Deux notes sur le système verbal du français - article ; n°3 ; vol.1, pg 8-18
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Description

Langages - Année 1966 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 8-18
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Jean Fourquet
Deux notes sur le système verbal du français
In: Langages, 1e année, n°3, 1966. pp. 8-18.
Citer ce document / Cite this document :
Fourquet Jean. Deux notes sur le système verbal du français. In: Langages, 1e année, n°3, 1966. pp. 8-18.
doi : 10.3406/lgge.1966.2340
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1966_num_1_3_2340J. FOURQUET
DEUX NOTES SUR LE SYSTÈME VERBAL
DU FRANÇAIS
II y a quelque témérité, de la part d'un germaniste, à vouloir
dire son mot sur le système verbal français — peut-être le plus et
le mieux expliqué du monde. Il se trouve toutefois que les assis
tants et lecteurs de français en Allemagne se recrutent parmi les
étudiants d'allemand, et que ces jeunes gens découvrent à cette
occasion la différence des systèmes verbaux. Ceci nous a amené
à faire des tableaux comparatifs, et à mettre à; l'épreuve sur le
français des démarches que nous appliquions au système verbal
allemand, et à l'étude comparée des systèmes verbaux des diverses
langues germaniques, anciennes et modernes.
Sur deux points, nous croyons possible une position du pro
blème plus systématique, comme point de départ d'une discus
sion К
CATÉGORIES VERBALES EN RAPPORT AVEC LA LIGNE DU TEMPS
Considérons les verbes de propositions indépendantes (ce terme
excluant le style indirect libre), à. Vindicatif et tentons un inven
taire des formes verbales.
Nous découvrons facilement deux symétries remarquables :
I. 0) j'ai fait; je viens de faire; je fais; je vais faire.
1) j'avais fait; je venais de faire; je faisais; j'allais faire.
II. 2) j'aurai fait; je ferai.
3) j'eus fait; je fis.
Le premier chiffre désigne le groupe, le second le type de
1. Nous avons soumis plusieurs esquisses de tels tableaux à notre collègue Gou-
genheim, à qui nous sommes très reconnaissant des avis qu'il a bien voulu nous donner. les formes de la série 1,0, sont non marqués, celles de la marque,
série 1,1 ont la marque ai-i (je venais, nous venions), de la 11,2 ont la r, celles de la série 11,3 ont les variantes
de la marque du « passé simple » (p. s.) 2.
Le fait remarquable est l'absence, au futur et au passé défini
(11,2 et 11,3) des périphrases dites de proximité; je viens de faire,
je vais faire.
La série 1,0 et la série 1,1 s'opposent par le repère temporel;
dans le premier cas, ce repère est l'acte de parole, dans le second,
c'est un point de la profondeur du temps antérieur à. cet acte, situé
dans le passé. Il manque une série correspondante, dont le point
de repère serait situé dans l'avenir, au-delà de l'acte de parole.
L'opposition des séries 11,2 et 11,3 suppose le partage du temps
par une limite placée à la hauteur de l'acte de parole. C'est une
autre opposition, de caractère temporel.
Dans l'un et l'autre cas, nous sommes dans un domaine famil
ier, celui de la division du temps par l'acte de parole, comparable
à la division entre ordonnées négatives et positives par un point
zéro. C'est l'axe du temps.
Nous proposons de représenter cette situation par le schéma
suivant (A représente le niveau de l'acte de parole dans la profon
deur du temps).
j'aurai fait; je ferai
A j'ai fait; je viens de faire; je fais; je vais faire;
j'eus fait; je fis j'avais fait; je venais de faire; je faisais;
lais faire.
Il apparaît qu'il n'y a d'opposition, toutes choses égales d'ail
leurs, qu'au passé, et, de fait, la langue littéraire a souvent joué
de cette opposition dans le roman, qui est, par nature, relation
d'événements passés (réels ou imaginaires).
