Chapitre premier - Des satellites, pour quoi faire ? - article ; n°1 ; vol.12, pg 27-52
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Description

Réseaux - Année 1994 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 27-52
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Moeglin
Chapitre premier - Des satellites, pour quoi faire ?
In: Réseaux, 1994, Hors Série 12 n°1. pp. 27-52.
Citer ce document / Cite this document :
Moeglin Pierre. Chapitre premier - Des satellites, pour quoi faire ?. In: Réseaux, 1994, Hors Série 12 n°1. pp. 27-52.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0984-5372_1994_hos_12_1_3629CHAPITRE PREMIER
Des satellites, pour quoi faire ? "La grandeur de l'entreprise spatiale me paraît indiscutable, et toutes les
objections élevées contre elle, sur un plan purement utilitaire (...) me
semblent un tant soit peu absurde au regard de ce qui est en jeu et dont
les conséquences sont encore aujourd'hui tout à fait imprévisibles."
Hannah Arendt, "La Conquête de l'espace et la dimension de l'homme".
La crise de la culture.
Si un principe semble devoir être admis sans discussion, c'est bien
celui selon lequel l'initiative des responsables industriels reposerait sur
une décision prise de leur propre fait et appliquée en toute autonomie
et connaissance de cause. Pourtant ce principe est contestable. On lui
opposera en effet le constat du décalage entre les projets nourris par les
promoteurs des satellites et ce qui se passe réellement. Les travaux de
L. Sfez (1981) suggéraient déjà qu'en général la chaîne des décisions
n'est pas aussi linéaire qu'il y paraît. Ils trouvent ici une éloquente
confirmation.
Ainsi ATS F et Symphonie sont-ils initialement prévus pour des
fonctions de distribution et de diffusion. Or c'est essentiellement à des
expériences de télécommunication qu'ils sont effectivement consacrés.
Même décalage du côté de l'organisation : les responsables spatiaux
commencent par instituer des groupes de pilotage pour administrer les
opérations en leur nom. Or ceux-ci sont rapidement, sinon totalement
débordés et disqualifiés, du moins relégués à des tâches de simple
consultation au profit d'autres instances plus ouvertes à la concertation
et apparemment plus favorables aux intérêts des porteurs de projets.
Ces derniers en viennent même parfois à faire comme s'ils étaient les
véritables maîtres des opérations.
Serait-ce alors que les visées des promoteurs de satellites n'ont compté
pour rien et serait-ce sans eux, voire malgré eux, que ces opérations se
sont déroulées ? A son tour cette hypothèse n'est pas recevable,
supposant des situations moins agonistiques et des processus plus 30 Origines
simples qu'ils ne le sont en réalité. Qu'on en juge plutôt ! Certes, ce
n'est pas parce que les promoteurs de satellites ont l'antériorité et la
maîtrise technique sur leur segment qu'ils ont le pouvoir absolu de
donner des directives, de choisir des expérimentateurs et de leur fixer
toutes les orientations. Mais le contraire ne vaut pas davantage : l'offre
satellitaire n'est pas à ce point inconsistante que les responsables
éducatifs imposent unilatéralement leurs vues, à supposer qu'ils en
aient d'univoques (ce qui reste à prouver).
Avec l'une et l'autre de ces deux interprétations, surestimant tour à
tour l'influence des responsables satellitaires et celle des responsables
éducatifs, se marque en fait le même refus de prendre en compte deux
aspects suffisamment importants pour fournir son point de départ à
l'analyse des conditions du lancement des expérimentations :
— premièrement l'incertitude à propos des débouchés des satellites
concernés, faute de perspectives d'applications et a fortiori de marchés,
— deuxièmement la stratégie des promoteurs de ces satellites pour
sortir de l'incertitude en rompant avec la circularité vicieuse qu'elle
induit : pas d'offre, pas de services, pas d'utilisateurs ; pas
d'utilisateurs, pas d'utilisations, pas d'offre ; etc.
