La culture des idées par Remy de Gourmont
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La culture des idées par Remy de Gourmont

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Publié le 08 décembre 2010
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Langue Français

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The Project Gutenberg EBook of La culture des idées, by Remi de Gourmont This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: La culture des idées Author: Remi de Gourmont Release Date: January 18, 2006 [EBook #17541] Language: French Character set encoding: UTF-8 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA CULTURE DES IDÉES *** Produced by Carlo Traverso, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) REMY DE GOURMONT La Culture des Idées DU STYLE OU DE L'ÉCRITURE—LA CRÉATION SUBCONSCIENTE—LA DISSOCIATION DES IDÉES STÉPHANE MALLARMÉ ET L'IDÉE DE DÉCADENCE LE PAGANISME ÉTERNEL—LA MORALE DE L'AMOUR IRONIES ET PARADOXES DEUXIÈME ÉDITION PARIS SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCE XV, RVE DE L'ÉCHAVDÉ-SAINT-GERMAIN, XV MCM LA CULTURE DES IDÉES DU STYLE OU DE L'ÉCRITURE I Et ideo confiteatur eorum stultitia, qui arte, scientiaque immnunes, de solo ingenio confidentes, ad summa summe canenda prorumpunt; a tanto prosuntuositate desistant, et si anseres naturali desidia sunt, nolint astripetam aquilam imitari. DANTIS ALIGHIERI, De vulgari eloquio, II. 4. Déprécier «l'écriture», c'est une précaution que prennent de temps à autre les écrivains nuls; ils la croient bonne; elle est le signe de leur médiocrité et l'aveu d'une tristesse. Ce n'est pas sans dépit que l'impuissant renonce à la jolie femme aux yeux trop limpides; il doit y avoir de l'amertume dans le dédain public d'un homme qui confesse l'ignorance première de son métier ou l'absence du don sans lequel l'exercice de ce métier est une imposture. Cependant quelques-uns de ces pauvres se glorifient de leur indigence; ils déclarent que leurs idées sont assez belles pour se passer de vêtement, que les images les plus neuves et les plus riches ne sont que des voiles de vanité jetés sur le néant de la pensée, que ce qui importe, après tout, c'est le fond et non la forme, l'esprit et non la lettre, la chose et non le mot, et ils peuvent parler ainsi très longtemps, car ils possèdent une meute de clichés nombreuse et docile, mais pas méchante. Il faut plaindre les premiers et mépriser les seconds et ne leur rien répondre, sinon ceci: qu'il y a deux littératures et qu'ils font partie de l'autre. Deux littératures: c'est une manière de dire provisoire et de prudence, afin que la meute nous oublie, ayant sa part du paysage et la vue du jardin où elle n'entrera pas. S'il n'y avait pas deux littératures et deux provinces, il faudrait égorger immédiatement presque tous les écrivains français; cela serait une besogne bien malpropre et de laquelle, pour ma part, je rougirais de me mêler. Laissons donc; la frontière est tracée; il y a deux sortes d'écrivains: les écrivains qui écrivent et les écrivains qui n'écrivent pas,—comme il y a les chanteurs aphones et les chanteurs qui ont de la voix. Il semble que le dédain du style soit une des conquêtes de quatre-vingt-neuf. Du moins, avant l'ère démocratique, il n'avait jamais été question que pour les bafouer des écrivains qui n'écrivent pas. Depuis Pisistrate jusqu'à Louis XVI, le monde civilisé est unanime sur ce point: un écrivain doit savoir écrire. Les Grecs pensaient ainsi; les Romains aimaient tant le beau style qu'ils finirent par écrire très mal, voulant écrire trop bien. S. Ambroise estimait l'éloquence au point de la considérer comme un des dons du Paraclet, vox donus Spiritus, et S. Hilaire de Poitiers, au chapitre treize de son Traité des Psaumes, n'hésite pas à dire que le mauvais style est un péché. Ce n'est donc pas du christianisme romain qu'a pu nous venir notre indulgence présente pour la littérature informe; mais comme le christianisme est nécessairement responsable de toutes les agressions modernes contre la beauté extérieure, on pourrait supposer que le goût du mauvais style est une de ces importations protestantes dont fut, au dix-huitième siècle, souillée la terre de France: le mépris du style et l'hypocrisie des moeurs sont des vices anglicans1. Note 1: (retour) Sur l'importance et l'influence du protestantisme à cette époque, voir l'ouvrage de Ed. Hugues, que tous les protestants démarquent depuis vingt-cinq ans, Histoire de la Restauration du Protestantisme en France au XVIIIe siècle (1872). Cependant si le dix-huitième siècle écrit mal, c'est sans le savoir; il trouve que Voltaire écrit bien, surtout en vers; il ne reproche à Ducis que la barbarie de ses modèles; il a un idéal; il n'admet pas que la philosophie soit une excuse de la grossièreté littéraire; on versifie les traités d'Isaac Newton et jusqu'aux recettes de jardinage et jusqu'aux manuels de cuisine. Ce besoin de mettre où il n'en faut pas de l'art et du beau langage le conduisit à adopter un style moyen, propre à rehausser tous les sujets vulgaires et à humilier tous les autres. Avec de bonnes intentions, le dix-huitième siècle finit par écrire comme le peuple du monde le plus réfractaire à l'art: l'Angleterre et la France signèrent à ce moment une entente littéraire qui devait durer jusqu'à la venue de Chateaubriand et dont le Génie du Christianisme 2 fut la dénonciation solennelle. A partir de ce livre, qui ouvre le siècle, il n'y a plus qu'une manière d'avoir du talent, c'est de savoir écrire, et non plus à la mode de la Harpe, mais selon les exemples d'une tradition invaincue, aussi vieille que le premier éveil du sens de la beauté dans l'intelligence humaine. Note 2: (retour) Ce livre, si mal connu et défiguré dans ses éditions pieuses. Rien de moins pieux cependant et de moins édifiant au delà du premier tome que cette encyclopédie singulière et confuse où on trouve René et des tableaux statistiques, Atala et le catalogue des peintres grecs. C'est une histoire universelle de la civilisation et un plan de reconstruction sociale. En voici le titre complet: Génie du Christianisme ou Beautés de la religion chrétienne par François-Auguste Chateaubriand.—A Paris, chez Migneret imprimeur, rue du Sépulcre, f.s.g., n° 28. An X, 1802.—5 vol. in-8. Mais la manière du dix-huitième siècle3 répondait trop bien aux tendances naturelles d'une civilisation démocratique; ni Chateaubriand, ni Victor Hugo ne purent rompre la loi organique qui précipite le troupeau vers la plaine verte où il y a de l'herbe et où il n'y aura plus que de la poussière quand le troupeau aura passé. On jugea inutile bientôt de cultiver un paysage destiné aux dévastations populaires; il y eut une littérature sans style comme il y a des grandes routes sans herbe, sans ombre
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