Jérôme Carcopino, du triomphe à la roche Tarpéienne - article ; n°1 ; vol.58, pg 70-82
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1998 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 70-82
Jérôme Carcopino, from Triumph to the Tarpeian Rock, Stéphanie Corcy-Debray.
From the Sorbonne to Vichy, in passing by l'École française de Rome and the management of the École Normale Supérieure, Jérôme Carcopino's itinerary is that of an ambitious historian attracted by power. In February 1941, backed by a brilliant international career and a solid network beyond academia then at the height of its reputation, he was called to a national role. He brought to the Vichy regime the whole weight of his experience of the world of education and especially its renown. The ministry provided him with a national tribune and the possibility of implementing his elitist and sectarian educational conceptions. In April 1942, wounded and deposed, he left the public scene and underwent the supreme humiliation of being judged for national indignity at the Liberation.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 111
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Stéphanie Corcy-Debray
Jérôme Carcopino, du triomphe à la roche Tarpéienne
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°58, avril-juin 1998. pp. 70-82.
Abstract
Jérôme Carcopino, from Triumph to the Tarpeian Rock, Stéphanie Corcy-Debray.
From the Sorbonne to Vichy, in passing by l'École française de Rome and the management of the École Normale Supérieure,
Jérôme Carcopino's itinerary is that of an ambitious historian attracted by power. In February 1941, backed by a brilliant
international career and a solid network beyond academia then at the height of its reputation, he was called to a national role. He
brought to the Vichy regime the whole weight of his experience of the world of education and especially its renown. The ministry
provided him with a national tribune and the possibility of implementing his elitist and sectarian educational conceptions. In April
1942, wounded and deposed, he left the public scene and underwent the supreme humiliation of being judged for national
indignity at the Liberation.
Citer ce document / Cite this document :
Corcy-Debray Stéphanie. Jérôme Carcopino, du triomphe à la roche Tarpéienne. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°58,
avril-juin 1998. pp. 70-82.
doi : 10.3406/xxs.1998.3745
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1998_num_58_1_3745JEROME CARCOPINO
DU TRIOMPHE À LA ROCHE TARPEIENNE
Stéphanie Corcy-Debray
Comment un eminent professeur à la corps universitaire, au monde de l'ense
Sorbonne, romaniste de renommée ignement supérieur, conditionne en partie
internationale, a-t-il-pu passer, en quel son comportement. À travers Jérôme Car
ques mois, du rang de ministre à celui copino, les préjugés intrinsèques à la
d'inculpé d'intelligence avec l'ennemi ? confraternité universitaire renforcent l'idéo
Un itinéraire intellectuel, du triomphe logie du régime. Au contraire de l'image
à la chute. d'Épinal de l'intellectuel, Carcopino, par ses
liens essentiels avec l'Université, ne repré
sente pas la liberté vis-à-vis du pouvoir. En février 1941, porté par une carrière
brillante et un solide réseau de rela Son passage à Vichy illustre plutôt la
conjonction entre une idéologie intellections dépassant le monde universit
tuelle élitiste et une politique aire, Jérôme Carcopino, alors à l'apogée
maurrassienne . de sa renommée, est appelé à un destin
De la Sorbonne à Vichy, l'itinéraire de national. Il apporte au régime de Vichy
Jérôme Carcopino est celui d'un ambitieux tout le poids de son expérience du monde
attiré par le pouvoir. En février 1941, à de l'éducation et surtout de sa notoriété.
Vichy, l'intermède Flandin s'achève. Le En avril 1942, blessé et déchu, il quitte la
10 février, Darlan, déjà ministre de la scène publique et subit, à la Libération,
Marine et vice-président du Conseil, prend l'humiliation suprême d'être jugé pour indi
les Affaires étrangères et l'Information, puis gnité nationale.
