Honnêtes gens en l an IV : les mots, enjeu et reflet des luttes politiques - article ; n°1 ; vol.9, pg 167-188
24 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Honnêtes gens en l'an IV : les mots, enjeu et reflet des luttes politiques - article ; n°1 ; vol.9, pg 167-188

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
24 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mots - Année 1984 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 167-188
LES MOTS, ENJEUX ET REFLETS DES LUTTES POLITIQUES: HONNÊTES GENS EN L'AN IV (1795-1796) L'expression honnêtes gens connaît un succès sans précédent dans la presse républicaine entre l'insurrection royaliste manquée du 5 octobre 1795 et l'échec de la conspiration babouviste du 10 mai 1796. Les emplois du terme sont d'abord peu nombreux, d'horizons politiques divers et pas tous péjoratifs; ils deviennent plus abondants, plus univoques et fortement dévalorisants à mesure que s'accentue la poussée démocratique. Une polémique sur la définition du terme divise le camp républicain. Les tenants de l'orthodoxie lexicale cherchent à conserver au terme sa valeur culturelle (pluriel ď honnête homme). Au contraire, la plupart des républicains unitaires jouent de l'association établie en 1793-1794 (honnêtes gens = aristocrates), occultent les antagonismes intrarépublicains et tentent de faire du vocable l'équivalent de chouans, de contre-révolutionnaires. Pourtant, sous la pression de la faction démocratique (Babeuf et Lebois), les connotations sociales (honnêtes gens = riches) deviennent prépondérantes au printemps 1796. Dès lors, les modérés, incapables de contrôler le glissement sémantique, préfèrent abandonner le terme qui devient l'apanage des seuls patriotes prononcés.
WORDS AS STAKES AND REFLECTIONS OF THE POLITICAL FIGHTS: HONNÊTES GENS DURING FRENCH REVOLUTIONARY YEAR IV (1795-1796) Honnêtes gens finds an unprecedented success in the republican press from the royalist riot's defeat of October 5th 1795 to the unsuccessful babouvist's plot of may 10th 1796. The occurrences of the term are initially few in number, originate in various political horizons and are always pejorative; they become more abundant, more uniform and strongly devalorised, as the democratic movement gains momentum. A polemic about the definition rises and splits the republican party. The lexical orthodoxy supporters try to keep to the word the cultural sense (honnêtes gens as a plural of honnête homme. On the contrary, most of the unitary republicans play with the ambiguity established in 1793-1794, (honnêtes gens = aristocrats), conceal the intrarepublican antagonisms and try to make h.g. an equivalent of chouans or contre-révolutionnaires. However, pressed on by the democratic faction (Babeuf, Lebois) the social connotations (h.g. = the rich) become preponderant during the spring of 1796. From then on the moderates, unable to control the shift in meaning, choose to abandon the phrase which is used by true patriots exclusively.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Wartelle
Honnêtes gens en l'an IV : les mots, enjeu et reflet des luttes
politiques
In: Mots, octobre 1984, N°9. pp. 167-188.
Citer ce document / Cite this document :
Wartelle François. Honnêtes gens en l'an IV : les mots, enjeu et reflet des luttes politiques. In: Mots, octobre 1984, N°9. pp. 167-
188.
doi : 10.3406/mots.1984.1170
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1984_num_9_1_1170Résumé
LES MOTS, ENJEUX ET REFLETS DES LUTTES POLITIQUES: HONNÊTES GENS EN L'AN IV
(1795-1796) L'expression honnêtes gens connaît un succès sans précédent dans la presse républicaine
entre l'insurrection royaliste manquée du 5 octobre 1795 et l'échec de la conspiration babouviste du 10
mai 1796. Les emplois du terme sont d'abord peu nombreux, d'horizons politiques divers et pas tous
péjoratifs; ils deviennent plus abondants, plus univoques et fortement dévalorisants à mesure que
s'accentue la poussée démocratique. Une polémique sur la définition du terme divise le camp
républicain. Les tenants de l'orthodoxie lexicale cherchent à conserver au terme sa valeur culturelle
(pluriel ď honnête homme). Au contraire, la plupart des républicains unitaires jouent de l'association
établie en 1793-1794 (honnêtes gens = aristocrates), occultent les antagonismes intrarépublicains et
tentent de faire du vocable l'équivalent de chouans, de contre-révolutionnaires. Pourtant, sous la
pression de la faction démocratique (Babeuf et Lebois), les connotations sociales (honnêtes gens =
riches) deviennent prépondérantes au printemps 1796. Dès lors, les modérés, incapables de contrôler
le glissement sémantique, préfèrent abandonner le terme qui devient l'apanage des seuls patriotes
prononcés.
