les intérêts locaux des Ayt Khebbach et
leur prime résistance. Cette étude, cependant, considère comme il se devait d'autres
situations, en particulier celle, symétrique, des Dwi Menia aujourd'hui algériens.
Le détail monographique n'est donc jamais sien. D'autre part, elle n'embrasse qu'une
période restreinte :« 1881-1912» annonce un sous-titre soucieux de périodisation
— en vérité, spécialement, tout juste la décennie charnière entre ce siècle et le
précédent, ce qui laisse de côté les affrontements ultérieurs et, surtout, la question
des transformations sociales en profondeur.
C'est cette évolution, au total négative, d'abord selon moi parce que les hori
zons du groupe lui ont été bornés, que je me propose ici d'éclairer3.
1
Avec son centre de gravité dans le sud du Tafilalt, la tribu des Ayt Khebbach
constitue le flanc oriental du vaste groupement berbérophone des Ayt Atta (ayt-
zja). C'est au sein de cet ensemble un élément d'un poids démographique cer
tain : en 1936, année du meilleur recensement directement exploitable en termes
d'appartenance tribale (Noin 1970 : 31), les Ayt Khebbach, au nombre d'une dizaine
de milliers, représentaient le sixième de l'effectif global4. Combien sont-ils
aujourd'hui? Les dénombrements postérieurs à l'Indépendance n'ayant pas retenu
le critère «ethnique», nul ne le sait exactement. Mais l'approximation ne sera pas
si hasardeuse. La circonscription de Taouz, dont la définition territoriale n'a pas
changé et qui n'est peuplée que d'Ayt Khebbach, en comptait près de 9 000 lors
du recensement de 1971 {Population rurale 1973 : 16); compte tenu d'un taux
d'accroissement annuel de l'ordre de 2 %, le cap des 12 000 habitants s'y trouve
désormais atteint. Selon moi, cela dépasse d'un millier la moitié des forces.
Ces données chiffrées associent les imazign5 Ayt Khebbach et les populations
d'agriculteurs noirs qui, leur ayant été longtemps soumises, restent aujourd'hui
avec eux dans des rapports étroits. Dans la circonscription d'Erfoud, dans celle
de Rissani, ces populations représentaient le tiers environ des gens recensés sous Ayt Khebbach, impasse sud-est / 139
l'étiquette «Ayt Khebbach». Les imazign distinguent parmi ces Noirs des iqbîyin
«gens-de-la-g/Wb, la direction de La Mecque, en vérité le sud» et les ismhan «esclaves,
anciens esclaves». Les premiers, de loin majoritaires, sont considérés comme autoch
tones; ils semblent dans les palmeraies très atomisés mais forment au cœur du
pays attaoui la tribu des Imelwan. Les seconds, qu'un amazig dira plus retors et
d'une pigmentation plus foncée, originaires du «Pays des Noirs»6, ont été jadis
achetés ou pris dans le Touat et au Soudan. A l'arrivée des Français, la population
de Taouz — l'établissement cette fois, pas la circonscription — comptait environ
10 % d'esclaves7.
A peine l'entame-t-on, l'examen de l'organisation sociale des Ayt Khebbach8
renvoie au débat toujours pendant sur la structure des groupes maghrébins. Si
cette tribu, une fois de plus, semble exemplifier les principes du schéma segmen-
taire — au prix, peut-être plus élevé que de coutume, d'affiliations collectives devant
moins à la naissance qu'à des rapports de force — elle montre, aussi, un net cl
ivage en deux ligues aux fonctions incertaines. Quatre segments «de pure extrac
tion» et divers groupes agrégés dessinent cette configuration : d'un côté les irjdaln
et leurs clients, d'une part les ayt-tgla détachés d'une autre fraction des Ayt Atta,
d'autre part les ayt-burk d'origine maraboutique; de l'autre côté les ilhayan, les
izulayn, les ayt-zmr et les clients de ces derniers, soit un lignage séparé des ayt-
burk, un lignage que l'on prétend issu d'une juive, un lignage séparé d'une tribu
arabophone ancrée plus à l'ouest, les erib. Numériquement, la balance est en faveur
de la première ligue; mais la seconde concentre, si l'on peut dire, plus de légiti
mité, si bien qu'elle n'abandonnait qu'un an sur quatre, en théorie, le léger avan
tage de fournir le principal de la tribu, successivement désigné dans chacun des
segments d'origine. Point d'antagonisme spécialement rapportable à l'existence
des ligues. Et rien dans la distribution spatiale de leurs éléments pour rappeler
le damier stratégique qui obnubila Montagne (1930). On doit se contenter d'enreg
istrer ces différences : la ligue conduite par les irjdaln compte davantage de nomad
es, deux fois plus selon le r

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