Informatique, organisation du travail et interactions sociales
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Les liens de complémentarité entre usage de l'informatique et pratiques organisationnelles innovantes, d'une part, et les principes de sélection qui sous-tendent leur diffusion au niveau des postes de travail, d'autre part, doivent être analysés dans un cadre unifié. Les principes communs de sélection dans l'attribution de l'informatique et le design organisationnel du poste de travail renvoient au choix de la configuration du réseau d'interactions sociales au sein de la firme. Cette structure sociale d'interaction est analysée en référence au concept de capital social (capital humain auquel un individu peut accéder lorsqu'il interagit avec d'autres). Ne pouvant directement le mesurer, nous supposons qu'il joue un rôle lorsque les appartenances catégorielles du salarié ou la composition socio-démographique de la main-d'oeuvre de l'entreprise influencent la modernisation des postes de travail. On distingue alors dans la complémentarité entre technologie et organisation ce qui relève d'une pure coordination des choix dans ces deux dimensions de ce qui relève de la sélection des salariés. Les tests menés à partir du volet « salariés » de l'enquête Changements Organisationnels et l'Informatisation de 1997 permettent de vérifier deux propositions. Tout d'abord, le capital social des salariés favorise leur accès aux ordinateurs et plus généralement aux technologies de l'information et de la communication (TIC) et aux postes de travail dont les caractéristiques productives et informationnelles sont innovantes. Ensuite, les liens de complémentarité que l'on mesure sur le poste de travail entre usage des TIC et caractéristiques organisationnelles innovantes s'expliquent en partie par ce principe commun de sélection par le capital social dans la modernisation technologique et organisationnelle, en particulier pour les caractéristiques organisationnelles innovantes qui intègrent une dimension relationnelle et pour les postes de travail occupés par les salariés peu qualifiés.

