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sieurs reprises, à engager des comman-dos iraniens sur le sol irakien, au grand dam du gouvernement irakien. Autant d’actions qui, simultanément menées, contribuent aussi à asseoir l’Iran dans la région. Conscient de son rôle d’in-fluence, l’Iran n’en écarte pas moins l’éventualité d’opérations militaires menées à son encontre par les pays occi-dentaux. D’où la signature et ratification d’un accord de coopération stratégique avec la Syrie et qui s’est notamment tra-duit, au mois de juin dernier, par l’activa-tion de deux– sur les quatre prévues – stations d’écoutes et de renseignement
électronique, fruitsd’une collaboration avec les techniciens russes. Des stations de renseignement (et de guerre électro-nique ?) qui relèvent d’un personnel trié sur le volet et tenu par les clauses de confidentialité et de régime de discrétion extrême, en lien étroit avec les services secrets et l’entourage immédiat de Bachar El-Assad. Bien qu’évidemment, nous soyons dans l’impossibilité de prévoir les évènements exacts qui surviendront à plus ou moins long terme, il est néanmoins incontes-table que la conjoncture est imprégnée de la solide – et patiente mise en place –
J e a n - F r a n ç o i sD a g u z a n *A A4 9
Cet événement marque la victoire indubi-table (et espérons le provisoire) du clan de l’islamisme radical révo-L e s7 re n d e z - v o u s lutionnaire. 62Cet acte chanceux s’est imposé comme un moment symbolique majeur. Pour la pre-mière fois, un groupe non étatique s’atta-quait avec le succès que l’on sait au cœur de l’empire américain. Quel que soient les défaites considérables et les coups portés à Al Qaida, aucune n’a pour l’instant effacé la force de cet instant. Al Qaida (ou ce qu’elle est censé représenter) est, pour les dizaines de milliers de ses partisans le groupe arabo-musulman qui a rétabli l’équilibre stratégique avec les Etats-Unis et rendu une dignité considérée comme perdue à la suite d’années d’avanies réelles ou supposées. La réponse des Etats-Unis n’a pas été à la hauteur des ambitions de ses dirigeants. En dehors des milliards engloutis dans des systèmes de sécurité et des technologies de plus en plus perfomants et un accrois-sement notable du contrôle du citoyen, la
SEPTEMBRE-OCTOBRE-Défense N° 123
d’éléments fortement préoccupants quant à la relative stabilité du Proche-Orient. Et les opérations engagées par Israël au Liban ne font que conforter les choix ira-nien et syrien. Elles ne peuvent, de sur-croît, que reporter à plusieurs décennies l’acceptation d’un Moyen-Orient pluricon-fessionnel face à l’intransigeance des radicaux musulmans et aux sentiments de haine et de vengeance qu’ils diffusent en permanence. Face à une Communauté internationale, toujours et encore, divi-sée…
L’ é t a td e sr e c h e r c h e s Cinq ans après...que reste t-il du 11 septembre
La poussière a du mal à retomber. dans le fracas du 11 septembre 2001, des hommes et des femmes sont morts. des idées sont également tombées et des forces sont apparues.
riposte a dévié (pour ne pas dire dérivé) après la campagne d’Afghanistan vers la calamiteuse guerre d’Irak. Cette erreur stratégique majeure, aggravée des actions extra-légales de Guantanamo et des pri-sons secrètes redora le blason très écorné d’Al Qaida et de ses épigones. Cinq ans après Ben Laden et Al Zawahiri courent toujours. Leurs discours en vidéo scandent les évènements du monde. Leurs paroles ne trouvent leur écho que dans une minus-cule minorité mais celle-ci suffit à mainte-nir une pression permanente sur les nations qui la combattent. De ce point de vue, le combat s’est élargi à l’espace monde avec une focalisation évidente vers l’Europe qui représente un enjeu straté-gique majeur pour les idéologues.