Cette a été assez largement commentée pour que
nous n'ayons pas à insister longuement. Disons que le type I définit
un segment de temps qui contient le repère temporel. Dans le cas
de je travaille ce segment est rempli par le procès désigné par le
2. Nous renonçons ici à choisir un symbole pour le marquant de passé défini. 10
lexeme verbal, dans le cas de j'ai travaillé ce segment suit celui
qui était rempli par le travail :
Repère
I
je travaille 1
travail
repère
j'ai travaillé
travail
Le type II marque la coïncidence du repère temporel avec une
limite qui sépare le temps en deux, soit un événement vu de telle
façon qu'on fait abstraction de la durée, par exemple en ne consi
dérant que le résultat, soit l'une des limites d'un segment défini
par le contenu du groupe verbal :
il était duc i il fut prince
duc | prince
Nous proposons de réserver le terme d'aspect pour cette opposi
tion. C'est aussi ce qu'a fait Martin Joos, quand il a réservé le nom
d'aspect, en anglais à l'opposition du type : he works : he is wor
king. Bien entendu, ce n'est pas la même opposition, mais il y a
une famille d'oppositions qui présentent assez de ressemblances
pour qu'on les groupe sous le même nom ď 'aspect.
Ce qui caractérise le français, ce sont les deux lacunes que fait
apparaître le tableau : sur six cases obtenues en croisant trois
régions du temps avec deux aspects, deux restent vides. La pre
mière lacune, celle qui se trouve au niveau du futur, n'est pas
nécessaire. Il n'est pas impossible de concevoir un aspect « progress
if » ou « imperfectif » dans le futur; les langues slaves ont pour
exprimer cela un futur imperfectif périphrastique, et l'anglais peut
dire : « I shall be working at that time. »
Le français est obligé de recourir ici à des moyens de fortune.
On dira : « Quand vous arriverez, vous me trouverez en train de cor
riger les copies. » Une phrase telle que : « Quand vous arriverez,
je corrigerai les copies » suggérerait l'aspect ingressif (je me mettrai
à la correction) ou complexif (j'effectuerai la correction).
La seconde lacune répond, pour ainsi dire, à la « nature des
choses » : la 'question « que faites-vous? » déclenche un je travaille 11
qui ne peut signifier que « je suis en train de travailler ». Le présent
« absolu » authentique semble bien exclure par nature l'autre
aspect.
Il y a certes des exemples de présent certainement non « pro
gressif » ou « cursif » mais ici le repère temporel n'est pas le présent,
le moment de l'acte de parole. Bien au contraire, ce type de présent
ne s'emploie que là où le repère temporel est donné par le contexte
ou la situation comme autre que le moment présent. L'un est le
présent historique, qui exige un « amorçage » par quelque indication
de base temporelle passée :
Hier, qui est-ce que je rencontre?
Tétais à la chasse : un lièvre me passe entre les jambes,
je me retourne, je tire,...
L'autre est ce qu'on appelle, faute de mieux, le présent-futur :
La rentrée a lieu le 1er octobre.
On touche là à un problème de rigueur dans la distinction du
signifiant et du signifié; « présent » désigne la forme non marquée
(signifiant), non une position sur la ligne du temps, la coïncidence
avec l'acte de parole. En fait, il faudrait parler ici d'économie de
marque, par exemple, de — r — marque du futur.
Le choix entre forme marquée et forme non marquée, à base
temporelle identique (« demain je travaille », « demain je travaille
rai ») a reçu une fonction, que l'on se résignera pour l'instant à
qualifier de stylistique. L'emploi de la forme non marquée implique
des associations avec un reste de qualités du présent.
Cet état du système temps-aspect du français illustre bien
l'hétérogénéité fondamentale du temps pour l'expérience humaine :
passé irréversible, confié à la mémoire, présent directement vécu,
futur contingent, prospectif.
Ceci se traduit par des dissymétries caractéristiques, notam
ment par les lacunes que nous avons signalées. Les deux emplois
de la forme non marquée, avec repère temporel dans le passé, et
repère temporel dans le futur, ne sont pas symétriques non plus.
Restent alors les oppositions entre membres à l'intérieur des
quatre groupes que nous avons distingués comme 1,0 1,1 11,2 et
11,

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