Ainsi s'esquisse le contexte où prend naissance le projet expérimental,
mélange contradictoire d'incertitude et de volontarisme. Tel qu'il se
présente alors, ce projet est moins destiné à solliciter directement des
usages inédits et de nouvelles pratiques éducatives en aval qu'à
examiner les conditions pour fédérer en amont les ressources
disponibles et les agencer en vue de ropérationalisation de ce qui, à ce
prix, deviendra un média. г
Pourquoi mettre ainsi l'accent sur l'amont ? Pour la bonne raison qu'en
l'absence d'offre "concrétisée" (au sens de Simondon 1967, p.24), la
question des utilisations est prématurée, et pour la non moins bonne
raison qu'une fois le coup parti, il ne sera plus possible de l'arrêter et
de revenir sur les orientations initiales. L'expérimentation s'attachera
donc prioritairement aux conditions de réalisation : elle visera , de par
la volonté même de ses promoteurs, à dépasser à titre probatoire le
mode artisanal des collaborations occasionnelles et segmentaires.
Autrement dit, son objectif sera, sinon d'atteindre, du moins de.
montrer à quel prix il est envisageable d'atteindre le stade d'une
organisation fonctionnelle reposant sur la coordination des ressources,
la division du travail et la standardisation des tâches en vue de la Des satellites, pour quoi faire ? 31
structuration d'une véritable offre de services et de programmes par
satellite. Et de voir alors quelles applications en découleront
La généralisation de l'innovation satellitaire reste par conséquent à
l'ordre du jour. Simplement l'expérimentation donne la priorité à la
question des modalités organisationnelles qu'il appartient au projet
satellitaire de régler pour devenir une innovation portée par
l'association d'intérêts et de stratégies hétérogènes, dans la perspective,
même lointaine, d'un réseau éducatif économiquement viable. C'est
pourquoi l'interrogation "Des satellites, pour quoi faire ?" est moins
directement adressée à leurs utilisateurs qu'à leurs promoteurs (au sens
large) et est loin de comporter à leur endroit de malveillantes
intentions. La meilleure preuve n'en est-elle pas que, telle quelle, elle
fournit son titre à un rapport du Service d'Information et de Diffusion
du Premier Ministre (1976), non suspect de telles intentions ? Raison
de plus pour la reprendre ici.
Machine célibataire
Cette interrogation est d'ailleurs également celle de Jeanne Sauvé
(1978, p.l), ministre canadienne des communications : "Pour les
chercheurs et les ingénieurs, Hermès était un chef d'oeuvre de la
technologie moderne, le satellite des télécommunications le plus
puissant au monde". Satisfaction mitigée cependant par ce soupçon :
"cette réussite même incite à se demander pourquoi il était nécessaire
de mettre au point un satellite du genre d'Hermès".
Venant de la responsable de l'ensemble de la politique spatiale
canadienne et adressée à une assemblée d'universitaires censés y avoir
déjà répondu par des projets d'utilisations, le propos a de quoi
surprendre et inquiéter. A plus forte raison inquiétera-t-il, référé à ce
qui se passe ordinairement pour les autres innovations technologiques
soumises elles aussi, à l'indétermination des débuts mais suscitant
plus rarement des questionnements si radicaux sur leur emploi et sur
leur utilité. Le satellite relèverait-il de la catégorie des machines
"célibataires", qualificatif que, dans un tout autre contexte, les
Dadaïstes donnaient à leurs inventions improductives ?
Assez instructif est à cet égard l'avis de deux ingénieurs du Cnes, M-
Y. Bernard et J. Puech (1975, p.29), étroitement associés à la
conception du programme Symphonie. Ils commencent par évoquer 32 Origines
l'informatique et le nucléaire : "La technique informatique permet de
traiter un très grand nombre de données et d'obtenir des informations
précises dont l'importance est considérable. La technique nucléaire est
développée pour fournir de l'énergie à l'humanité." C'est pourquoi,
continuent-ils en substance, ces deux techniques n'ont pas (ou plus) à
faire la preuve de leur utilité sociale : elle est évidente, malgré les
contreparties négatives qui les accompagnent. C'est exactement
l'invers

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