Que représente cette menace désormais ? Avec les années 1990 apparut un terroris-me conduit par des militants déracinés sans buts politiques précis mais animés d’une vision transcendantale exclusive. Les groupes composites formant la galaxie Ben Laden se sont peu à peu éloignés de
leurs objectifs géographiques ou nationaux (comme le GIA, très affaibli en Algérie, par exemple). Ils se sont remotivés dans un ter-rorisme messianique universel et manifes-tent leur rejet du monde occidental par une violence suicidaire sans précédent. C’est à ce moment là, la fin des années 1990 que le docteur al-Zawahiri, déçu de ces échecs à répétition lancera son concept " d’ennemi proche – ennemi lointain ", autrement dit, faute de gagner sur l’espace national, il faut " déplacer le combat chez l’ennemi " et porter le feu sur son territoi-re. Il vise l’Occident en général et les Etats-Unis en particulier.La mondialisation achevée offrait désormais un espace ouvert à Al Qaida pour réaliser ses rêves.
On peut penser que les attentats du World Trade Center et du Pentagone marquent l’apogée d’un cycle ; on peut aussi consi-dérer qu’ils sont le début d’une nouvelle ère qui a coupé tout dialogue avec l’Occident et qui souhaite en détruire ses symboles et, sans doute, ses habitants, sauf à espérer leur conversion. Cette nou-
velle génération de fanatiques sans fron-tières qui désormais essaime d’un bout à l’autre de la planète utilise et retourne les armes et les moyens technologiques de l’Occident contre lui. " Il est clair, " notent Felice Dasseto et Brigitte Maréchal, " que dans cette émergence, l’Internet joue un rôle clé pour comprendre la diffusion et, par là, l’appropriation individuelle et en groupe des sémantiques de l’action suici-daire. "
L’arme du martyre s’est également géné-ralisée. Elle n’en rend l’action de ses groupes que plus dangereuse et l’inter-ception de leurs actions que plus difficile. La Chahada prendra son essor internatio-nal avec le conflit libanais. Les chiites montrent l’exemple du sacrifice et du mar-tyre, avec les attentats contre l’ambassa-de des Etats-Unis, puis les attentats mas-sifs du camp des Marines et de l’immeuble Drakkar abritant le PC français à Beyrouth en 1983. Ensuite le mouvement se généra-lise pour passer dans les mains des com-battants sunnites (ou des combattantes) qui se jettent à l’assaut de la frontière avec les forces israéliennes. Les Palestiniens adoptent ensuite ce mode d’action. On connaît désormais son " suc-cès universel " (New York, Moscou, Tchétchénie, Madrid, Londres, Bali, etc.) Massimo Introvigne, note : " il est impor-tant d’observer que les suicides politiques apparaissent initialement dans des groupes terroristes chiites philo-iraniens, et ne sont imités que dans un deuxième temps par contamination, par des groupes terroristes sunnites comme le Hamas, " c’est la culture chiite (ou bien sa réinter-prétation " khomeyniste " ) qui " a construit une culture de la mort qui n’est plus mort, mais devient paradoxalement sens et existence. "
Cette conjonction entre un niveau intellec-tuel de premier plan, une volonté sans faille et le choix du sacrifice rend ces hommes et ces groupes extrêmement dan-gereux. Ils revendiquent l’usage potentiel d’armes dites de destruction massive (et des indices significatifs doivent faire prendre cette menace au sérieux) et l’at-tentat déjoué visant des avions à Londres montre que leur imagination est loin d’être prise en défaut. Or ces groupes à la struc-ture informe sont en mutation constante. A cet égard, il semble que Ben Laden soit plus une " enseigne ", une figure emblé-matique bien plus que le directeur autori-taire d’une société hiérarchique et bureau-cratique. Le caractère flou de l’organisa-tion et l’autoproclamation que font les groupes qui s’y rattachent, nous ont fait
qualifier ce terrorisme de " terrorisme de franchise " (c’est-à-dire labellisé a priori ou a posteriori par l’organisation ou par le groupe qui s’en déclare membre). Cette indépendance des groupes voire des indi-vidus rend leur détection difficile et aléa-toire. Aussi, pour qualifier Al Qaida et sa nature, la notion de Rhizome, développée par Deleuze et Guattari prend tout son sens. Elle caractérise une absence d’orga-nisation structurée, des niveaux non hié-rarchique, l’absence de centre, de territoi-re et la fluidité : " …le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque et chacun de ses traits ne ren-voie pas nécessairement à des traits de même nature (…) Le rhizome ne se laisse pas ramener ni à l’un, ni au multiple. (…)"
Al Qaida, par son adaptation au monde moderne déstructuré et déterritorialisé, fait preuve ainsi de sa capacité de résilien-ce. Le groupe se recombine en permanen-ce. Bali, le Yémen, Monbasa, Casablanca, Madrid, Londres. La glocalisation (c’est-à-dire pour reprendre ce terme à l’économie, l’interconnexion du mondial et du local) est à l’œuvre dans la durée. Le grand enjeu à cet égard, est l’Europe qu’Al Qaida voit comme terre de mission. L’Europe était, dans les années 1990 une base arriè-re. Les réseaux s’alimentaient, se reconsti-tuaient et recrutaient dans des pays com-plaisants ou poreux : L’Allemagne, Les pays scandinaves et, surtout, la Grande Bretagne, devenue pour reprendre un terme popularisé après le 11 septembre, le Londonistan, c’est-à-dire le siège de tous les extrémistes musulmans.Désormais, après la répression qui a suivi les atten-tats américains, l’Europe est devenue terre de bataille et l’enjeu, comme l’a montre Gilles Kepel dans Fitna, est la " per-suasion " des Musulmans d’Europe qu’il s’agit, par la peur ou par la conversion, de faire entrer dans l’Umma telle que la voit les jihadistes.
