La LDH, les droits de l’homme et le politique - article ; n°1 ; vol.72, pg 17-27
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Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2003 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 17-27
Although it is often considered as an association of intellectuals, the Ligue des droits de l’homme is mostly a political both plural and dynamical movement. It is a legal recourse against administrative and legal institutions and a place for reflexion about law so that it becomes a pressure group as well as a means for assistance. There is no predetermined content in its project, the league tries to apply eternal principles. Several times, it involves into policy but it tries mostly to get into politics. It tends to reform Justice by thinking about Human Rights and Law, but it also contributes to renew Republic by thinking about democraty.
Souvent présentée comme une association d’intellectuels, la LDH constitue davantage un mouvement politique à la fois pluriel et dynamique. Sa fonction de recours contentieux contre les institutions administratives et judiciaires et sa vocation de théorisation juridique l’instituent comme un lieu d’assistance doublé d’un groupe de pression. Le projet ligueur est plutôt d’imposer une exigence régulatrice dont le contenu
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

La LDH,
les droits de l’homme
Emmanuel NAQUET
et le politique
La première historiographie à s’être penchée sur droits de l’homme, créé en 1900, devenu le Bulletin des
le passé de la Ligue des droits de l’homme (LDH) s’est, puis, en 1920, les Cahiers des droits
8inscrite, on le sait, dans une problématique centrée sur de l’homme . La pérennité de l’association s’explique
la question des intellectuels. Mais Jean et Monica donc diversement : sa fonction de recours contentieux
Charlot n’entendaient pas, il y a plus de quarante ans, contre les institutions administratives et judiciaires
comme sa vocation de théorisation juridique l’instituentrestreindre l’association à un mouvement de clercs,
comme un lieu d’assistance, mais aussi comme un grou-malgré le titre de leur article qui appartenait à une
pe de pression à la fois originel et original, en marge deslivraison consacrée aux rapports entre les intellectuels
1 champs de réflexion et/ou d’actions idéologiques clas-et à la politique . Déjà, ils démontraient, de manière
siques que sont alors les loges maçonniques, les salons,pionnière, l’ancrage de la LDH dans le champ civique
9les syndicats ou les partis en gestation .et même politique. Incontestablement, la Ligue naît
dans un temps et un espace publics hantés par l’Affaire Aborder l’histoire de
2 1. Jean et Monica Charlot, « La Ligue des droits de l’homme.par excellence , cette affaire avec une majuscule et la LDH permet donc de
Un rassemblement d’intellectuels », Revue française de Science3sans prédicat comme a pu le dire Madeleine Rebérioux . poser l’Affaire et sa posté- politique, IX, 4, décembre 1959, pp. 995-1028.
Mais a été ultérieurement soulignée l’orientation poli- rité en termes certes intel- 2. Emmanuel Naquet « Aux origines de la Ligue des droits de
tique — au sens d’engagement dans la vie de la Cité — lectuels, mais aussi poli- l’homme : affaire Dreyfus et intellectuels », Bulletin du Centre
d’Histoire de la France contemporaine, Université de Paris X-de ces universitaires, juristes, médecins, mais aussi tiques et juridiques. Les
Nanterre, 11, 1990, pp. 61-81.hommes de l’État républicain, instigateurs, autour de échos de la « révolution
3. La République radicale ? (1898-1914), Seuil (coll. « PointsLudovic Trarieux, non pas de la première Ligue des dreyfusienne » jouent, en Histoire »), 1975, p. 6.
droits de l’homme, mais de la Ligue des droits de effet, sur les formes, les 4. Emmanuel Naquet, « La Ligue des droits de l’homme au
l’homme première manière. contenus et les limites tournant du siècle »,
in Laurent Gervereau et Christophe Prochasson (dir.), L’affairedes engagements, indivi-Très vite, la LDH s’est présentée comme un mouve- Dreyfus et le tournant du siècle, 1894-1910, Nanterre,
4 duels ou collectifs. Si lament à la fois pluriel et dynamique . Cette direction s’est BDIC-MHC, 1994, pp. 164-168.
5 Ligue des droits de l’hom-amplifiée tout au long de son premier demi-siècle , 5. Emmanuel Naquet, « La Ligue des droits de l’homme
edans le premier XX siècle. Une association en politique »,me et les ligueurs n’en-reposant, à son acmé, sur la masse de ses adhérents
in Claire Andrieu, Gilles Le Béguec, Danielle Tartakowsky
6 tendent certes pas propo-— 179 355 membres répartis, en 1932-33, dans (dir.), Associations et champ politique. La loi de 1901 à
ser de programme — l’or-2 442 sections et 94 fédérations —, sur l’activité de son l’épreuve du siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001,
pp. 477-491.ganisation n’est pas unservice juridique — 19 406 demandes d’intervention en
6. Au congrès de Paris de 1932, Victor Basch avoue qu’enparti politique à la1931 et 2 899 interventions effectives en 1933 —, sur un
1931, le secrétaire général peut compter 180 077 cotisantsconquête du pouvoir parsiège de la rue Jean-Dolent acquis au printemps 1930 et théoriques, mais la trésorerie sur seulement 154 457 cartes
er les élections —, elle n’estachevé le 1 mai 1931. Y travaillent alors, outre le secré- payées au 31 décembre 1931 (Le congrès national de 1932,
LDH, 1933, p. 26).pas non plus aveuglée outaire général et le trésorier national, trois chefs de servi-
7. Cahiers des droits de l’homme (désormais CDH),illuminée par l’utopie,ce et trente-neuf employés, dont cinq conseils juridiques
20 mars 1931, p. 191.
7 bien qu’elle ait un idéalet six délégués permanents à la propagande . À cela
8. Qui comptent, en 1932-1933, 19 765 abonnés (CDH,et se réfugie, parfois, danss’ajoute un organe, le Bulletin officiel de la Ligue des 20 mai 1934, p. 339).
l’incantation, tout en 9. Sur la notion de ligue, se reporter à Serge Berstein, « La
assumant volontiers une Ligue », in Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites en
France, t. 2 : Cultures, Paris, Gallimard, 1992, pp. 61-112, etEMMANUEL NAQUET, historien de la Ligue des droits de l’homme, a part de responsabilité
à notre contribution, « Les Ligues », in Vincent Duclert etdéjà publié plus d’une dizaine d’articles sur cette association et achève dans la défense de la Christophe Prochasson (dir.), Dictionnaire critique de la
une thèse de doctorat sur le sujet, à soutenir à l’automne 2004. République. République, Paris, Flammarion, 2002, pp. 739-745.18 • MATÉRIAUX POUR L’HISTOIRE DE NOTRE TEMPS • n° 72 / octobre-décembre 2003
Le projet ligueur est plutôt d’imposer une exigence conception laïque et rationaliste des droits de l’homme
régulatrice dont le contenu n’est pas déterminé à que les ligueurs font référence, vision multiple que
11l’avance, mais acquis, selon elle, par des principes Marcel Gauchet a étudiée en profondeur .
intangibles et à appliquer au fur et à mesure ; et cela À regarder les conquêtes auxquelles la Ligue a peu
sans verser dans le moralisme ou le juridisme. Si, le fait ou prou contribué, il est incontestable que l’association
est connu, la Ligue des droits de l’homme a fait de la a œuvré à des avancées plus ou moins notables, et sur-
politique à plusieurs reprises, dès lors qu’elle préfigure tout à la prise en charge juridique voire institutionnelle
un rassemblement des gauches en supportant le Bloc de principes, prolongeant à un moindre degré la
des gauches avant 1914, en soutenant le Cartel des dimension révolutionnaire des valeurs dégagées
gauches en 1924 et, mieux, en participant à la forma- en 1789. En revendiquant aussi l’héritage de 1793,
tion et à la direction du Rassemblement populaire à l’organisation a élargi sa sphère d’intercession à des
partir de 1934-1935, l’association s’insère plus large- droits qui n’étaient pas contenus dans la Déclaration
ment et plus profondément dans le politique, ne serait- du 26 août 1789. Historiquement, si l’on excepte la
ce que parce qu’elle est le reflet d’antagonismes très éphémère Société des droits de l’homme et des
sociaux et qu’elle produit « une certaine intégration de citoyens fondée en 1888 ou les différentes formules
10tous à la collectivité ». 12des journaux Les droits de l’homme , la LDH a donc
été la première à placer ses luttes sur le terrain du droit
et des droits de l’homme, verbalisant, sous la forme de
droits, des exigences humanistes à inscrire dans la loi,
et médiatisant des normes juridiques à construire ou
à reconstruire.
Ce patrimoine est alors renouvelé par les analyses
de l’École durkheimienne. Certes, tous les ligueurs n’ont
pas lu De la division du travail social ou Les Règles de
la méthode sociologique, mais d’aucuns — dont, a for-
tiori, le ligueur Émile Durkheim ! — considèrent à sa
suite ou comme lui — songeons à Célestin Bouglé —
que la condition de l’intégration sociale réside dans
l’adhésion collective à des règles et des valeurs ultimes
et que, parmi celles-ci, le culte de la personne humai-
ne, et donc l’individualisme, correspond à un facteur de
Fac-similé des Cahiers
ciment social. Cette conception s’oppose à la fois audes droits de l’homme.
libéralisme égoïste et au socialisme centralisateur.
Pour autant, si les ligueurs de 1898 reprennent les
bases d’une éthique sacrée de la personne issues de
1789, ils ne proposent pas, d’emblée, de nouvelle défi-
nition de droits de l’homme et du citoyen. Celle-ci est
alors toujours en genèse, conservant à l’expression un
flou sans doute lié à la variété des dimensions spatiales
et fonctionnelles qu’on lui affecte — citoyenneté natio-
nale ou mondiale, politique ou sociale ? — et à la mul-
L’appréhension, par la LDH, titude des situations empiriques qu’elle désigne — sta-10. Ma

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