Boris Arvatov, théoricien du productivisme - article ; n°3 ; vol.40, pg 415-446
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Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants - Année 1999 - Volume 40 - Numéro 3 - Pages 415-446
Maria Zalambani. Boris Arvatov, theoretician of productivism. Boris Arvatov is the most significant theorist of productivist art. The present article goes through the main stages of the evolution of his thought. Starting from his first theoretical formulations of a proletarian art (which resounds with echoes of Bogdanov's theory about Proletkurt), through his numerous contributions to the journals of the 1920s until the publication of his most significant works of 1926 and 1930, the author has taken into consideration the whole arvatovian corpus. She has studied its inner evolution in order to place it within the political and cultural debate of the period, concerning the genesis (and the necessity) of a productivist art. Arvatov's thought focuses on three main points: 1. work as a free and creative process; 2. identification of work, art and life; 3. the development of an art which is work and invades all human life, starting from time spent working, overflowing into free time and finally pervading private life. To carry out his plan, Arvatov puts his trusts in the rules of the scientific organization of work ( NOT) and creates the figure of the artist-engineer, supreme fusion of art and technique. Productivist art thus arises as an image and likeness of the working process in factories, perpetuates its norms and rules: vanguard art changes into a kind of perpetual working process.
Maria Zalambani. Boris Arvatov, théoricien du productivisme. Boris Arvatov est le plus important théoricien de l'art productiviste. Cet article suit les étapes de l'évolution de sa pensée. L'auteur considère toute la production ď Arvatov, depuis ses premières formulations théoriques sur un art prolétaire (qui font écho à la théorie du Proletkul't de Bogdanov) jusqu'à la publication de ses œuvres les plus importantes de la période 1926- 1930, en passant par ses nombreuses contributions aux revues des années 1920. On étudie l'évolution interne de cette production afin de la situer dans le débat politique et culturel de l'époque sur la genèse et la nécessité d'un art productiviste. La pensée d'Arvatov est centrée sur trois points principaux : 1 ) le travail en tant que processus libre de création ; 2) l'identification entre le travail, l'art et la vie ; 3) le développement d'un art qui est travail et qui envahit entièrement la vie humaine, par le temps passé à travailler, l'empiétement sur le temps libre, et enfin, par l'extension dans la vie privée. Pour mener à bien son projet, Arvatov se fie aux règles de l'organisation scientifique du travail (NOT) et crée un personnage fusionnant l'art et la technique, l'artiste-ingénieur. Ainsi, l'art productiviste apparaît comme l'image fidèle du travail en usine dont il perpétue les normes et les valeurs : l'art d'avant-garde se mue en une sorte de travail perpétuel.
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Maria Zalambani
Jeannine Foumier
Boris Arvatov, théoricien du productivisme
In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 40 N°3. pp. 415-446.
Citer ce document / Cite this document :
Zalambani Maria, Foumier Jeannine. Boris Arvatov, théoricien du productivisme. In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire
russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 40 N°3. pp. 415-446.
doi : 10.3406/cmr.1999.1009
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_1252-6576_1999_num_40_3_1009Abstract
Maria Zalambani. Boris Arvatov, theoretician of productivism. Boris Arvatov is the most significant
theorist of productivist art. The present article goes through the main stages of the evolution of his
thought. Starting from his first theoretical formulations of a proletarian art (which resounds with echoes
of Bogdanov's theory about Proletkurt), through his numerous contributions to the journals of the 1920s
until the publication of his most significant works of 1926 and 1930, the author has taken into
consideration the whole arvatovian corpus. She has studied its inner evolution in order to place it within
the political and cultural debate of the period, concerning the genesis (and the necessity) of a
productivist art. Arvatov's thought focuses on three main points: 1. work as a free and creative process;
2. identification of work, art and life; 3. the development of an art which is work and invades all human
life, starting from time spent working, overflowing into free time and finally pervading private life. To
carry out his plan, Arvatov puts his trusts in the rules of the scientific organization of work ( NOT) and
creates the figure of the artist-engineer, supreme fusion of art and technique. Productivist art thus arises
as an image and likeness of the working process in factories, perpetuates its norms and rules: vanguard
art changes into a kind of perpetual working process.