La détection de ces celulles de sympathi-sants actifs est difficile. Les attentats de Madrid et de Londres, l’attentat récem-ment déjoué en Grande Bretagne montre des groupes qui s’automobilisent et qui ourdissent leur complot dans un cercle restreint, souvent au sein d’une cellule familiale. L’Espagne et la Grande Bretagne ont été déjà frappés, la France assure une vigilance sans merci, mais longue est la bataille entre l’épée et le bouclier. Pour conclure, on ne voit pas les terro-ristes islamiques gagner une quelconque " guerre " contre l’Occident, contraire-ment aux fantasmes de certains, et même si ces fanatiques ont le sentiment de
conduire une telle bataille. En revanche, on peut être assuré qu’un vivier presque inépuisable de volontaires viendront rem-placer les pseudo-martyrs (que Ben Laden soit vivant ou mort) et poursuivre un com-bat terroriste qui demande plus de volonté que de moyens. Si l’élimination de ces groupes et la lutte anti-terroriste est essentielle à la sécurité de nos sociétés, elle ne peut être l’unique réponse contre ce mouvement de longue durée
Aujourd’hui, la mondialisation et la désor-ganisation du monde post-soviétique ont favorisé l’émergence de ce mouvement : glocalisation, fluidité, rhizome, recomposi-tion permanente et communication instan-tanée en créent la nouveauté; la systéma-tisation de l’attentat suicide aussi, tout comme le risque d’emploi d’armes non conventionnelles. Ces éléments créent les conditions d’une menace renforcée pour les sociétés et les Etats. Elle n’est pas exclusive aux Etats-Unis et à l’Europe. Elle est transnationale et, comme les attentats de Djerba, de Bali de Casablanca, de Madrid et de Londres l’ont montré, se déplace sur tous les territoires et visent tous ceux qui ne partagent pas le système de valeur de ces agresseurs. L’insertion de ces groupes dans la mondialisation rend leur destruction difficile. Elle ne pourra se faire que par une coopération internatio-nale impliquant la totalité des Etats visés par cette menace commune… mais il s’agit sans doute d’un vœux pieux.Quoiqu’il advienne nous sommes, dans ce domaine, installés dans la longue durée. " Il s’agit, en somme de définir les conditions d’une pensée politique modeste, c’est-à-dire délivrée de tout messia-L e s7 re n d e z - v o u s nisme, et débarrassée de la nostalgie du paradis ter-63 restre " dira en son temps Camus.C’est-à-dire définir une politique ambitieuse alliant moyens de lutte et développement durable, d’une part, et, d’autre part, un travail de fond sur les esprits. Cela vaut tant pour la société occidentale, ses fai-blesses et ses utopies que pour les socié-tés orientales.
Ainsi, du 11 septembre demeure une forte amertume ; celle des occasions manquées. Les Etats-Unis n’ont pas su transformer le capital initial de soutien et de sympathie, unique dans l’histoire, pour vaincre tant par des choix tactiques et stratégiques cohérents que par la persuasion et une politique adaptée. L’Europe n’a d’autre choix que de se battre avec ses propres armes en tentant de limiter la casse…Triste anniversaire.
SEPTEMBRE-OCTOBRE-Défense N° 123
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