Abstract
WORDS AS STAKES AND REFLECTIONS OF THE POLITICAL FIGHTS: HONNÊTES GENS DURING
FRENCH REVOLUTIONARY YEAR IV (1795-1796) Honnêtes gens finds an unprecedented success in
the republican press from the royalist riot's defeat of October 5th 1795 to the unsuccessful babouvist's
plot of may 10th 1796. The occurrences of the term are initially few in number, originate in various
political horizons and are always pejorative; they become more abundant, more uniform and strongly
devalorised, as the democratic movement gains momentum. A polemic about the definition rises and
splits the republican party. The lexical orthodoxy supporters try to keep to the word the cultural sense
(honnêtes gens as a plural of honnête homme. On the contrary, most of the unitary republicans play
with the ambiguity established in 1793-1794, (honnêtes gens = aristocrats), conceal the intrarepublican
antagonisms and try to make h.g. an equivalent of chouans or contre-révolutionnaires. However,
pressed on by the democratic faction (Babeuf, Lebois) the social connotations (h.g. = the rich) become
preponderant during the spring of 1796. From then on the moderates, unable to control the shift in
meaning, choose to abandon the phrase which is used by true patriots exclusively.WARTELLE FRANÇOIS
INSTITUT D'HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
UNIVERSITÉ DE PARIS I Mots, 9, 1984
Honnêtes gens en l'an IV:
Les mots, enjeu et reflet des luttes politiques
«Nous avons insisté sur la puissance des mots, sur l'influence des
signes, sur la nécessité d'appliquer à la machine politique l'énergie de
ces puissants ressorts. » Louvet, la Sentinelle, 134, 22 ventôse an IV,
12 mars 17%, p. 539
Lors d'analyses limitées de la presse de l'an IV, nous avions remarqué l'emploi intensif
fait par certains rédacteurs du groupe honnêtes gens. Notre objectif sera donc d'expliciter
quantitativement cette première impression, puis d'analyser le champ sémantique dans lequel
s'inscrit l'usage de la lexie. Mais il n'était pas possible de s'en tenir, pour une période où la
vie politique évolue aussi rapidement, à une vue synchronique. Y avait-il ou n'y avait-il pas
évolution de la fréquence des emplois, voire du contenu sémantique? Pour des raisons de
cohérence nous avons limité notre propos en amont à vendémiaire an IV et en aval à floréal
an IV, soit une période de huit mois. Vendémiaire c'est, en amont, l'échec de l'insurrection
royaliste du 13 et, par contrecoup, la libération des patriotes qu'elle entraîne: la presse
démocratique reparaît, tandis que la presse royaliste, un court moment saisie, renaît bien vite
de ses cendres. Floréal c'est, en aval, la découverte de la conjuration des Egaux (le 21) et le
retour des persécutions contre les démocrates. Entre les deux, règne un espace de démocratie
relative et de fragile liberté de la presse, le premier depuis l'efflorescence des années
1790-1791. Royalistes, républicains modérés et patriotes prononcés se livrent, par journaux FRANÇOIS WARTELLE 168
interposés, à une conquête idéologique de l'opinion, dont l'enjeu est, à court terme,
l'orientation du nouveau pouvoir directorial, et, à moyen terme, les élections du début de
l'an V et la nature du régime.
Toutes tendances confondues, la presse républicaine propose sept grands journaux, et la
presse royaliste plus du double. Il était difficile de faire une analyse exhaustive des deux.
Nous avons donc adopté deux comportements différents.
Pour ce qui est de la presse républicaine (modérée et démocrate), grosse utilisatrice du
terme honnêtes gens, nous avons procédé de façon exhaustive pour neuf journaux (dont les
sept plus importants) l. Pour la presse royaliste, nous n'avons, en revanche, procédé que par
sondages, surtout lors des phases d'intense utilisation du groupe sémantique. Nous avons
complété ces données par les apports d'autres textes: dictionnaires, discours, chansons et
pamphlets.
HONNETES GENS : L'INCONTESTABLE SUCCÈS D'UN MOT
Pour traiter statistiquement l'ensemble «républicain», il fallait établir une base de
comparaison, qui tienne compte à la fois de la fréquence de parution du journal, de son
format, et du nombre de caractères par page. Nous avons défini un indice d'occurrence К
que nous avons calculé pour chaque publication, mois après mois:
JV Tjr — _ nombre d'occ. — -z de h. ~ g. x 12 (nb. de ~ caractères Г — j dans h.g.) •* v 1Пллпл IVA) VRA)
nb. de caractères par page x nb. de pages
1. Nous avons également consulté d'autres journaux républicains, comme le Courrier de l'égalité (Lemaire,
in 8°). Nous n'avons pas dépouillé exhaustivement Y Ami des lois, dont l'exemplaire de la Bibliothèque nationale,
tout comme celui des Archives nationales, présente des lacunes. Pour une liste des journaux républicains et
l'analyse de leur position face au Directoire, voir N. Lambrichs, La liberté de la presse en l'an IV, les journaux
républicains, Paris, PUF, 1976, p. 54-61 et 97-98, et l'article de J. Popkin, «Les journeaux républicains», Revue
d'histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1984, p. 143-157. GENS EN L'AN W 169 HONNÊTES
Au total, ce sont plus de 4600 pages qui ont été ainsi traitées, révélant 297 occurrences
du terme, soit une moyenne de 6,5 occurrences pour 100 pages. Mais la répartition de ces
emplois est très inégale selon les journaux et selon les mois (tableau 1 et graphique).
A observer les chiffres bruts, le Journal des hommes libres (JHL) et la Sentinelle
viennent assez largement en tête; Y Ami du peuple (AP), le Tribun du peuple (TP) et le
Journal des patriotes de 89 (JP 89) constituent un groupe moyen ; Y Orateur plébéien (OP),
YEclaireur du peuple (EP) et Y Anti-Royaliste (AR) n'obtiennent que des résultats négli
geables. Mais l'étude des indices d'occurrence montre un renversement des hiérarchies des
deux premiers groupes. Le Tribun du peuple, puis Y Ami du peuple, enfin le Journal des
hommes Libres arrivent assez loin devant, chacun devançant son successeur dans un rapport
de deux à un.
Pour qui a lu la presse de l'an IV, il y a dans cette seconde constatation un reflet exact
des nuances politiques des républicains. \J Orateur plébéien et la Sentinelle, journaux soutenus
par le Directoire, sont parmi les moins prolixes en honnêtes gens ; tandis que Y Ami du peuple
de Lebois, dont les choix démocratiques s'affirment dès frimaire, précède largement le
Journal des hommes libres. Ce dernier, moins résolu, se fait l'écho à la fois des thèses
conciliatrices entre modérés et patriotes prononcés (donc favorabl

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents