Jeunesses maréchaliste et collaborationniste dans la France de Vichy - article ; n°1 ; vol.74, pg 29-36
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Description

Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2004 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 29-36
Pour Pétain, la défaite de 1940 devait être perçue comme la chance d’un redressement national. Le régime désigne celle qui incarne la relève dans la France de Vichy, nouvelle élite d’une Révolution nationale: la jeunesse. Jugée vierge de toute responsabilité, elle est enjeu et instrument de la politique à l’oeuvre à Vichy. Objet de l’attention et de tous les efforts du pouvoir, mais aussi de l’Église catholique qui voit en elle les croisés de Dieu envoyés en terre de mission, la jeunesse est aussi courtisée par les organisations collaborationnistes pour qui elle doit être le fer de lance d’une fascisation de la société. La question des jeunes est âprement disputée entre les différents «vainqueurs de la défaite» et ne fait pas l’objet de la même perception ni ne répond aux mêmes conceptions selon qu’on se situe du côté des tenants de la Révolution nationale, de la hiérarchie catholique ou des hérauts du collaborationnisme. La place et le rôle dévolus aux jeunes au sein de la société française sont en effet beaucoup plus variables que ne le laisserait croire une certaine identité de discours.
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

P
récipitée dans les tempêtes d’une défaite militaire
dramatique et déboussolée par une débandade politique
et institutionnelle sans précédent, la France de 1940, par
la voix de ses parlementaires réunis en Assemblée natio-
nale au casino de Vichy, s’est donnée sans coup férir au
maréchal Pétain le 10 juillet. Investi des pleins pouvoirs,
le chef du nouvel « État français », avant même de mettre
en oeuvre les grandes orientations de « l’ordre nouveau »,
va d’emblée chercher à répondre au désarroi moral des
Français en déclinant une série d’explications au
désastre
1
et en livrant à la vindicte collective les respon-
sables de l’affaissement du pays. Dès lors et jusqu’à la
chute de Vichy, l’opinion, jugée turbide, sera systémati-
quement soumise à une propagande d’État culpabilisa-
trice et vindicative minutieusement réglée. La défaite
devait être perçue comme la chance historique d’un
redressement national scandé par la promotion du tra-
vail, de la famille et de la patrie.
À côté de ces fauteurs de guerre perdue et de déca-
dence morale, le régime allait s’atteler à désigner ceux
qui devaient désormais incarner la relève dans la France
de Vichy. Ces nouvelles élites d’une Révolution nationa-
le pérennisée ne pourraient être qu’issues de la jeunes-
se jugée vierge de toute responsabilité dans la défaite,
nettement plus réceptive que ses devanciers au discours
pétainiste et dépositaire d’un avenir tracé par les nou-
veaux dirigeants
2
. Tout à la fois enjeu et instrument de
la politique à l’oeuvre à Vichy, la jeunesse va dans son
ensemble faire l’objet de l’attention et de tous les efforts
du pouvoir mais aussi de l’Église catholique qui voit en
elle les croisés de Dieu envoyés en terre de mission
dans une France à rechristianiser. La jeunesse sera tout
aussi courtisée par les organisations collaborationnistes
pour qui elle doit être le fer de lance d’une fascisation
de la société française à l’instar des
Ballila
italiennes ou
de la
Hitlerjugend
allemande. La question des jeunes
est donc âprement disputée entre les différents « vain-
queurs de la défaite ». En outre, elle ne fait pas l’objet
de la même perception ni ne répond aux mêmes
conceptions selon qu’on se situe du côté des tenants de
la Révolution nationale, de la hiérarchie catholique ou
des hérauts du collaborationnisme. La place et le rôle
dévolus aux jeunes au sein de la société française sont
en effet beaucoup plus variables que ne le laisserait
croire une certaine identité de discours.
Certes, la jeunesse doit, à Vichy comme à Paris, se
pénétrer d’un certain nombre de valeurs morales, se
pétrir de la culture du chef, obéir à une rigoureuse for-
mation physique, s’accommoder d’une hygiène de vie et
de canons de virilité extrêmement stricts, bref, donner
naissance à l’homme nouveau qu’en choeur, vichystes et
collaborationnistes appellent de leurs voeux. Pour
autant, l’encadrement n’est pas l’embrigadement et jeu-
nesse unie ne signifie pas jeunesse unique. Il faut ainsi
discriminer l’émergence, à tout le moins dans les esprits,
d’une jeunesse maréchaliste et d’une jeunesse collabo-
rationniste. Celles-ci sont évidemment dissemblables par
la forme comme la signification de leur organisation.
Elles se distinguent également par la nature comme la
finalité de leur engagement ou par le degré de leur impli-
cation comme force collective dans la vie politique et
sociale durant l’Occupation.
Un enjeu
diversement apprécié
Le pouvoir pétainiste prend d’emblée à bras le
corps le problème de la jeunesse. Il est l’un des aspects
fondamentaux de la mise en oeuvre de la Révolution
nationale. Cette dernière, que l’on pourrait à tout
prendre qualifier de « Contre-Révolution » nationale,
masque difficilement une hétérogénéité doctrinale qui
puise principalement aux sources idéologiques du
maurrassisme et du catholicisme auxquels s’agrège le
1
. La défaite de la France
n’était que «
le reflet, sur
le plan militaire, des
faiblesses et des tares
de l’ancien régime
politique
»,
in
Philippe Pétain,
Discours aux Français
17 juin 1940-20 août 1944
,
édition établie par
Jean-Claude Barbas, Paris,
Albin Michel, 1989,
message du
10 octobre 1940, p. 86.
2
. Toute réflexion sur la
jeunesse, invite à la
penser comme objet
historique. Sa délimitation
ne va pas de soi et varie
selon les pierres de
touche. Regardée ici en
terme d’engagement
politique, la jeunesse ne
sera pas étudiée du point
de vue de l’enfance. En
outre, être jeune, c’est
exister sous le regard du
reste de la société ou, le
cas échéant, des pouvoirs
publics, se conformer à la
représentation qu’ils s’en
font ou, au contraire,
s’en éloigner.
Il y a donc, tout à la fois,
un « être jeune » vécu par
le jeune lui-même et un
« devoir être » jeune
élaboré par l’autorité
parentale, sociale ou
politique et souvent
perceptible à travers la
répression, comme l’a
démontré Michel
Foucault. Il y a enfin
un « devenir » de la
jeunesse qui s’apparente
à une « jeunesse-
événement » où sont
à l’oeuvre un certain
nombre de processus
de socialisation, dont
l’engagement, supposé
extirper le jeune de sa
condition pour le
conduire à l’âge adulte.
Jeunesses maréchaliste
et collaborationniste
Jérôme COTILLON
J
ÉRÔME
COTILLON
est doctorant à l’IEP
de Paris et ATER en
histoire contemporaine à l’Université Paris III-Sorbonne nouvelle.
d
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n
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F
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V
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