Interactions, discours, significations - article ; n°1 ; vol.74, pg 29-50
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Description

Langue française - Année 1987 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 29-50
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Jean-Paul Bronckart
Interactions, discours, significations
In: Langue française. N°74, 1987. pp. 29-50.
Citer ce document / Cite this document :
Bronckart Jean-Paul. Interactions, discours, significations. In: Langue française. N°74, 1987. pp. 29-50.
doi : 10.3406/lfr.1987.6434
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1987_num_74_1_6434Jean-Paul Bronckart
Université de Genève
INTERACTIONS, DISCOURS, SIGNIFICATIONS
« Pour certaines personnes, la langue, ramenée à son principe essent
iel, est une nomenclature, c'est-à-dire une liste de termes corres
pondant à autant de choses (...). Cette conception est criticable à
bien des égards. Elle suppose des idées toutes faites préexistant aux
mots (..et..), elle laisse supposer que le lien qui unit un nom à une
chose est une opération toute simple, ce qui est loin d'être vrai »
(CLG, p. 97).
La critique, qu'en son temps F. de Saussure adressait à la conception
profane du sens, est certes bien connue; elle a été si fréquemment refor
mulée qu'elle en paraît banale : les significations langagières ne procèdent
pas d'un rapport simple et direct entre choses et mots, et il y a lieu — à
tout le moins — de distinguer un sens premier (littéral ou dénotatif),
appréhendable « en langue », d'un sens second ou effectif, lié aux condi
tions du fonctionnement extralangagier. C'est cette conception plus
complexe de la signification que développent notamment, avec des for
tunes diverses, la pragmatique linguistique et différents courants de
recherche axés sur renonciation, le contexte et les conditions d'emploi.
Et pourtant! A consulter attentivement certains travaux contemporains,
qu'ils émanent de linguistes (cf. Katz & Postal, 1964; Van Dijk, 1983),
de psychologues (cf. la plupart des travaux centrés sur la structure de la
mémoire), ou encore de spécialistes de l'analyse de contenu, on peut
douter que la critique saussurienne ait vraiment été entendue; tout semble
se passer en effet comme si les items verbaux constituaient d'abord et
essentiellement des « étiquettes » apposées conventionnellement sur des
« faits » ou des « images préexistantes » et, dans la plupart des cas, le rôle
des facteurs extralangagiers apparaît comme secondaire, quand il n'est
pas simplement nié.
Pour dépasser cette contradiction entre affirmations théoriques sur
le sens et pratiques de recherche, nous tenterons de démontrer, dans ce
qui suit, que l'analyse du fonctionnement discursif (cf. Bronckart et al.,
29 Le fonctionnement des discours — ci-après FdD) constitue l'une des voies
d'approche possibles d'une conception de la signification qui intègre
l'usage et les facteurs extralangagiers. L'usage est le produit de l'action,
et verbal est plus particulièrement le produit d'interactions lan
gagières; ces interactions se concrétisent en discours de divers types, et
c'est dans le cadre du fonctionnement de chaque type de discours que se
réalise l'articulation subtile entre paramètres de la communie-action et
paramètres de la référentialisation dotant chaque unité linguistique de
sa signification. Avant de nous essayer à cette formulation des relations
entre interactions, discours et significations, il nous paraît indispensable
de reprendre l'examen des causes de l'impasse d'une analyse de la signi
fication qui ne s'intégrerait pas à une analyse des discours.
I. De l'essence à l'usage : l'impossible sémiotique
Les fondateurs de la pensée occidentale débattaient avec passion du
statut des mots et de leur signification; aux essentialistes (Cratyle : il
existe une dénomination juste pour chacun des êtres) s'opposaient les
conventionnalistes (Démocrite : une même réalité, on peut utiliser
des mots différents, pour un même événement, des propositions de struc
tures différentes); aux partisans de l'intercompréhension (Antisthène : il
est impossible de « contre-dire » parce qu'il existe une harmonie prééta
blie entre objets et discours portés sur ces objets) ceux de l'incommun
icabilité et du scepticisme (Socrate : on ne peut être sûr que du caractère
incertain du sens des mots); aux tenants de la diversité, les promoteurs
d'une langue idéale, etc. Débats et analyses d'une richesse insoupçonnable,
catalyseurs d'enjeux sociaux et politiques décisifs; la position conven-
tionnaliste, le scepticisme (et l'ironie qu'ils engendraient) allaient rap
idement être ressentis comme dangereux pour l'ordre public naissant
(Parménide : s'il est conventionnel, le langage pourra propager des idées
fausses!) et allaient appeler un discours d'ordre, d'unification et de paci
fication. Ce fut le « Cratyle », synthèse habile du conventionnalisme (les
groupes humains ont des mots qui leur sont propres) et de l'essentialisme
(ces mots sont néanmoins choisis parce qu'ils sont adaptés à ce qu'ils
désignent), puis la conception aristotélicienne du langage comme image
organisée (mots et propositions) d'un réel lui-même ordonné et comme
instrument efficace de communication (les mots ont un sens — et un seul
— que chacun peut reconnaître). Relayée et banalisée par la scolastique,
périodiquement adaptée aux changements culturels et scientifiques (Port-
Royal, Chomsky), cette conception a résisté victorieusement à toutes les
formes de scepticisme sémantique, et c'est elle qui est restée en vigueur
dans la pensée profane comme dans la pensée scientifique, malgré les
contestations et les remises en cause périodiques.
Tout entière consacrée à la reformulation puis au dépassement de
cette perspective traditionnelle (que nous qualifierons parfois, à la suite
de de Mauro, 1969, d'« aristotélisme linguistique »), l'œuvre de Witt
genstein nous servira, tout naturellement, de fil conducteur. Premier (et
30 peut-être le seul) philosophe contemporain, Wittgenstein est un bavard
qui ne dit rien, qui va, qui vient, revient, se trompe, se contredit, avec
une exigence et une lucidité irritantes, et qui, malgré la multitude
d'exemples qu'il assène, finit par convaincre par le seul langage de sa
propre démarche. Convaincre de ce que les chemins battus et rebattus
sont sans issue, et qu'il faut aller chercher ailleurs, autrement. D'une
manière inévitablement simpliste et conventionnelle, nous distinguerons
trois étapes dans ce parcours qui condense l'essentiel des propositions
sémiologiques : la sémiotique de l'image, la sémiotique du système et la
sémiotique éclatée.
A. La sémiotique de l'image
« Peut-être est-ce le mérite du Tractatus d'avoir tracé de la façon la
plus éclatante, parce que la plus dense et la plus abrupte, ce schéma que
(...) nous sommes contraints de suivre dès que nous entreprenons de
l » (Hottois, 1976, chercher la Vérité dans (ou du) le langage (pensée)
p. 55).
Dans une perspective proche de celle de Saussure (qui désespérait
« d'écrire seulement dix lignes ayant le sens commun en matière de faits
du langage »), Wittgenstein se propose, dans son premier ouvrage (le
Tractatus, ci-après T.), de définir les conditions nécessaires « à priori »
de tout langage. Partant de l'observation des productions concrètes et
triviales (le « langage ordinaire »), il tente de définir l'ordre sur lequel
elles reposent, malgré leur désordre apparent, leur incomplétude et leur
grossièreté. Les thèses qu'il développe peuvent être résumées de la manière
suivante.
1. Le monde existe en dehors de la langue, il est le produit d'une
combinaison structurée défaits (cf. T., 1.1.), ces faits eux-mêmes étant
le résultat d'une combinaison ďobjets.
2. Le langage est constitué de propositions, ou plus exactement de
combinaisons de propositions élémentaires. Chaque proposition élément
aire est elle-même une connexion de noms.
3. Le nom constitue l'unité ultime et inanalysable de la langue (c'est
un «signe primitif»). Il possède une référence (« Bedeutung »), c'est-à-
dire qu'il renvoie à un objet du monde qui est la condition même de
son existence. Il ne prend toutefois son sens que dans le cadre de la
proposition.
4. La p

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