L opérateur pouvoir : valeurs, interprétations, reformulations - article ; n°1 ; vol.84, pg 83-93
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L'opérateur pouvoir : valeurs, interprétations, reformulations - article ; n°1 ; vol.84, pg 83-93

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Description

Langue française - Année 1989 - Volume 84 - Numéro 1 - Pages 83-93
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Catherine Fuchs
L'opérateur pouvoir : valeurs, interprétations, reformulations
In: Langue française. N°84, 1989. pp. 83-93.
Citer ce document / Cite this document :
Fuchs Catherine. L'opérateur pouvoir : valeurs, interprétations, reformulations. In: Langue française. N°84, 1989. pp. 83-93.
doi : 10.3406/lfr.1989.4785
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1989_num_84_1_4785Catherine FUCHS
CNRS, URA 1234
Université de Caen
L'OPÉRATEUR POUVOIR :
VALEURS, INTERPRÉTATIONS, REFORMULATIONS
Le titre même de mon article en indique le plan : je considérerai tout d'abord la
question de la caractérisation des valeurs en contexte de pouvoir dans une perspective
polysémique (c'est-à-dire dans la perspective d'un déploiement de ces valeurs à partir
d'un sémantisme de base), puis je m'intéresserai aux interprétations effectives
auxquelles le modal peut donner lieu, enfin j'étudierai les reformulations paraphras-
tiques des diverses significations de pouvoir.
1. Les valeurs de pouvoir
Comme il a été dit dans l'introduction, nous nous situons dans une perspective
polysémique (et non pas homonymique), considérant par là qu'il n'y a en français
qu'une seule unité pouvoir, dont les diverses significations en contexte sont apparent
ées, et procèdent d'un « socle sémantique commun ». À la suite des travaux effectués
sur les modaux anglais, on a coutume de considérer que les diverses significations des
modaux français se répartissent d'une part en valeurs « radicales » et d'autre part en
valeurs « épistémiques », et que cette première grande distinction est corrélative
d'une opposition syntaxique entre portée interne et portée externe du modal par
rapport à la proposition — opposition repérable à l'aide d'un certain nombre de tests
formels, comme l'interrogation, la négation, l'anaphore, l'adjonction de circonstanc
ielles, etc. : cf. par exemple Sueur (1979, 107-113) et (1983, 167-168). S'agissant de
pouvoir, on dira que lorsqu'il a une portée interne, il modalise l'événement décrit par
la relation prédicat — argument (d'où la glose « il est possible à X de Ver... »), tandis
que s'il a une portée externe il modalise la proposition dans son ensemble (d'où la
glose « il est possible que P »). Par ailleurs, à l'intérieur de chacun de ces deux grands
fonctionnements, on distingue une ou plusieurs valeurs sémantiques ; dans le cas de
pouvoir, on considère par exemple que le fonctionnement « radical » se subdivise en
trois valeurs, respectivement la « permission » (ex. : Les élèves internes peuvent sortir
le mercredi jusqu'à 8 heures = « ont la permission de.../ sont autorisés à... »), la
«capacité» (ex. : Je peux soulever cette valise = «je suis capable de.../ j'en ai la
force ») et la « possibilité » (ex. : Jean pourra être à son rendez-vous ce soir à Marseille,
puisqu'il y a un avion en début d'après-midi — « sera en mesure de... »), tandis que le
fonctionnement « épistémique » ne connaît qu'une seule valeur, celle de
l'« éventualité » (ex. : Je peux m'être trompé = « il se peut que.../ peut-être que... »).
Cette subdivision secondaire est habituellement analysée comme étant d'une autre
nature que l'opposition radical/épistémique, dans la mesure où elle n'est pas
83 corrélative d'une opposition syntaxique formelle ; on dira ainsi que les trois valeurs
radicales ne se distinguent que par des traits de sous-catégorisation : les trois peuvent
se gloser de la même façon par « il est possible à X de Ver... », et les différences sont
attribuées à des spécifications supplémentaires (« permission » = « il est possible à X
de Ver..., de par le truchement d'un individu ou d'une institution investi(e) de
