Enquête sur la littérature mauritanienne : formes et perspectives - article ; n°1 ; vol.54, pg 188-199
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Description

Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1989 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 188-199
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 71
Langue Français
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Extrait

Georges Voisset
Enquête sur la littérature mauritanienne : formes et perspectives
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°54, 1989. pp. 188-199.
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Voisset Georges. Enquête sur la littérature mauritanienne : formes et perspectives. In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°54, 1989. pp. 188-199.
doi : 10.3406/remmm.1989.2326
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2326Georges VOISSET
ENQUÊTE SUR LA LITTÉRATURE MAURITANIENNE
Formes et perspectives
Nous sommes des mutants»
Chaab, 31.3.1989
D'UNE LITTÉRATURE MAURITANIENNE
La question théorique d'une littérature mauritanienne est évidemment commune
à tous les pays composites issus de la (dé)colonisation. Néanmoins, les populat
ions présentes sur le territoire mauritanien sont endogènes depuis assez longtemps,
et en inter-relations anciennes. Il s'en est suivi des syncrétismes culturels puis
sants, négro-berbéro-arabes. Or cette situation n'est pas le lot de certains pays comme
la Malaisie, par exemple — pour rester dans le contexte de littératures de pays
islamiques — où les traditions culturelles et artistiques de la moitié de la popula
tion ont été «importées» par le colonisateur d'horizons sans commune mesure his
torique ou religieuse. La problématique de la littérature mauritanienne n'est donc
pas tant une hétérogénéité particulièrement prononcée, que la brutalité avec laquelle
ces différentes composantes se heurtent à ce qu'il est convenu d'appeler la modernité.
La brève présentation qui suit est largement inspirée, dans sa démarche et dans
ses principes, d'un ouvrage à paraître intitulé Guide de littérature mauritanienne :
une anthologie méthodique (Idoumou O. Mhd Lemine, N. Martin-Granel et G. Vois-
set). Car si les approches linguistique, sociologique, historique, philosophique, eth
nologique (en oralité notamment) imposent à l'observateur la délimitation d'un
champ homogène, il en va de même du critique littéraire, dont la spécificité est
REM.M.M. 54, 1989/4 Enquête sur la littérature mauritanienne / 189
avant tout la littérature, et la méthode de la théorie littéraire. Théorie qui ne vit,
depuis Goethe au moins, que des contradictions apportées par l'élargissement pro
gressif de son application. Les diverses réductions de point de vue sont peut-être
un des phénomènes critiques dont souffre le plus la littérature mauritanienne qui,
en tant qu'expression artistique, ne peut se nourrir que d'universel.
Les enquêtes verticales, pour justifiées qu'elles soient dans l'optique de la recher
che, ne sauraient donc occulter la nécessité d'appréciations globales le plus objec
tives possibles, c'est-à-dire d'abord techniques1. C'est la contribution que peut
amorcer une approche horizontale, qui interpellera de manière nouvelle les for
mes et les genres du patrimoine mauritanien. On y verra au moins quatre avantages.
• 1. D'abord elle fera apparaître des lignes de fracture plus profondes que les cl
ivages linguistiques. Le «Grand Partage» entre écriture et oralité traverse égale
ment culture maure et cultures négro-africaines, nomades ou sédentaires2. Le nou
veau rapport au livre et à la rédaction transcende ainsi largement le substrat cultur
el, dans les modalités d'expression sinon dans les thèmes. On le verra à propos
de la récente nouvelle, par exemple, qui n'est plus le reflet de l'identité collective
que pouvait donner au conte la séance nocturne, et pas encore celui de l'indiv
idualisme qu'implique l'acte d'écriture solitaire.
2. Ensuite, une vision de type «poétique» permettra de proposer un premier
bilan d'un ensemble relativement important, mais encore épars, de monographies,
d'articles, de mémoires universitaires, de vues plus ou moins divergentes, et de
corriger ainsi un certain nombre d'appréciations qui, par voie d'autorité ou de facilité,
finissent par acquérir le statut d'évidences3. Horizon où se croisent tradition lyr
ique arabo-berbère et tradition narrative négro-africaine, la Mauritanie a pu se prê
ter à l'approximation méthodologique; elle doit paraître le laboratoire privilégié
de nouveaux instruments d'analyse.
3. Le troisième avantage se situe au niveau de la création contemporaine. Plus
une littérature est jeune et plus elle semble apte à s'affranchir rapidement des cadres
formels et théoriques hérités. Un certain trouble conceptuel de la critique euro
péenne devant les nouveaux modes majeurs d'expression française en Afrique et
au Maghreb, par exemple, en témoigne. Il est donc probable que l'instance crit
ique de l'institution littéraire qui est en train de se forger en Mauritanie aura à
confronter les mêmes besoins de consensus théoriques minimaux, afin de dialo
guer avec le monde.
4. Quant au dernier point à souligner ici, quitte à être un peu trop long, il est
relatif à l'originalité mauritanienne, une certaine «bigarrure» (le terme n'est pas
de Montaigne mais hassaniya : azraygaty dim. de zarga, ar. azraq, pie, bigarré).
On la trouve inscrite dans la pierre4; dans le vocabulaire de l'art : iggiw (pi. igga-
zoen, fém. tigiwit\ griot, est un terme soudano-berbêre, ainsi que tevelwit (vers/hémist
iche); dans la musique surtout, le hewl3 synthèse profonde de l'âme mauritanienne.
AL WASIT ET L'ÉCRITURE POÉTIQUE
Avec la publication au Caire en 1911 du grand «classique» de Sid Ahmed w.
Alamin (v. 1863-1913) AI wasitfi tarajimi udabaa'i shinquit, la littérature au sens
moderne du terme s'insère dans le patrimoine mauritanien sous la forme d'une
sorte d'anthologie du Trab al Bizan, rassemblant les grands noms du shi'r des Maures 190 / G. Voisset
depuis sa grande floraison du XVIIe siècle au moins. Al Wasit, en même temps,
est comme l'ultime témoignage de ce qu'était le «bagage» culturel d'un lettré éduqué
à la fin du XIXe siècle, le Siècle d'Or de la poésie mauritanienne. La classification
poétique, par tribu, du Wasit a été complétée, ré-évaluée, imitée (Hamidoun; Miské,
1970; Bah, 1971; Ennahoui; Boye, 1988) mais le «phénomène Al Wasit» reste
un acte fondateur. L'ouvrage vient de connaître en 1989 sa 4e édition (Al Khanja,
Le Caire, et Mounir, Nouakchott).
Le shi'r émerge relativement tardivement de la versification, et difficilement de
la culture religieuse, en regard par exemple de ce que l'on peut connaître des pre
mières sources littéraires zenaga (xve siècle). C'est que le milieu malékite des zawaya
est spécialement rétif à la chose récréative et profane, et intrinsèquement rigoriste :
«1-mrabet mahu saheb iggiw», dit-on (le marabout n'est pas l'ami du griot). Il en
ressort quelques tendances propres : dévalorisation des thèmes élégiaques, descriptifs
et erotiques de la qasida; prédominance du sapiential et du didactique sur la mystique
et la poésie spéculative; introduction très tardive (Bah, p. 24) de l'enseignement
de la poétique; conformisme rhétorique et jahiliste scrupuleux. Il est à signaler
qu'il en va de même dans le sud, où la littérature des cierno (marabouts) du xvme
siècle pulaar, d'abord en arabe puis en ajami (pulaar écrit en caractères arabes),
par sa propension au didactique austère, n'est sans doute pas sans orienter le lyrisme
populaire vers des sources communes au ghna maure, comme on le verra avec le
lele (ar. Leyla). C'est cependant exclusivement parmi ces marabouts qu'on trouve
tous les grands noms du shi'r «classique» : W. Razga (fin xvne-xviiie s.), Mhd
w. Muhamdi (t 1894), Mhammad w. Talba, du Tiras (t 1894), Sidna, Mhd Al
Yadali (fin XVIIIe s.), Ahmed Youra, Mhd Fall, etc. On ne s'arrêtera ici que sur
l'inspiration jahiliste de cette poésie, la Jahiliya ayant revêtu dans l'imaginaire
nomade mauritanien l'allure d'un archétype qui continue à bien des égards à influer
sur le présent :
«Le Mauritanien comme le Jahilite effectue des randonnées périlleuses à travers un
désert immense et inhospitalier, va à la reconnaissance des points d'eau inaccessibles en
compagnie d'une chamelle vigoureuse et patiente

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