Résumé
Maria Zalambani. Boris Arvatov, théoricien du productivisme. Boris Arvatov est le plus important
théoricien de l'art productiviste. Cet article suit les étapes de l'évolution de sa pensée. L'auteur
considère toute la production ď Arvatov, depuis ses premières formulations théoriques sur un art
prolétaire (qui font écho à la théorie du Proletkul't de Bogdanov) jusqu'à la publication de ses œuvres
les plus importantes de la période 1926- 1930, en passant par ses nombreuses contributions aux
revues des années 1920. On étudie l'évolution interne de cette production afin de la situer dans le débat
politique et culturel de l'époque sur la genèse et la nécessité d'un art productiviste. La pensée d'Arvatov
est centrée sur trois points principaux : 1 ) le travail en tant que processus libre de création ; 2)
l'identification entre le travail, l'art et la vie ; 3) le développement d'un art qui est travail et qui envahit
entièrement la vie humaine, par le temps passé à travailler, l'empiétement sur le temps libre, et enfin,
par l'extension dans la vie privée. Pour mener à bien son projet, Arvatov se fie aux règles de
l'organisation scientifique du travail (NOT) et crée un personnage fusionnant l'art et la technique,
l'artiste-ingénieur. Ainsi, l'art productiviste apparaît comme l'image fidèle du travail en usine dont il
perpétue les normes et les valeurs : l'art d'avant-garde se mue en une sorte de travail perpétuel.MARIA ZALAMBANI
BORIS ARVATOV,
THÉORICIEN DU PRODUCTIVISME
1. Le mouvement productiviste et les aimées 20
Dans la réalité bigarrée des années 20, riche en mouvements artistiques et litt
éraires1, un courant est resté longtemps dans l'ombre, éclipsé par le mouvement
artistique qui en a appliqué la théorie - le constructivisme -, il s'agit du producti-
visme2. Mais pourquoi est-il resté si longtemps ignoré ? Probablement parce qu'il
occupait une place excentrique par rapport aux mouvements artistiques de l'époque,
il intéressait plus l'histoire des idées que celle de l'art. Il s'est vu relégué au second
plan lorsque l'intérêt s'est tourné essentiellement vers les réalisations artistiques,
vers les œuvres d'art que le productivisme a inspirées et qui emplissent encore les
expositions et les galeries du monde entier. Mais si les spécialistes de l'histoire de
l'art se sont si largement concentrés sur les implications artistiques de ce thème, ses
racines idéologiques, fort complexes, sont restées peu explorées ; elles ont subi, à
des niveaux différents, l'influence du climat politique, économique et artistique de
l'époque. Ces racines sont redevables à l'humus qui a nourri la révolution et ses
développements ultérieurs. Le débat productiviste naît en effet à l'époque pré-révo
lutionnaire, au moment même où apparaît le mouvement pour la culture proléta
rienne, le Proletkul't. La présence du plus grand théoricien productiviste, Boris
Arvatov, au sein du Proletkul't de Moscou à partir de 1918, l'analogie entre ses
1. Pour un panorama complet de la vie culturelle de l'époque, voir : M. Aucouturier, « La vie
littéraire des années vingt >>, in E. Etkind.fi. Ni vat. I. Serman. V. Strada, cas. Histoire de la litt
érature russe. Ill : Le \v siècle. 2 : La Résolution et les années \ingt. Paris, Favard. 19X8,
pp. 213-233 ; J.-C. Marcadé, « L'avant-garde dans les arts plastiques avant la révolution ». in
ibid., 1 : L'âge d'argent. Paris. Fayard, 19X7. pp. 440-453 ; J.-C. Marcadé, « Les arts plastiques
novateurs après la révolution ». in ibid.. 2, pp. 765-778.
2. Pour une bibliographie relative au productivisme. cf. C. Lodder. Russian constructivism,
New Haven. Yale University Press. 19X3. Dans le domaine français cf. : G. C'onio. éd.. Le cons
tructivisme russe. Textes théoriques, manifestes, documents, I : Le constructs isme dans les arts
plastiques. Il : Le constructivisme //fiera/re. Lausanne .L" Age d'homme , 19X7-1990.
Cahiers du Monde russe, 40/3. Juillet-septembre 1999. pp. 415-446. 416 MARIA ZALAMBANI
idées et celles de Aleksandr Bogdanov font bien ressortir que la naissance d'une
nouvelle culture prolétarienne est à l'origine des deux mouvements. Mais, et nous
le verrons lors de l'étude approfondie de la pensée d'Arvatov, les deux courants
offriront une solution différente du problème posé.
Le Proletkul 't est une organisation artistique et littéraire qui se constitue à la
veille de la révolution d'Octobre et qui prit un grand essor de 19 17 à 1 920. Il se pro
posait de créer une culture prolétarienne faite par et pour le prolétariat. L'idéologue
du groupe était Aleksandr Bogdanov1. protagoniste d'un célèbre débat philoso
phique avec Lenin, débat ayant pour objet le rapport entre l'empiriomonisme et le
matérialisme4. C'est probablement cette controverse implacable entre les deux
leaders qui est à l'origine de l'hostilité, puis de la condamnation, du mouvement
proletkultiste par le parti. Une hostilité qui voit le parti et le Proletkul' t se mesurer
sur le terrain de l'autonomie revendiquée par ce dernier sur le front culturel, mais
prêt à céder au parti sur le front politique et au syndicat sur celui de l'organisation
économique. Or Lenin, qui avait déjà proclamé en 1905 que la littérature devait
devenir une littérature de parti5, n'entend certes pas renoncer au contrôle de la
sphère culturelle. Il n'est pas favorable à une culture prolétarienne : il soutient le
contrôle prolétarien sur la culture effectué par l'avant-garde consciente du prolétar
iat. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle culture : on doit utiliser le patrimoine
transmis par la bourgeoisie, on doit impliquer les intellectuels et les techniciens
bourgeois dans l'édification de l'État socialiste, mais sous l'égide et sous le
contrôle des institutions de l'État ou du parti. C'est ainsi qu'après les années qui
virent l'apogée du Proletkul' t (période relativement brève qui comprend le semest
re de la révolution démocrate-bourgeoise et les trois années postérieures à la prise
du pouvoir par les bolcheviks), années où l'on assiste à la formation autonome et à
la prolifération spontanée de centres culturels ouvriers sur tout le territoire sovié-
3. Aleksandr Aleksandrovič Bogdanov (pseudonyme de Malinovskij) (1873-1928): homme
politique, philosophe et médecin. En 1909 il

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