l'autorité » ; « capacité » = « il est possible à X de Ver..., de par ses qualités
inhérentes (force, intelligence, courage...) » ; « possibilité » = « il est possible à X de
Ver..., de par les circonstances en général »). Ceci peut être illustré à l'aide d'une autre
glose, du type : « Y permet à X de Ver... », où les traits de sous-catégorisation sur Y
seront respectivement : Y = animé (ou assimilé) pour la permission, Y = capacités
inhérentes de X pour la capacité, tandis que Y sera non restreint pour la possibilité.
Du point de vue de la polysémie qui nous occupe ici, cette différence de statut
entre la première distinction (radical/épistémique) et la seconde (permis
sion/capacité/possibilité) est importante, dans la mesure où seule la première est
considérée comme étant de nature véritablement linguistique, alors que les sous-
catégorisations de la seconde n'auraient « pas de pertinence linguistique », et
correspondraient seulement à « un système cognitif spécifique », à « un certain
découpage de la réalité » (Sueur, 1983, 169). En conséquence, seule la première
donnerait lieu à de véritables ambiguïtés : on trouve la même idée à propos des
modaux anglais chez Leech et Coates (1980), selon lesquels may (qui connaît des
emplois tantôt radicaux, tantôt épistémiques) peut être ambigu, cependant que cari
(qui ne connaît que des emplois radicaux) ne saurait l'être. À cela on reliera le fait que
les différentes valeurs radicales ne sont pas homogènes, en ce sens que la « possibilité »
(qui correspond à une absence de restrictions sous-catégorielles) fonctionne comme
une sorte de valeur « de base » ou de pôle « non marqué », par rapport à quoi les deux
autres se construisent par spécification supplémentaire : ces dernières constituent en
effet des significations plus déterminées qui précisent le type de source (Y) où
s'enracine la possibilité — même si cette source ne se trouve pas explicitement
nommée : sur ce point, Sueur (1983, 169) insiste à juste titre sur le fait que
« l'indétermination quant à la nature de l'agent ou du causatif impliqué n'est pas une
« carence » des verbes devoir ou pouvoir, mais est partie intégrante de leur sens ».
Pour classique qu'elle soit, cette manière d'aborder la sémantique de pouvoir ne
va pas absolument de soi, et ne laisse pas de poser un certain nombre de problèmes
théoriques, si l'on veut aboutir à des représentations véritablement opératoires tenant
compte tout à la fois de l'unité profonde du marqueur pouvoir et de la diversité de ses
valeurs en contexte.
Et tout d'abord, comment représenter ce sémantisme de base fondant l'unicité
du marqueur en langue ? Une solution qui vient immédiatement à l'esprit consiste à
faire fonctionner les gloses que je viens d'évoquer comme des schémas profonds
mettant en jeu des prédicats élémentaires : on tente d'élever une glose jugée
particulièrement représentative au rang de représentation métalinguistique abstraite.
Cette démarche, qui a été de façon courante celle de la grammaire transformation-
nelle, prête le flanc à un certain nombre de critiques : en faisant passer des unités de
langue au statut de prédicats profonds, on construit une profondeur « en trompe-
l'œil », qui ne possède pas les propriétés que l'on est en droit d'attendre d'une
véritable représentation métalinguistique abstraite ; en particulier, on surdétermine le
sens (en explicitant ce qui, dans l'énoncé à décrire, reste implicite, qu'il s'agisse
d'indétermination, de sous-entendu ou de présupposé) et on surcharge le sens (en
84 transportant dans la profondeur la polysémie inhérente aux marqueurs de surface
élevés au rang de prédicats profonds) — en bref, on reste prisonnier de la métalangue
en langue naturelle. Plusieurs auteurs ont proposé une solution de ce type pour
représenter le sémantisme de base des modaux anglais 4
Dans cette perspective, on décrirait le sémantisme de base de pouvoir en termes
d'un prédicat profond (comme permettre, ou

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