La gestion statistique des populations dans l'empire colonial français - article ; n°1 ; vol.13, pg 77-111

Kamel Kateb

Description

Histoire & Mesure - Année 1998 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 77-111
Ce travail est un essai d'analyse des catégories statistiques mises en œuvre en Algérie, pendant la période coloniale, dans les opérations de recensement de population. Ces catégories, instruments statistiques de la gestion des populations de l'Algérie, ont reflété les représentations que l'administration française avait des populations (différentes par la religion, les mœurs, les coutumes et pendant longtemps par le genre de vie) qui cohabitaient dans les « départements français d'outre-Méditerranée ». Malgré la volonté évidente de mettre les statistiques produites au niveau de celles de la métropole, le traitement ethno-religieux a pris le pas sur le traitement par nationalité en vigueur dans la France métropolitaine. Ce traitement était étroitement imbriqué aux conceptions qui dominaient dans les milieux des démographes et des statisticiens de l'époque.
Abstract. The Statistical Management of Populations in the French Colonial Empire. The Case of Algeria, 1830-1960. This work is an attempt to analyse the statistical categories established in Algerian census operations during the colonial period. These categories, statistical instruments used in the management of Algerian populations, reflected representations the French administration had of different populations (different by religion, habits and customs and, during a long period of time, by way of life) who cohabited in the French Mediterranean overseas territories. Despite the obvious will to reach the same level of methodology for the Algerian statistics as the one produced in metropolitan France, the ethno-racial treatment overrode the treatment by nationality used there. This treatment was strongly linked to the ideas prevaling in demographic and statistical circles at the time.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE_-_MESURE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Kamel Kateb
La gestion statistique des populations dans l'empire colonial
français
In: Histoire & Mesure, 1998 volume 13 - n°1-2. pp. 77-111.
Résumé
Ce travail est un essai d'analyse des catégories statistiques mises en œuvre en Algérie, pendant la période coloniale, dans les
opérations de recensement de population. Ces catégories, instruments statistiques de la gestion des populations de l'Algérie, ont
reflété les représentations que l'administration française avait des populations (différentes par la religion, les mœurs, les
coutumes et pendant longtemps par le genre de vie) qui cohabitaient dans les « départements français d'outre-Méditerranée ».
Malgré la volonté évidente de mettre les statistiques produites au niveau de celles de la métropole, le traitement ethno-religieux a
pris le pas sur le traitement par nationalité en vigueur dans la France métropolitaine. Ce traitement était étroitement imbriqué aux
conceptions qui dominaient dans les milieux des démographes et des statisticiens de l'époque.
Abstract
Abstract. The Statistical Management of Populations in the French Colonial Empire. The Case of Algeria, 1830-1960. This work is
an attempt to analyse the statistical categories established in Algerian census operations during the colonial period. These
categories, statistical instruments used in the management of populations, reflected representations the French
administration had of different populations (different by religion, habits and customs and, during a long period of time, by way of
life) who cohabited in the French Mediterranean overseas territories. Despite the obvious will to reach the same level of
methodology for the Algerian statistics as the one produced in metropolitan France, the ethno-racial treatment overrode the
treatment by nationality used there. This treatment was strongly linked to the ideas prevaling in demographic and statistical
circles at the time.
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Kateb Kamel. La gestion statistique des populations dans l'empire colonial français. In: Histoire & Mesure, 1998 volume 13 -
n°1-2. pp. 77-111.
doi : 10.3406/hism.1998.892
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hism_0982-1783_1998_num_13_1_892Histoire & Mesure, 1998, XIII-1/2, 77-111
Kamel Kateb*
La gestion statistique des populations
dans l'empire colonial français.
Le cas de l'Algérie, 1830-1960.
Résumé. Ce travail est un essai d'analyse des catégories statistiques mises en œuvre en
Algérie, pendant la période coloniale, dans les opérations de recensement de population. Ces
catégories, instruments statistiques de la gestion des populations de l'Algérie, ont reflété les
représentations que l'administration française avait des (différentes par la religion,
les mœurs, les coutumes et pendant longtemps par le genre de vie) qui cohabitaient dans les
« départements français d'outre-Méditerranée ». Malgré la volonté évidente de mettre les
statistiques produites au niveau de celles de la métropole, le traitement ethno-religieux a pris
