La mise en communauté de l énonciation - article ; n°70 ; vol.18, pg 47-71
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Description

Langages - Année 1983 - Volume 18 - Numéro 70 - Pages 47-71
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Francis Jacques
La mise en communauté de l'énonciation
In: Langages, 18e année, n°70, 1983. pp. 47-71.
Citer ce document / Cite this document :
Jacques Francis. La mise en communauté de l'énonciation. In: Langages, 18e année, n°70, 1983. pp. 47-71.
doi : 10.3406/lgge.1983.1152
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1983_num_18_70_1152Francis Jacques
Université de Rennes
LA MISE EN COMMUNAUTE DE L'ENONCIATION
Communauté est le caractère de ce qui est commun. Il consiste générale
ment en ce que des biens matériels ou intellectuels sont possédés, gérés,
voire produits en commun. Ajoutons que la communauté peut s'étendre éga
lement à des significations produites par l'activité langagière. Benveniste, en
des textes décisifs, avait plusieurs fois pressenti ce que nous allons expliciter
ici et radicaliser au profit de la mise en discours.
À définir renonciation comme l'activité langagière exercée par les agents
du discours, on prend un parti assez neutre et assez indéterminé qui nous
suffira pour commencer. Mais préciser, comme ce sera mon propos, que les
interlocuteurs s'approprient conjointement l'appareil de la langue pour
énoncer leur position corrélative de co-locuteur, et employer la langue à
signifier un rapport commun au monde, cela conduit à transformer le con
cept d'énonciation de façon beaucoup plus profonde qu'il n'y paraît. Le
poète nous en avertit de manière intuitive :
« Je suis un étrange animal
Mes oreilles te parlent
Ma voix t 'écoute et te comprend » (P. Eluard, Le Phénix).
Je voudrais établir à quel point et sur quel point on touche alors à trois pro
blématiques connexes. Au premier rang desquelles le statut des instances énon-
ciatives ; au second la nature des marques dans l'énonciation énoncée ; au tro
isième rang, pour peu que l'on utilise certains concepts logiques, on passe de
l'appareil formel de l'énonciation aux stratégies énonciatives, bref du système
au procès de la mise en discours.
L'hypothèse pragmatique et le paradigme de la communicabilité.
Avant de montrer en quoi la linguistique y est intéressée après la philo
sophie du langage, quelques mots sur la nature et le lieu de mon hypothèse.
Elle consiste à mesurer l'incidence sur la mise en discours d'une approche
expressément et complètement pragmatique.
Mais d'abord, celle-ci est-elle pertinente ? Interrogé très précisément sur
ce point, Benveniste avait pris position. S'il est important pour le logicien,
47 de distinguer d'un côté le rapport entre la langue et les choses, pensait-il,
qui est d'ordre sémantique, et d'un autre côté, le rapport entre la langue et
ceux que la langue implique dans son jeu, qui est d'ordre pragmatique, il
n'en va pas de même pour le linguiste : pour lui, une pareille distinction de
principe n'est pas nécessaire. La raison en est qu'à partir du moment
où la langue est tenue pour un certain type d'action, la situation énonciative
est prise en compte. Si bien que ce rapport est « donné ensemble dans ce
qu'on définit comme sémantique » l. C'est dire que l'approche pragmatique
est intégrée ou intégrante. Pas encore qu'elle est fondatrice. Il n'est pas
exclu, toujours selon Benveniste, « de recourir à cette sous-division à tel
moment de l'étude ».
La difficulté est de faire droit, dans la mesure convenable, à une appro
che pragmatique qui est elle-même en évolution rapide. On assiste à un
commerce incessant d'hypothèses jusqu'ici fructueux entre logiciens, linguis
tes et philosophes du langage. Pour être au clair sur les présuppositions du
travail qui va suivre, je déclare • ma propre option sur le devenir de la
pragmatique 2.
