L effet Buben : de la linguistique diachronique à l approche cognitive (et retour) - article ; n°1 ; vol.124, pg 104-125
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L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approche cognitive (et retour) - article ; n°1 ; vol.124, pg 104-125

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Langue française - Année 1999 - Volume 124 - Numéro 1 - Pages 104-125
Jean-Pierre CHEVROT et Isabelle MALDEREZ. The Buben effect : from the historical linguistics to the cognitive approach (and back) In the studies of historical linguistics, the authors often try to explain phonetic evolution by the influence of spelling on pronunciation (the so-called Buben effect or spelling pronounciation). At first, we analyze the results of the historical studies and we specify the modes of that influence. In a second time, we present psycholinguistic data and models that may explain the cognitive mechanisms responsible for such an influence. We conclude by showing how this detour by cognitive approach allows a best understanding of the Buben effect on the historical plan.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Chevrot
Isabelle Malderez
L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approche
cognitive (et retour)
In: Langue française. N°124, 1999. pp. 104-125.
Abstract
Jean-Pierre Chevrot et Isabelle Malderez. The Buben effect : from the historical linguistics to the cognitive approach (and back)
In the studies of historical linguistics, the authors often try to explain phonetic evolution by the influence of spelling on
pronunciation (the so-called Buben effect or spelling pronounciation). At first, we analyze the results of the historical studies and
we specify the modes of that influence. In a second time, we present psycholinguistic data and models that may explain the
cognitive mechanisms responsible for such an influence. We conclude by showing how this detour by cognitive approach allows
a best understanding of the Buben effect on the historical plan.
Citer ce document / Cite this document :
Chevrot Jean-Pierre, Malderez Isabelle. L'effet Buben : de la linguistique diachronique à l'approche cognitive (et retour). In:
Langue française. N°124, 1999. pp. 104-125.
doi : 10.3406/lfr.1999.6309
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1999_num_124_1_6309Jean-Pierre CHEVROT
Lidilem, Grenoble 3/IUFM de Grenoble
Isabelle MALDEREZ
Paris 7
L'EFFET BUBEN : DE LA LINGUISTIQUE DIACHRONIQUE
À L'APPROCHE COGNITIVE (ET RETOUR)
Dans un ouvrage paru en 1935, Vladimir Buben tentait d'expliquer l'évolution
phonétique du français par le reeours systématique à un facteur particulier : l'influence
de l'orthographe sur la prononciation, appelée également « orthographisme », « pro
nonciation orthographique » ou « effet Buben » (Blanche-Benveniste & Chervel 1978).
Mais à l'exception du travail de Buben, la prononciation orthographique n'a jamais été
une préoccupation centrale dans le champ linguistique. Des allusions à ce phénomène
n'apparaissent — et dans le meilleur des cas — que dans un bref chapitre en fin de
section chez les diachroniciens ou les dialectologues (Séguy 1978), dans l'avertissement
des dictionnaires (Michaelis & Passy 1897) ou encore dans quelques remarques accom
pagnant les manuels de prononciation (Martinon 1913 ; Nyrop 1914 ; Grammont 1914).
Certains structuralistes mentionnent brièvement ce facteur externe (Alarcos Llorach
1968 ; Walter 1976 ; Martinet 1993). Dans le champ actuel des études diachroniques, il
n'est pas abusif d'affirmer que la question de l'influence de l'orthographe sur la
prononciation est passée aux oubliettes de la recherche.
Finalement, c'est dans d'autres champs scientifiques — la sociolinguistique et
l'approche cognitive de la lecture-écriture — qu'on a vu réapparaître des allusions à ce
phénomène. Les sociolinguistes l'invoquent pour expliquer la sélection de certaines
variantes de prononciation, notamment lors de la lecture oralisée. Du côté de la
psychologie de la cognition, les auteurs utilisent l'effet Buben comme un argument
extérieur à leur domaine, susceptible de conforter des positions théoriques en faveur
d'une interactivité fonctionnelle entre système de traitement de la forme parlée des mots
et système de traitement de leur forme orale (Ehri 1989 ; Perfetti 1989).
Dans ce contexte, nous adopterons une démarche en trois étapes. Dans la pre
mière, l'observation des données diachroniques permettra de préciser les principales
modalités d'action du système orthographique sur la prononciation, sa variabilité et son
évolution. Lors de la seconde étape, notre intérêt se centrera sur le locuteur-scripteur.
104 présenterons des faits psycholinguistiques — et parfois soeiolinguistiques — Nous
suggérant un impact direct de l'orthographe sur la compétence orale du locuteur qui
apprend l'écrit ou qui le manipule. Nous examinerons également les architectures et les
mécanismes cognitifs qui pourraient sous-tendre cette influence. Dans la dernière
étape, nous montrerons comment l'interaction du cognitif et du sociolinguistique per
met finalement de mieux comprendre le fonctionnement diachronique de l'effet Buben.
A - Abord diachronique de l'effet Buben
Parmi les auteurs qui évoquent le rôle du facteur orthographique dans les chan
gements phonétiques, rares sont ceux qui ont cherché à l'analyser, à le nuancer ou à
remettre en question sa pertinence. Souvent, ce rôle est considéré globalement, et il
semble indiscutable, fatalité pour les uns (Nyrop 1914), monstruosité pour les autres
(Saussure 1916). Cependant, malgré les craintes qu'il inspire chez certains, le facteur
orthographique ne résiste pas toujours à l'analyse fine de la variation. Même chez
Buben (1935), on discerne des faiblesses méthodologiques pour comparer les données
ou encore pour décider de la pertinence première de ce facteur.
1 — Actions de l'orthographe sur la variabilité phonique
Une observation attentive des données diachroniques met en évidence deux modes
d'action de l'orthographe sur la variabilité phonique.
1.1. Apparition de nouvelles variantes de prononciation
L'effet Buben tend à faire respecter les correspondances phonographiques les plus
régulières (Blanche-Benveniste & Chervel 1978) et peut être à l'origine du changement
phonétique. Il provoque alors l'apparition de nouvelles variantes. Plus précisément,
Buben parle d'une régression quand il y a réapparition d'une prononciation ancienne
ou encore d'une innovation une lettre prononcée ne l'avait encore jamais été.
Notons que d'un point de vue synehronique, ces deux cas sont des innovations.
L'action de l'effet Buben opère alors selon deux modalités. D'une part, il provoque
la restitution de lettres muettes surtout en finale dans les noms propres et les noms
monosyllabiques {fils, but, dot, etc.) ou en position interne (obscur, adversaire, cheptel,
dompteur). On assiste aussi à la réalisation géminée de consonnes graphiques doubles
105 collègue). D'autre part, à cause de l'ambiguïté des correspondances (grammaire,
lettres-sons, certaines séquences graphiques sont l'objet de réinterprétations phono
X'' graphiques. Ainsi le « g » de cygne ou règne ([sin] et [ren] au a été associé au siècle),
« n » et la séquence s'est prononcée [r]]. Le digraphe « ge » dans gageure ou vergeure a
été reinterprete en « g+eu », etc.
Le recours systématique au facteur orthographique a été reproché à Buben dès la
sortie de son ouvrage, et lui-même fait parfois référence à d'autres facteurs pouvant
conjointement expliquer l'apparition de nouvelles variantes. Parmi ceux-ci, on trouve,
aux XIXe et XXe siècles, le besoin de différencier phonétiquement les homophones dus à
l'érosion des mots, « peut-être un des plus fondamentaux dans l'évolution phonologi
que en français moderne » (notre traduction, Levitt 1968). La prononciation orthogra
phique permet parallèlement de rétablir le lien dérivationnel des formes courtes
os/osseux, sens/sensé). Ainsi, la potentialité de restauration de la consonne finale, et
par-là même du lien dérivationnel, est inscrite dans la graphie mais son actualisation
serait avant tout un besoin linguistique.
De plus, il existe évidemment des facteurs explicatifs sans relation avec l'orthogra
phe. Mais, tout comme l'orthographe, ils ne s'appliquent généralement qu'à un ou
plusieurs phénomènes, jamais à la totalité des prononciations orthographiques, et
fonctionnent rarement pour tous les mots d'une série.
Tout d'abord, il est possible qu'un changement phonétique d'origine articulatoire
ait entraîné ultérieurement une modification de la graphie. La théorie des « obstruantes
émergentes » (Ohala 1990) pourrait éclairer le cas de la prononciation du « p » de
dompter. Le /p/ émerge de la succession /mt/ (quand le /m/ de domitare est encore
prononcé mais plus le /il) sans qu'on ait besoin de postuler une influence de l'orthogra
phe, qui entérinerait ce /p/ motivé par des raisons exclusivement articulatoires. La
question reste de savoir si l'apparition du /p/ est antérieure ou postérieure à la
réintroduction de la lettre. De plus, si cette explication est opératoire pour dompteur,
elle n'explique pas pourquoi le « p » se prononce dans un contexte différent dans
cheptel. Enfin, dans compter, qui pr

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