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Langue Français

Extrait

TRAVAIL-EMPLOI
Informatique, organisation du travail
et interactions sociales
Nathalie Greenan et Emmanuelle Walkowiak*
Les liens de complémentarité entre usage de l’informatique et pratiques organisation-
nelles innovantes, d’une part, et les principes de sélection qui sous-tendent leur diffu-
sion au niveau des postes de travail, d’autre part, doivent être analysés dans un cadre
unifi é. Les principes communs de sélection dans l’attribution de l’informatique et le
design organisationnel du poste de travail renvoient au choix de la confi guration du
réseau d’interactions sociales au sein de la fi rme. Cette structure sociale d’interac-
tion est analysée en référence au concept de capital social (capital humain auquel un
individu peut accéder lorsqu’il interagit avec d’autres). Ne pouvant directement le
mesurer, nous supposons qu’il joue un rôle lorsque les appartenances catégorielles
du salarié ou la composition socio-démographique de la main-d’œuvre de l’entreprise
infl uencent la modernisation des postes de travail. On distingue alors dans la complé-
mentarité entre technologie et organisation ce qui relève d’une pure coordination des
choix dans ces deux dimensions de ce qui relève de la sélection des salariés. Les tests
menés à partir du volet « salariés » de l’enquête Changements Organisationnels et
l’Informatisation de 1997 permettent de vérifi er deux propositions. Tout d’abord, le
capital social des salariés favorise leur accès aux ordinateurs et plus généralement aux
technologies de l’information et de la communication (TIC) et aux postes de travail
dont les caractéristiques productives et informationnelles sont innovantes. Ensuite, les
liens de complémentarité que l’on mesure sur le poste de travail entre usage des TIC
et caractéristiques organisationnelles innovantes s’expliquent en partie par ce prin-
cipe commun de sélection par le capital social dans la modernisation technologique et
organisationnelle, en particulier pour les caractéristiques organisationnelles innovan-
tes qui intègrent une dimension relationnelle et pour les postes de travail occupés par
les salariés peu qualifi és.
* Nathalie Greenan travaille au Centre d’Études de l’Emploi, nathalie.greenan@mail.enpc.fr., et Emmanuelle Walkowiak
au Laboratoire d’Économie d’Orléans-Université d’Orléans et au Centre d’Études de l’Emploi, emmanuelle.walkowiak@
univ-orleans.fr.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fi n d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 387, 2005 35epuis deux décennies, l’adoption massive identifi er les éléments communs qui génèrent Det transversale des technologies de l’infor- une sélection dans l’attribution de l’informati-
mation et de la communication (TIC) et de pro- que et de postes de travail aux caractéristiques
fondes réorganisations du travail transforment organisationnelles innovantes. Cette logique
le paysage des entreprises industrielles. Les TIC commune joue comme un facteur caché, latent,
sont des technologies génériques qui touchent à qui génère une corrélation entre caractéristiques
la communication, affectent la coordination au techniques et organisationnelles des postes de
sein de la fi rme et répondent à une logique de travail. Nous allons montrer que cette compo-
rationalisation de la production des connaissan- sante de la corrélation est produite par le réseau
ces. Les réorganisations d’entreprise découlent des relations sociales au sein de l’entreprise
de la mise en place de démarches de qualité et plutôt que par des facteurs purement techniques
de pratiques telles les fl ux tendus, les équipes et nous l’interpréterons en faisant référence au
de projet, l’externalisation ou encore le reinge- rôle du « capital social » des individus dans les
neering. L’ampleur, la durée et la persistance de contextes de changements techniques et orga-
la diffusion de ces pratiques conduisent à les nisationnels. Ce cadre d’analyse nous permet
considérer comme de véritables changements de formuler des propositions que nous testons
structurels au sein des organisations (Osterman, empiriquement sur un échantillon de 4 067 sala-
2000). Ces nouvelles pratiques favoriseraient le riés stables (ayant au moins un an d’ancienneté)
développement de logiques de travail plus hori- rattachés à des entreprises manufacturières de
zontales où la prise de décision serait décentra- cinquante salariés et plus. Cet échantillon est issu
lisée, où le salarié deviendrait plus autonome, du dispositif d’enquêtes couplées employeurs/
polyvalent et polycompétent et où les dynami- salariés sur les Changements Organisationnels
ques collectives seraient privilégiées. et l’Informatisation (COI) réalisées en 1997
par la Dares (volet « salariés »), le Sessi et le
SCEES (volet « entreprises »), apparié avec les Comment ces changements dans le domaine
données de déclaration annuelle de données de la technologie et de l’organisation du travail
sociales (DADS) (cf. encadré 1).s’articulent-ils ? Les observations réalisées par
les économistes tendent à montrer que l’infor-
matisation serait complémentaire de ces modes
de coordination plus horizontaux. Il serait plus
Les relations entre effi cace pour les entreprises d’adopter conjointe-
ment, plutôt que séparément, les TIC et les nou- informatisation et organisation :
velles pratiques organisationnelles (Milgrom et un cadre d’analyse
Roberts, 1990). D’un autre côté, les travaux qui
s’intéressent aux usages de l’informatique dans
es relations entre informatisation et organi-l’entreprise soulignent la logique verticale à l’œu- Lsation des entreprises ont fait l’objet de tra-vre dans l’attribution des ordinateurs aux salariés.
vaux abondants depuis la fi n des années 1990. Les responsables hiérarchiques sont les premiers
Dans les travaux de micro-économie, l’idée équipés (Gollac et Kramarz, 2000). Le fait d’être
d’une complémentarité entre les deux domine équipé est le produit d’effets de sélection impor-
aujourd’hui la littérature. L’approche sociologi-tants qui renvoient aux modalités de différencia-
que privilégie quant à elle l’analyse des déter-tion des salariés par les fi rmes. L’informatique
minismes sociaux à l’œuvre dans l’attribution n’est donc pas attribuée de manière aléatoire au
des ordinateurs et des postes de travail dotés de sein des entreprises. Des effets de sélection simi-
caractéristiques organisationnelles innovantes. laires s’observent pour certaines caractéristiques
Dans ce travail, nous allons tenter de concilier innovantes de l’organisation du poste de travail
ces deux approches en explorant l’hypothèse (de Conninck, 1991).
selon laquelle le « capital social » est un fac-
teur caché derrière les choix de l’entreprise en Comment la logique verticale à l’œuvre dans
matière d’équipement informatique et de réor-la sélection des utilisateurs de technologie se
ganisation.conjugue-t-elle à la logique horizontale qui
semble animer la coordination des choix tech-
nologiques et organisationnels des entreprises ?
Un cadre théorique pour analyser les liens L’objet de cet article est de proposer un cadre
entre informatique et organisationunifi é d’analyse des liens entre informatique et
organisation du travail et des principes de sélec-
tion qui sous-tendent leur diffusion au niveau du Selon Milgrom et Roberts (1990), deux activi-
poste de travail. Plus précisément, nous allons tés productives ou pratiques d’entreprise sont
36 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 387, 2005complémentaires si développer l’une accroît le dénommée « CORR ». La seconde consiste à
rendement de l’autre. Dès lors, les choix que estimer, dans une fonction de production, les
l’entreprise réalise dans ces deux domaines paramètres associés à des termes d’interac-
doivent être coordonnés. Dans une fonction de tion entre variables technologiques et organi-
production classique, l’entreprise choisit essen- sationnelles. On parle d’approche « PROD ».
t

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