Gustave Le Bon et les universitaires. Fragments de correspondances - article ; n°1 ; vol.16, pg 145-182
39 pages
Français

Gustave Le Bon et les universitaires. Fragments de correspondances - article ; n°1 ; vol.16, pg 145-182

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
39 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Mil neuf cent - Année 1998 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 145-182
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Benoît Marpeau
Gustave Le Bon et les universitaires. Fragments de
correspondances
In: Mil neuf cent, N°16, 1998. pp. 145-182.
Citer ce document / Cite this document :
Marpeau Benoît. Gustave Le Bon et les universitaires. Fragments de correspondances. In: Mil neuf cent, N°16, 1998. pp. 145-
182.
doi : 10.3406/mcm.1998.1189
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mcm_1146-1225_1998_num_16_1_1189DOCUMENTS
Gustave Le Bon et les universitaires
Fragments de correspondances
BENOIT MARPEAU
Les rapports entre l'auteur de la Psychologie des foules
(1895) et l'institution universitaire ont souvent été décrits de
manière globale et simple : l'Université a rejeté l'homme et
ses écrits. Zeev Sternhell parle de « l'hostilité de l'Univers
ité » 1 et Serge Moscovici explique : « Les portes de l'Uni
versité et même celles de l'Académie des sciences lui restèrent
obstinément closes. C'est donc en outsider, en dehors des
cercles officiels, qu'il travaille inlassablement » 2. Cette option
permet à ces auteurs, dans un même mouvement, de rendre
compte de l'oubli dans lequel serait tombé Le Bon après sa
disparition (193 1) malgré l'intérêt supposé de son œuvre, et de
faire porter l'étude exclusivement sur ses publications,
puisque l'existence de ce marginal se confondrait avec son
œuvre. La prise en considération de la correspondance de Le
Bon avec des universitaires conduit à remettre en cause cette
trop belle simplicité.
Nous présentons ici une sélection de lettres impliquant des
universitaires et extraite d'une correspondance très lacunaire
et dispersée. Le seul fonds Le Bon aisément accessible est à la
BNF. De taille réduite, il est très partiel. D'autres lettres ont
1. Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire. Les origines fran
çaises du fascisme 1885-1914, Paris, Le Seuil, 1978, nouv. éd., coll.
« Points-Histoire », 1984, p. 148.
2. Serge Moscovici, L'Age des foules, nouv. éd., Bruxelles, Éd.
Complexe, 1985, p. 76.
145 été trouvées dans les papiers de ses proches et de ses collabo
rateurs à des titres divers 3. Toutes sont conservées dans des
bibliothèques ou dépôts d'archives publiques, à l'exception de
quatre lettres très aimablement communiquées par Daniel Lan-
glois-Berthelot. Les envois retenus, qui tous concernent la
position de Le Bon dans le champ intellectuel, l'ont été en
fonction de deux critères : la mise en cause de textes publiés
ou à publier ; l'évocation de relations et d'enjeux spécifiques
au monde intellectuel. Ces extraits de correspondance sont
inédits, à l'exception de quelques fragments déjà utilisés dans
un article de la présente revue 4.
Le terme d'universitaire s'impose pour sept des neuf cor
respondants retenus : Lavisse, Sylvain Lévi, André Chevrillon,
Daniel Berthelot, Georges Renard, Bergson et Henri Des-
landres. Tous cumulent en effet un cursus classique - agrégat
ion, doctorat, grandes écoles - et des charges de recherche
et/ou d'enseignement dans des institutions officielles -
Faculté, École pratique des hautes études, Collège de France,
notamment. Deux cas sont moins évidents. Jules Héricourt a
en effet suivi des études de médecin militaire ; pourtant, sa
carrière de chercheur au laboratoire de physiologie de Charles
Richet (1850-1935), Professeur à la Faculté de médecine de
Paris et lauréat du prix Nobel en 1913 pour ses travaux de phy
siologie, permet de le rattacher au groupe universitaire. Reste
Gabriel Hanotaux. Sa carrière se joue pour l'essentiel sur le
terrain politique. Toutefois, sa formation -l'École des
Chartes- comme ses travaux historiques des années 1870-
1880 autorisent à l'inclure dans le milieu qui nous retient ici.
La diversité comme l'importance de la position des corres
pondants universitaires de Le Bon interdisent de le caractéri
ser d'emblée comme extérieur au milieu universitaire. Surtout,
ces lettres tendent à montrer la complexité des liens qu'il y
entretient.
Des échanges d'idées apparaissent. Le Bon sollicite Hano
taux sur la définition de notions - opinion et croyance - cen
trales dans le livre qu'il prépare. Encore ne reprend-t-il pas à
3. Pour une présentation plus complète des sources, cf. Benoît
Marpeau, Parcours et stratégies d'un «lettré» au tournant du
siècle: Gustave Le Bon (1841-1931), thèse dirigée par Etienne
Fouilloux, Université Lumière-Lyon-II, décembre 1997.
4. Benoît Marpeau, « Les stratégies de Gustave Le Bon », Mil
neuf cent, 9, 1991, p. 115-128.
146 son compte le point de vue de son interlocuteur. Fidèle à ses
catégories de pensée personnelles, il situe la distinction fon
damentale entre la croyance, toujours illusoire et irrationnelle,
et la connaissance. Il accorde donc, contrairement à Hanotaux,
le même statut aux deux notions de départ : « Les questions
soulevées par la genèse des opinions étant du même ordre que
celles relatives à la croyance doivent être étudiées de la même
façon. Souvent distinctes dans leurs effets, croyances et opi
nions appartiennent cependant à la même famille, alors que la
connaissance fait partie d'un monde complètement diffé
rent » 5. Le Bon semble aussi attendre d'André Chevrillon des
remarques utiles à l'achèvement de son livre de 1907 sur la
matière et l'énergie.
Mais le domaine des idées ne peut être ici isolé, sinon de
façon très artificielle. Il n'est qu'un aspect du système
d'échanges révélé par la correspondance.
Est ainsi évidente, dans les échanges avec Georges Renard,
la tension entre les convictions idéologiques et les exigences
éditoriales de Le Bon d'un côté, et de l'autre son désir de faire
entrer dans la « Bibliothèque de philosophie scientifique »,
qu'il a fondée chez Flammarion en 1902, un spécialiste
reconnu. Le projet de la collection est en effet de mettre à la
disposition du public cultivé des ouvrages de format réduit -
autour de deux cents pages au départ - proposant une synthèse
d'un domaine de la connaissance scientifique ou supposée
telle. Le modèle est d'évidence la « Bibliothèque de philoso
phie contemporaine » de Félix Alcan - ce qui suppose de faire
appel autant que possible à des spécialistes reconnus - mais
transformé pour rendre les textes plus accessibles. Le Bon,
sans l'accord duquel Flammarion ne peut faire paraître aucun
texte dans la collection, prétend veiller tout particulièrement
sur ce dernier aspect. Il y a donc une tension interne au pro
jet, entre les exigences de la vulgarisation et la garantie de
scientificité. Les échanges avec Georges Renard la rendent
éclatante. S'y ajoute une totale opposition politique entre les
deux hommes. Or, au moment où Le Bon s'adresse à Renard,
le succès du lancement de la nouvelle collection est acquis. 41
titres ont déjà été publiés, des signatures prestigieuses ont été
réunies, comme celles d'Henri Poincaré, Emile Boutroux,
5. Gustave Le Bon, Les opinions et les croyances, Paris, Flam
marion, 1911, p. 10.
147 Félix Le Dantec ou Alfred Binet. Le tirage initial moyen de
chaque titre dépasse les 3 000 exemplaires, sensiblement plus
que ceux de la collection d'Alcan. En outre, les manuscrits
affluent : 38 seront publiés au cours des années suivantes
(1909-1911). Le Bon peut donc se montrer intransigeant avec
Renard et ne s'en prive guère.
Plus largement, les enjeux de reconnaissance sont constam
ment importants. Hanotaux les évoque très explicitement. Le
Bon met plusieurs fois en avant les relations qu'il entretient
avec des universitaires connus — Théodule Ribot, Albert
Dastre - pour valoriser sa propre position. Il a organisé son
système relationnel autour de réunions régulières, dont il est
président et auxquelles il s'efforce de donner des caractères
d'institutions : un dîner mensuel lancé en 1893 - le Banquet
des XX -, complété à partir de 1902 par le Déjeuner du merc
redi. Or, on voit dans ces lettres comment Le Bon cherche à
y attirer de nouveaux membres, en mettant une sourdine à
nombre de ses con

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents