Des mobilités résidentielles de début de carrière moins favorables aux femmes
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40 %des 742 000 jeunes sortis de formation initiale en 1998 ont déménagé et changé de zone d’emploi au cours de leurs sept premières années de vie active. Ils sont même 13 % à avoir connu au moins deux changements. Dans sept cas sur dix, ces changements conduisent les jeunes à changer de département et environ une fois sur deux à s’installer dans une autre région. Dans 15 % des cas, il s’agit d’un retour vers la région qu’ils avaient quittée en cours d’études. L’ancrage territorial apparaît donc faible au sein des nouvelles générations. Si les jeunes sont dans leur grande majorité potentiellement mobiles, tous ne le sont pas dans les faits. Plusieurs facteurs influencent la décision de migration. Certains, souvent cités, sont confirmés : l’âge, le niveau de diplôme, les expériences antérieures de mobilité et la présence d’enfants. D’autres sont mis en évidence, comme le fait d’avoir des parents nés à l’étranger, et la situation d’emploi : relativement aux individus employés avec des contrats de travail instables (CDD, intérim, contrats aidés), les chômeurs sont plus mobiles et les personnes qui ont un emploi à durée indéterminée le sont moins. Par ailleurs, le genre et la situation matrimoniale ne sont pas sans effet. Ainsi, dans les couples, le niveau de diplôme des femmes perd son influence significative sur la propension à migrer quand celui des hommes la conserve. Les mobilités résidentielles et professionnelles sont souvent liées. Les deux tiers des migrations de zone d’emploi s’accompagnent d’un changement professionnel. Mais, pour les migrants vivant en couple, les changements d’emploi concernent beaucoup plus les hommes que les femmes et la différence s’accroît avec le temps. Les femmes sont, elles, davantage touchées par des transitions entre l’emploi et le non-emploi. Les femmes en couples ayant migré sont ainsi en proportion trois fois plus nombreuses (13 %) que les hommes (4 %) à avoir perdu leur emploi.

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Langue Français

Extrait

TERRITOIRE
Des mobilités résidentielles de début
de carrière moins favorables aux femmes
Jean-Jacques Arrighi*, Céline Gasquet*, Valérie Roux**
40 % des 742 000 jeunes sortis de formation initiale en 1998 ont déménagé et changé
de zone d’emploi au cours de leurs sept premières années de vie active. Ils sont même
13 % à avoir connu au moins deux changements. Dans sept cas sur dix, ces changements
conduisent les jeunes à changer de département et environ une fois sur deux à s’instal-
ler dans une autre région. Dans 15 % des cas, il s’agit d’un retour vers la région qu’ils
avaient quittée en cours d’études. L’ancrage territorial apparaît donc faible au sein des
nouvelles générations.
Si les jeunes sont dans leur grande majorité potentiellement mobiles, tous ne le sont pas
dans les faits. Plusieurs facteurs infl uencent la décision de migration. Certains, souvent
cités, sont confi rmés : l’âge, le niveau de diplôme, les expériences antérieures de mobi-
lité et la présence d’enfants. D’autres sont mis en évidence, comme le fait d’avoir des
parents nés à l’étranger, et la situation d’emploi : relativement aux individus employés
avec des contrats de travail instables (CDD, intérim, contrats aidés), les chômeurs sont
plus mobiles et les personnes qui ont un emploi à durée indéterminée le sont moins. Par
ailleurs, le genre et la situation matrimoniale ne sont pas sans effet. Ainsi, dans les cou-
ples, le niveau de diplôme des femmes perd son infl uence signifi cative sur la propension
à migrer quand celui des hommes la conserve.
Les mobilités résidentielles et professionnelles sont souvent liées. Les deux tiers des
migrations de zone d’emploi s’accompagnent d’un changement professionnel. Mais,
pour les migrants vivant en couple, les changements d’emploi concernent beaucoup plus
les hommes que les femmes et la différence s’accroît avec le temps. Les femmes sont,
elles, davantage touchées par des transitions entre l’emploi et le non-emploi. Les fem-
mes en couples ayant migré sont ainsi en proportion trois fois plus nombreuses (13 %)
que les hommes (4 %) à avoir perdu leur emploi.
* Céreq
** Insee Direction Régionale PACA
Les auteurs remercient les deux rapporteurs anonymes d’Économie et Statistique pour leurs remarques sur les précé-
dentes versions de cette étude.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 415-416, 2008 61es changements qui s’opèrent depuis une naissances et la scolarité des enfants réduisent Ltrentaine d’années dans l’occupation de ensuite le taux de migration qui reste faible entre
l’espace sont d’une telle ampleur qu’ils relèvent 35 et 50 ans et repart à la hausse à l’approche de
plus de la mutation que de la simple évolution la retraite. L’importance de ce modèle, au sein
(Benoit, 1995). En vingt ans (1970-1992), le de la population scolarisée dans l’enseignement
nombre de passagers du transport aérien inté- supérieur, est attestée par les observations empi-
rieur a triplé, malgré le TGV et le doublement, en riques issues des recensements de population
dix ans (1982-1992), du nombre de voyageurs/ (Baccaïni, 2001). Pour autant, les jeunes sor-
km sur le réseau grandes lignes de la SNCF. Sur tis de l’enseignement secondaire, avec ou sans
la même période, les trajets en transports col- diplôme, n’ont pas des comportements très dif-
lectifs urbains (Île-de-France et Province) ont férents (Debrand et Taffi n, 2005). Seul change
progressé de 75 %, malgré la concurrence de l’espace de mobilité : il se réduit et dépasse plus
l’automobile. Entre 1990 et 1999, une personne rarement les frontières régionales.
sur deux a déménagé, dont deux tiers ont changé
de commune, un tiers de département et 20 % L’observation d’une cohorte défi nie par l’évé-
de région (Baccaïni, 2001). Elles ne se sont nement « être sorti de formation initiale » une
pas pour autant rapprochées de leur emploi. En année donnée, la « Génération 1998 » (cf. enca-
effet, ceux qui quittent chaque jour leur com- dré 1), permet d’étudier les migrations à cette
mune pour aller travailler sont de plus en plus période charnière de l’entrée dans la vie adulte.
nombreux : en 1999, ils représentaient 64 % L’identifi cation des mobilités géographiques
des salariés ; en 2004, la proportion approche suppose au préalable de défi nir un espace géo-
trois salariés sur quatre (73 %) (Baccaïni et al., graphique de référence. Les études portant sur
2007). Et ils vont de plus en plus loin : la dis- l’entrée dans la vie active des jeunes ont sou-
tance quotidienne moyenne parcourue atteint vent centré leurs analyses sur l’échelon régional
26 kilomètres en 2004. (Cuney et al., 2003 ; Perret et Roux, 2004). Cet
échelon s’avère très pertinent pour les diplômés
de l’enseignement supérieur qui sont de fait fré-Avec la spécialisation de l’espace, le rapport
quemment amenés à « investir » dans des dépla-structurant de l’homme à son territoire se délite.
cements géographiques de longue distance afi n Le village, la petite ville, le quartier sont de
de saisir au mieux les opportunités d’emploi moins en moins vecteurs d’identité ou de soli-
et/ou de salaires auxquels ils peuvent préten-darités essentielles. Ils se dissolvent dans une
dre. En revanche, pour les sortants de l’ensei-succession vécue de périmètres fonctionnels :
gnement secondaire, les frontières régionales zone résidentielle, zone d’activité, zone de
semblent déjà très lointaines : la relation forma-chalandise, espace de loisir, espace de transit.
tion/emploi se noue davantage à l’échelle de la Une typologie (Pan Ké Shon, 2005) construite
ville et les jeunes qui changent de commune de à partir d’une analyse lexicale des réponses à la
résidence sont déjà des « migrants ». La réfé-question « Pouvez-vous dire, en quelques mots,
rence territoriale utilisée ici est la zone d’em-ce que votre quartier représente pour vous ? »
ploi, zonage d’étude défi ni comme un espace n’isole qu’une classe d’individus dont la relation
géographique à l’intérieur duquel la plupart au quartier est fusionnelle : « les enracinés ». Ils
des actifs résident et travaillent (1). Les zones ne représentent que 12 % de la population. Pour
d’emploi constituent une partition du territoire les cinq autres familles identifi ées, le rapport au
en 348 bassins censés être adaptés aux études quartier de résidence est consumériste – satis-
locales sur l’emploi. Margirier (2004) a mon-fait ou non – quand il n’est pas vécu comme
tré que ce découpage permettait de « révéler la substantiellement provisoire, ou qu’il ne témoi-
1mobilité géographique des moins qualifiés ».gne d’un isolement social problématique.
Tout au long de l’article, les différences de Le lien fusionnel rompu, la migration est vécue
comportements migratoires entre hommes et sans enjeu fort, elle survient au gré des oppor-
femmes seront étudiées ainsi que leurs effets tunités, des contraintes et des évènements de
apparents sur les carrières respectives. En effet, la vie. De nombreux travaux montrent l’émer-
si le niveau d’éducation des jeunes femmes est gence d’un modèle de cycle de vie dans la
devenu plus élevé que celui des jeunes hommes, plupart des pays de l’OCDE. Une première
elles sont toujours confrontées à un moindre migration survient durant les études – 80 % des
rendement de leur qualifi cation sur le marché du étudiants poursuivent leurs études supérieures
dans 30 des 354 aires urbaines de France métro-
politaine – suivie d’une ou de plusieurs autres
1. C’est moins vrai aujourd’hui. Déjà en 1999, 30 % des actifs
au cours des premières années d’activité. Les résidaient hors de leur zone d’emploi (Insee).
62 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 415-416, 2008travail (Battagliola et al., 1990). Ainsi, un tiers al. (1990) ont déjà noté « qu’en suivant

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