le pas sur le traitement par nationalité en vigueur dans la France métropolitaine. Ce traitement
était étroitement imbriqué aux conceptions qui dominaient dans les milieux des démographes
et des statisticiens de l'époque.
Abstract. The Statistical Management of Populations in the French Colonial Empire.
The Case of Algeria, 1830-1960. This work is an attempt to analyse the statistical categories
established in Algerian census operations during the colonial period. These categories,
statistical instruments used in the management of Algerian populations, reflected representa
tions the French administration had of different populations (different by religion, habits and
customs and, during a long period of time, by way of life) who cohabited in the French
Mediterranean overseas territories. Despite the obvious will to reach the same level of
methodology for the Algerian statistics as the one produced in metropolitan France, the
ethno-racial treatment overrode the treatment by nationality used there. This treatment was
strongly linked to the ideas prevaling in demographic and statistical circles at the time.
* INED, 133 boulevard Davout, 75580 - Paris cedex 20, ([e-mail]).
77 Histoire & Mesure, 1998, XIII-1/2
L'administration coloniale a réalisé dix-neuf recensements de popul
ation en Algérie entre 1830 et 1962. Ces recensements ont porté sur des
populations fort différentes par la culture, la langue, la religion ainsi que
par leur genre et mode de vie. Pour concrétiser les objectifs (statistique,
démographique, administratif et politique) assignés à ces opérations,
l'administration de la colonie a dû adopter des catégories statistiques
destinées à caractériser les populations qu'elle escomptait saisir statist
iquement. Les catégories utilisées n'ont pas manqué de refléter les
représentations que se faisaient les autorités coloniales des composantes
de la population vivant sur le territoire algérien. Malgré des permanenc
es, de telles représentations ont évolué dans le temps, en même temps
qu'évoluait la société coloniale, d'une part, et le contexte historique,
d'autre part. L'interrogation des statistiques coloniales s'inscrit dans une
perspective plus large de recherche sur l'histoire des populations de
l'Algérie pendant cette période. À travers l'étude des catégories stati
stiques et des écrits des auteurs de la démographie algérienne, elle doit
déboucher non seulement sur la mise au jour des représentations de
l'administration sur les populations, mais aussi sur celle des représenta
tions que les différentes communautés avaient les unes sur les autres ;
elle mettra en évidence les mutations politiques, économiques et sociales
ainsi rendues perceptibles. Certains aspects de ce travail de recherche ont
déjà été publiés l ou exposés dans des séminaires 2.
Ce travail ne peut être effectué en négligeant le fait que l'objectif
fondamental de la colonisation a été, pendant plus d'un siècle, le
peuplement de l'Algérie par une nouvelle population. Les recensements
de population étaient censés mesurer les progrès d'une telle politique.
Leur régularité et leur périodicité devaient permettre de mesurer les
progrès réalisés et les difficultés à surmonter. Cependant que valait
réellement cet instrument de mesure conçu pour la France qui disposait
alors de moyens humains et matériels que les conditions spécifiques de
l'Algérie ne permettaient pas de réunir ? Aussi imparfaites qu'elles
soient, ces mesures ont contribué à gérer la population sur une base
ethno-religieuse. C'est ce que reflètent parfaitement les catégories
statistiques retenues.
1. Kateb, K., 1997a; Kateb, K., 1997b.
2.K., 1997c.
78 Kamel Kateb
1. Du « que faire de la conquête ? »,
au « des indigènes ? »
L'antagonisme autour des terres agricoles
De nombreux écrits, des débats parlementaires et des rapports des
autorités administratives se sont appesantis sur les hésitations françaises
quant au devenir de leur nouvelle conquête au lendemain de la prise
d'Alger. Dix-huit années se sont écoulées entre « l'expédition punitive »
de 1830, le projet et l'intégration en 1848 de l'Algérie à la France, avec
la création des trois provinces (le décret du 4/03/1848 fait de l'Algérie
une partie intégrante du territoire français). Entre-temps, les différentes
conceptions de la colonisation de l'Algérie n'ont pas abouti : celle des
colons aux « gants jaunes », celle du « soldat laboureur » de Bugeaud ou
celle de Clauzel qui consistait à faire de l'Algérie un lieu de regroupe
ment « des misérables et des encombrants » et de la Mitidja (la plaine
d'Alger) « le dépôt de mendicité de l'Europe », protégé par un mur. Elles
se sont heurté, inexorablement et en permanence, à une double réalité :
la faible propension à l'émigration vers l'Algérie des français et la
incontournable du pays, la présence de l'indigène.
Il n'y avait pas en Algérie de « no man's land ». Les nomades,
semi-nomades et sédentaires utilisaient l'ensemble des terres et ressour
ces disponibles pour faire face à leurs besoins quotidiens. Le mode
d'exploitation des terres reposait sur des formes de