La légende de Jean Tristan fils de saint Louis - article ; n°1 ; vol.98, pg 143-160
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1986 - Volume 98 - Numéro 1 - Pages 143-160
Colette Beaune, La légende de Jean Tristan fils de saint Louis, p. 143-160. La légende de Jean Tristan nous est conservée dans plusieurs états; une version fragmentaire en vers datant de 1300, une version parisienne en prose entre 1334 et 1346, une autre version en prose du XVe siècle, sans compter de nombreuses allusions dans des textes historiques jusqu'en 1530. La quasi-inexistence des sources sur le fils de saint Louis né lors de la première croisade de son père et mort lors de la seconde a permis l'élaboration rapide d'un mythe. Jean Tristan réalise Yimitatio Christi dans tous ses détails jusqu'à la crucifixion et la résurrection. Par ailleurs, c'est un prince messianique dont le prénom renvoie au prêtre Jean, porteur du signe de la croix et lié à des lieux sacrés (Damiette, Tarse, Acre et Jérusalem). Son itinéraire reflète le thème du prince enfant éprouvé par la souffrance et le succès de ses mythiques croisades en (v. au verso) Orient assure une compensation illusoire à l'échec de saint Louis dont il est à la fois le double et l'inverse. Se manifestent ici des formes de messianisme mystique rares dans la tradition royale française, en général hégémonique et triomphante.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Colette Beaune
La légende de Jean Tristan fils de saint Louis
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 98, N°1. 1986. pp. 143-160.
Résumé
Colette Beaune, La légende de Jean Tristan fils de saint Louis, p. 143-160.
La légende de Jean Tristan nous est conservée dans plusieurs états; une version fragmentaire en vers datant de 1300, une
version parisienne en prose entre 1334 et 1346, une autre version en prose du XVe siècle, sans compter de nombreuses
allusions dans des textes historiques jusqu'en 1530. La quasi-inexistence des sources sur le fils de saint Louis né lors de la
première croisade de son père et mort lors de la seconde a permis l'élaboration rapide d'un mythe. Jean Tristan réalise l'imitatio
Christi dans tous ses détails jusqu'à la crucifixion et la résurrection. Par ailleurs, c'est un prince messianique dont le prénom
renvoie au prêtre Jean, porteur du signe de la croix et lié à des lieux sacrés (Damiette, Tarse, Acre et Jérusalem). Son itinéraire
reflète le thème du prince enfant éprouvé par la souffrance et le succès de ses mythiques croisades en
(v. au verso) Orient assure une compensation illusoire à l'échec de saint Louis dont il est à la fois le double et l'inverse. Se
manifestent ici des formes de messianisme mystique rares dans la tradition royale française, en général hégémonique et
triomphante.
Citer ce document / Cite this document :
Beaune Colette. La légende de Jean Tristan fils de saint Louis. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps
modernes T. 98, N°1. 1986. pp. 143-160.
doi : 10.3406/mefr.1986.2853
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1986_num_98_1_2853COLETTE BEAUNE
LA LEGENDE DE JEAN TRISTAN
FILS DE SAINT LOUIS
La légende de Jean Tristan a fait jusqu'ici l'objet de travaux de la
part des littéraires plus que des historiens1. Elle fait en effet partie du
deuxième cycle de la croisade écrit assez tardivement en Occident au
cours du XIVe siècle2 et comporte un grand nombre de topoi passe-par-
tout. On peut la résumer ainsi : saint Louis est averti par un songe de la
nécessité pour lui de partir en croisade s'il veut guérir et avoir descen
dance. Il obéit et Jean Tristan naît à Damiette, porteur du signe royal.
Une esclave sarrazine l'enlève et le confie au sultan de Babylone qui l'élè
ve comme son fils. Pendant ce temps, saint Louis est fait prisonnier à La
Mansourah, l'ange lui rapporte son bréviaire et le crucifix de Saint-Denis,
fondu pour la rançon, repousse miraculeusement. Saint Louis meurt à la
croisade de Tunis. Jean Tristan, devenu grand, entreprend des conquêtes
en Orient en Occident. En Sicile, il se bat en duel contre son oncle Charles
d'Anjou. Un ange les sépare et révèle le secret de sa naissance. Il rede
vient chrétien, il est reconnu par sa mère grâce au signe royal. Il renonce
au trône que lui offrent les barons au profit de Philippe III son cadet et
obtient l'aide de l'armée française pour reconquérir Tarse et la Petite
Arménie. Capturé par les Turcs, il a une entrevue avec Hélène, la princes
se sarrazine, fille du sultan, qui veut se convertir. Ils sont découverts par
le père. Jean Tristan est crucifié puis sauvé par l'intervention divine. Il
triomphe de son beau-père qui se convertit, épouse Hélène et devient roi
de Tarse. Puis il conquiert pour son fils le royaume d'Acre et règne ainsi
sur l'Orient pacifié. En fait, malgré le merveilleux des contes populaires
1 L. S. Crist, The legendary crucifixion of Jean Tristan, dans Romania, 86, 1965,
p. 289-306.
A. Foulet, Tristan, son of Saint Louis in history and legend, dans Romance phi
lology, 12, 1959, p. 235-240.
2 S. Duparc Quioc, Le cycle de la croisade, Paris, 1955, p. 193-195 et 264-266.
MEFRM - 98 - 1986 - 1, p. 143-160. COLETTE BEAUNE 144
qui l'imprègne, l'histoire de Jean Tristan ne manque pas d'un ancrage
historique réel et elle fut considérée comme étant de l'histoire par les
écrivains les plus sérieux jusqu'au XVIe siècle. Il convient donc d'essayer
d'appliquer à ce texte littéraire des procédés d'analyse historique. N'y a-
t-il pas sous les mots du mythe une réalité plus profonde? Méprisée par
les historiens positivistes comme «une fable ridicule et bizarre»3, la légen
de de Jean Tristan ne permettrait-elle pas d'approcher de plus près la
religiosité du XIVe siècle?
Les différentes versions et leur succès
La version d'origine datait du début du XIVe siècle et elle était en
vers. Il ne nous en reste que deux fragments. En dialecte picard, ils nous
relatent, l'un la mort honteuse de Baudouin de Flandres pendu à Lille à
l'instigation de sa fille dont la mère était une dèmone, et l'autre les prépar
atifs de la bataille de Bouvines, dans une version qui n'est pas celle des
Grandes Chroniques4 mais qui reste très pro-française.
La première mise en prose porte le titre compliqué de Chronique
abrégée de France, de Flandre et d'outremer5. Elle relate à la fois l'histoire
des croisades et celle des rapports franco-flamands de Godefroid de
Bouillon à 1328. Les principaux actes en sont: la première croisade, les
croisades de Louis VII et de Philippe Auguste, Bouvines, les luttes entre le
roi et Robert de Béthune jusqu'à la bataille de Cassel.
Le milieu d'origine est un milieu parisien. Écrit en français du Bassin
parisien, le texte témoigne d'une connaissance approfondie des traditions
populaires de la capitale et des sanctuaires proches de celle-ci. La Sainte-
Chapelle aux précieuses reliques est décrite, la légende de la fondation
des Quinze-Vingt au profit des chevaliers prisonniers aveuglés par les
Musulmans après La Mansourah est connue. Qui plus est, le bréviaire de
saint Louis qui était la relique la plus précieuse du couvent Saint-Marcel
fait l'objet d'un récit de miracle, très proche de celui que donnait Guillau
me Guiart en 1306 dans la Branche des royaux Lignages6. Enfin, l'abbaye
3 J. Pichon, Partie inédite des chroniques de Saint-Denis, Paris, 1864, p. XI.
4 G. Doutrepont, Les mises en prose des épopées et des romans chevaleresques
du XIVe et du XVe siècle, Bruxelles, 1939.
5 B.N. Fr. 9222.
6 L. S. Crist, The breviary of Saint Louis; the development of a legendary mirac
le, dans Journal of the Warburg and Courtauld Institute, 28, 1965, p. 319-323. 1
1
LA LÉGENDE DE JEAN TRISTAN FILS DE SAINT LOUIS 145
de Maubuisson fondée par Blanche de Castille semble bien avoir joué un
rôle important dans la cristallisation de l'imaginaire. D'après des textes
du XVIe siècle, le songe prémonitoire de saint Louis y est situé7. La plu
part des personnages cités dans l'épisode qui nous intéresse y sont enter
rés ; Blanche de Castille considérée ici comme la femme de saint Louis et
la mère de Jean Tristan, morte en 1252, Jean d'Acre avec qui fut confon
du le Capétien et qui était en fait l'un des fils de Jean de Brienne roi de
Jérusalem. Élevé comme sa sœur Marie impératrice de Constantinople
par Blanche de Castille, il pouvait passer pour le fils de celle-ci (il n'en
était en fait que le petit neveu). Bouteiller de saint Louis, il était mort en
1296 et sa tombe figurait dans le chœur de Maubuisson à côté de celle de
Blanche. Beaucoup d'autres Brienne ou Courtenay les entouraient; Marie
d'Acre, peut-être Catherine de Courtenay sa petite fille épouse de Charles
de Valois morte en 1307 et Marguerite d'Antioche autre petite-fille de
Jean de Brienne morte en 1329. Ceci s'explique en partie par le long et
glorieux abbatiat de Blanche de Brienne nièce de Jean d'Acre (1275-1309)
qui fonda en 1297 l'une des premières chapelles dédiées à saint Louis.
Sur le reliquaire, priaient Philippe III et Charles de Valois. L'abbaye pos
sédait d'autre part un reliquaire de la vraie croix dont le don était dans la
deuxième moitié du XIIIe siècle attribué à Jean de Brienne8. L'abbaye où
Jean d'Acre dormait aux côtés de sa mère Blanche d'Espagne était donc
dédiée à la glorification commune des Capétiens, des Valois, des Brienne
et des Courtenay et au souvenir multiple et déformé de leurs expéditions
orientales.
7 J. Depouin et A. Dutilleux, L'abbaye de Maubuisson, Paris, 1882, p. 72.
8 Cf. n. 7

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