le ministère de l'Intérieur le 17. Un nouveau
gouvernement est constitué, composé de O 1941, UN DESTIN NATIONAL
quinze secrétaires d'État dont cinq ont rang
Savant et homme de science, et prérogatives de ministres : Darlan,
Jérôme Carcopino a jusqu'en 1941, consa Huntziger à la Guerre, Barthélémy à la Just
cré sa vie à l'activité intellectuelle au sein ice, Bouthillier à l'Économie nationale et
de l'Université. Sa qualité d'universitaire, aux Finances et Caziot à l'Agriculture. Les
dans une conjoncture aussi troublée, donne autres secrétaires d'État sont rattachés à des
ministères de tutelle : le secrétariat d'État un poids différent à son engagement poli
tique, parce que la fonction universitaire à l'Éducation nationale et à la Jeunesse de
procure des moyens d'influence importants, Jérôme Carcopino dépend ainsi du minist
ère de la Guerre. Carcopino entre au gou- mais surtout parce que l'appartenance au
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vernement à un moment difficile pour siégeait au jury. Carcopino saisit au vol la
Vichy. Flandin n'a pas réussi à rétablir des nouvelle de la nomination de cet ancien
relations de confiance avec l'Allemagne. Le normalien, le 12 juillet 1940, pour le féliciter
choix de Darlan est une sorte de compro aussitôt et se rappeler à son bon souvenir,
mis entre le gouvernement français et alors qu'il se retrouve isolé dans sa propriété
l'ambassade d'Allemagne. Le processus de de la Ferté-sur-Aube occupée par des offi
collaboration d'État avec l'Allemagne est ciers SS, et sans emploi après la fermeture
déjà bien engagé. Dans son souci d'appli de l'École de Rome : « Sans m'en douter,
quer efficacement les principes de la Révol tant la chose m'avait paru naturelle, je
ution nationale, le Maréchal préfère venais de me livrer à une initiative redout
s'entourer de spécialistes, qu'il juge plus à able. Car c'est d'elle qu'a procédé, avec
même que les politiques de gérer les affai une rigoureuse logique, la suite des mutat
res publiques. À Vichy, ceux qu'on appelle ions qui devaient m'amener de l'École de
les techniciens entrent donc nombreux au Rome à la direction de l'École normale, de
gouvernement, et Carcopino prend la suite celle-ci à la gérance provisoire de l'Acadé
des universitaires choisis pour assumer la mie et de l'Université de Paris, et, enfin,
charge de l'éducation nationale et de la de ce rectorat intérimaire au secrétariat
jeunesse. d'État à l'Éducation nationale»1.
Mais Jérôme Carcopino n'est pas choisi En réalité, Jérôme Carcopino convoite
en raison de ses seules compétences tech déjà la direction de l'École normale supér
niques, qui d'ailleurs ressortissent au ieure. La guerre l'a en effet obligé à fermer
domaine de la recherche et de l'enseigne l'École de Rome, dont la prestigieuse direc
ment. Après Mireaux, Ripert et Chevalier, tion ne peut être comparée à la chaire de
sa nomination fait de lui le quatrième minist la Sorbonne, qu'il doit normalement retrou
re de l'Éducation nationale de l'État français ver à la rentrée universitaire. À deux repri
en sept mois. Contrairement à ses prédé ses, lors de la mise à la retraite de Lanson
cesseurs, sa présence au gouvernement est en août 1927 et à la mort de Célestin Bou-
durable, puisqu'il y reste quatorze mois. glé en janvier 1940, Carcopino est pressenti
Jérôme Carcopino n'est pas un inconnu à pour ce poste ; mais l'École française de
Vichy: ses liens avec le maréchal Pétain Rome est plus attrayante. Il sait que la
sont relativement anciens. Ils se rencontrent nomination de Georges Bruhat à la direc
en effet en 1934 au «déjeuner Hervieu», tion vacante de l'ENS est une mesure pro
une table mondaine et politique, de droite, visoire, et qu'il est le candidat le mieux
présidée par Pétain depuis l'assassinat de placé pour y postuler. Il suffit de se rap
Louis Barthou. Cette rencontre intervient au peler au souvenir du nouveau ministre, qui
moment où Pétain est perçu par les repré selon l'usage, peut relancer les délibéra
sentants des forces politiques de droite tions de l'Université de Paris. Officielle
ment, Carcopino répugne à rejoindre la Sorcomme le garant des valeurs traditionnelles.
Elle fortifie l'admiration, née pendant la bonne, pour éviter à Piganiol un retour
dans la chaire qu'il possédait, et un départ Grande Guerre, de Carcopino à son égard.
Dans le cénacle du déjeuner Hervieu, il de son suppléant vers sa faculté d'origine,
croise Léon Bérard, membre du cercle Fus- par effet de ricochet2. Sa nomination lui
est aussitôt proposée par Mireaux, le tel de Coulanges, dont les sympathisants
26 juillet 1940. Fin stratège, Carcopino sont nombreux à Vichy. De même, Carco
pino connaît personnellement Mireaux,
ministre de l'Éducation nationale de Vichy.
1. Jérôme Carcopino, Souvenirs de sept ans, Paris, FlammarMireaux est un archicube, reçu à l'agréga ion, 1953, p. 151.
2. Jérôme de sept ans, op. cil., p. 178. tion d'histoire

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