Pour une part, je m'en tiens à un quasi truisme. L'affaire de la pragmat
ique est de se restreindre à la recherche d'une théorie adéquate concernant
l'usage communicationnel du langage. Pour une part aussi, je tire une con
séquence immédiate qui suffit à démarquer son objet de celui de la psycho-
ou de la socio- linguistique. Par pragmatique, nous entendrons tout ce qui
concerne le rapport de l'énoncé aux conditions les plus générales de l'interlo-
cution. Science des conditions a priori de la communicabilité, elle n'a pas
trait aux circonstances empiriques, mais aux conditions de possibilité d'une
signification communicable en général. Par conséquent, une théorie adéquate
de l'usage communicationnel doit se construire par exclusion des autres usa
ges circonstanciels ; ceux-ci présupposent celui-là pour leur fonctionnement,
tandis que l'inverse n'est pas vrai. Une pragmatique est fondatrice à l'égard
des relations qu'entretient empiriquement le discours avec les situations con
crètes de renonciation. Un point de vue transcendantal commande ici l'analyse
du discours.
1. E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, H, Gallimard, 1974, p. 234.
2. Une partie de ce cheminement est connu. Après que Reichenbach se fût efforcé de faire
entrer la pragmatique dans l'étude du langage, avec des notions telles que la
réflexivité-à-l'instance-de-discours (token reflexivity), le « point-temps » et le « point de réfé
rence », in Elements of Symbolic Logic, New York, MacMillan 1947, §§ 50-51, Carnap carac
térisa la pragmatique par la prise en compte de l'utilisateur du langage, in Introduction to
Semantics (Cambridge, Harvard Univ. Press, 1959). Puis Y. Bar-Hillel concentra une attention
plus systématique au concept d'usage : lieu et temps de renonciation, interlocuteurs, in
« Indexical Expressions », Mind, 1963, pp. 359-379. Vint ensuite la considération des actes de
langage, des présuppositions et des implicatures. Après le contexte, les idées jusque-là absentes
de performance et d'acte, voire d'interaction linguistique, entraient dans l'analyse. Non sans
hésitation quant au statut méthodologique de l'approche nouvelle. On connaît le contraste entre
les positions de R. Montague et de N. Chomsky. Le premier voulant faire de la pragmatique
une discipline formelle, branche des mathématiques, et le second une discipline empirique, une
branche de la psychologie.
48 Encore faut-il aller jusqu'au bout du paradigme de la communicabilité
en rapportant l'énoncé aux circonstances de Г interlocution. L'acte par lequel
la langue est mise en discours et qui est la présupposition extra- linguistique
de renonciation ne peut se définir comme un, procès d'appropriation de la
langue au locuteur. Benveniste corrige, il est vrai, cette première formulat
ion en indiquant que toute énonciation postule un allocutaire, en quoi elle
est une allocution 3. Mais, j'y insiste, si le locuteur est со- locuteur, les deux
partenaires partagent quelque peu l'initiative sémantique, et ils la partagent
pour autant qu'ils sont en relation interlocutive. Ce requisit extrêmement
profond demeure à promouvoir.
Le caractère fondamental de la pratique interdiscursive a été révélé par
Wittgenstein, qui remit en cause le paradigme traditionnel de l'expressivité.
Mais ces jeux de langage sont d'emblée publics, dénués d'historicité, leur
notion reste largement problématique. Et surtout ils neutralisent curieuse
ment l'interaction verbale dans la genèse du sens. Ils ne permettent pas de
décrire ses lieux d'insertion, non plus que son impact sur le mécanisme de la
signifiance. C'est pourquoi je retiens qu'un programme de recherche consé
quent imposait de décrire la mise en discours comme une mise en commun
auté de renonciation.
J'ai consacré ailleurs de longs développements pour établir en quoi le
sémantisme même de l'énoncé, à la fois sens, référence, et force illocutoire,
est travaillé par l'usage communicationnel 4. Mon propos a été ensuite
étendu à la détermination conjointe des contenus propositionnels dans le cas
des assertions de croyance 5, puis à la nature interactionnelle de la force ill
ocutoire dans le cas des questions 6. Quitte à accuser secondairement les
écarts, les accaparements qui marquent l'incidence asymétrique d'une des
instances énonciatives sur le procès de signifiance. Oui, même les esquives et
le

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