Langue et langage : un apport critique de la langue des signes française - article ; n°1 ; vol.137, pg 12-31
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Langue française - Année 2003 - Volume 137 - Numéro 1 - Pages 12-31
Christian CUXAC : Languages and language: a critical contribution of French Sign Language to enlighten human language faculty After been neglected by general linguistics for a long period, sign languages and particularly French Sign Language (FSL) are today considered as genuine languages among others. Beginning with a description of the functional and structural organisation of FSL, this article shows that due to their fourth dimensional structures, the use of either discrete or non discrete, iconic or non iconic units, sign languages are in fact unmarked languages compared to vocal languages. This high degree of genericity would make sign languages typological interesting linguistic objects and ideal starting points to debate about the relations between language faculty and cognition.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 35
Langue Français
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Extrait

M. Christian Cuxac
Langue et langage : un apport critique de la langue des signes
française
In: Langue française. N°137, 2003. pp. 12-31.
Abstract
Christian Cuxac : Languages and language: a critical contribution of French Sign Language to enlighten human language faculty
After been neglected by general linguistics for a long period, sign languages and particularly French Sign Language (FSL) are
today considered as genuine languages among others. Beginning with a description of the functional and structural organisation
of FSL, this article shows that due to their fourth dimensional structures, the use of either discrete or non discrete, iconic or non
iconic units, sign languages are in fact unmarked languages compared to vocal languages. This high degree of genericity would
make sign languages typological interesting linguistic objects and ideal starting points to debate about the relations between
language faculty and cognition.
Citer ce document / Cite this document :
Cuxac Christian. Langue et langage : un apport critique de la langue des signes française. In: Langue française. N°137, 2003.
pp. 12-31.
doi : 10.3406/lfr.2003.1054
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2003_num_137_1_1054Cuxac Christian
Université Paris 8
LANGUE ET LANGAGE : UN APPORT CRITIQUE
DE LA LANGUE DES SIGNES FRANÇAISE1
La surdité de naissance et les langues des signes interrogent au plus profond les
sciences du langage et leurs disciplines connexes. Avant de voir les effets épistémolo-
giques de l'intégration linguistique des langues des signes, précisons qu'elles sont les
langues de tous les paradoxes.
• Langues des signes et langue des signes
On ne peut parler stricto sensu d'une famille de langues des signes puisque très
peu d'entre elles sont génétiquement apparentées. Mais on parlera d'un indéniable air
de famille qui se situe bien au-delà de leur commune utilisation d'une même modalité
visuo-gestuelle, dans la mesure où la pratique de l'une d'elles permet d'entrer rapide
ment et efficacement en communication avec quiconque en pratique une autre.
• Petites langues et grande langue
Selon le même ordre d'idées, chaque langue des signes locale peut-être considérée
comme une petite langue en nombre de locuteurs (par exemple en France elle
concerne quelque 60 à 80 000 personnes sourdes pratiquant la LSF). Mais si l'on tient
compte du phénomène de communication internationale aisée mentionné auparav
ant, alors le nombre de locuteurs avoisine la dizaine de millions.
• Langues closes, non territoriales et grégaires.
En considérant la LSF selon le point de vue de la dialectologie, on peut parler en
France de dialectes signés propres à une institution - dont la zone d'extension peut
couvrir une région - fortement individualisés dans le domaine du lexique. Mais la
circulation dans le monde des sourds étant intense et la communication en dépit des
variantes « régionales » si peu problématique que l'on est fondé à parler d'une langue
des signes française, anglaise, américaine, etc. De plus, elles sont aussi grégaires
(Calvet, 1987) ; d'abord en raison des communications internationales dues au grand
nombre d'événements plus ou moins institutionnels regroupant les sourds du monde
entier : congrès mondiaux des sourds organisés par la Fédération mondiale des
sourds, Jeux olympiques sourds, congrès internationaux ou européens sur les langues
des signes, ou sur la défense du droit des sourds, sur la culture sourde (le colloque
« Deaf Way », sur ce dernier thème, a réuni plus de 10 000 personnes pour la plupart
sourdes en juillet 2002 à Washington) ; ensuite en raison du phénomène d'extension
de la pratique des LS en dehors de la population sourde : l'ASL (la langue des signes
américaine) est, en nombre de locuteurs, la 3 e langue autre que l'anglais apprise aux
États-Unis et, en France, la LSF connaît un tel succès qu'il est probable qu'à l'heure
1. Cet article a été élaboré dans le cadre de l'action incitative « Cognitique 2000 : Langage et
Cognition », projet LACO 39 financé par le ministère de la Recherche.
12 actuelle le nombre d'entendants pratiquant plus ou moins la LSF a atteint, voire
dépassé le de locuteurs sourds.
• Langue stigmatisée et langue de prestige de prestige dont on vient de rappeler le succès auprès de la population
entendante, la LSF est aussi une langue stigmatisée : dans le cours de l'histoire
d'abord, puisqu'en 1880 et pendant cent ans sa pratique fut interdite dans les établi
ssements spécialisés dans l'éducation des sourds (Cuxac, 1983), et stigmatisée encore
maintenant dans ce même milieu, où règne un point de vue médical très hostile à la
pratique de la langue des signes, point de vue repris par une grande majorité du
personnel enseignant et éducatif spécialisé. Il s'agit là du paradoxe le plus intenable :
sont privés de la langue des signes ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les enfants
sourds, en souffrance et dans l'urgence d'acquérir une langue première.
• Langues des signes : des langues comme les autres et pas comme les autres
Enfin, les spécificités linguistiques des langues des signes (quadridimensionnalité,
iconicité, présence d'unités à caractère non discret, mise en doute de la double articu
lation, utilisation pertinente de l'espace) mènent immanquablement à des remises en
question des axiomes centraux de la linguistique structurale. Les pages qui suivent, en
donnant une idée du fonctionnement de la LSF, devraient permetttre, je l'espère, de
lever certains des paradoxes qui viennent d'être évoqués.
1. Iconicisation de l'expérience
chez les personnes sourdes isolées
Les enfants nés sourds dans un environnement exclusivement entendant présent
ent le cas de figure unique d'êtres humains placés dans une situation où ils ne bénéfi
cient d'aucune sollicitation linguistique (verbale) et où, avec des capacités
intellectuelles normales, ils ne peuvent mettre en œuvre les processus d'acquisition
normaux d'une première langue orale. Hors système d'éducation spécialisé, et sans
rencontrer d'autres sourds pratiquant une langue des signes, que peut-il en être de
leurs relations communicationnelles avec leur entourage ?
De rares chercheurs se sont penchés sur ce problème où l'observation des faits,
antérieurement à toute anticipation théorique, est capitale.
C'est ce qu'a fait, par exemple, Yau (Yau 1992, voir aussi Souza-Fusellier, 1999) en
collectant de nombreuses données sur la constitution de langages gestuels chez des
personnes sourdes adultes isolées. Il ressort de ses recherches :
- que les lexiques créés par ces locuteurs subissent l'influence des cultures
environnantes ;
- que, en ce qui concerne les signes renvoyant aux mêmes referents stables, leurs
formes signifiantes sont fortement semblables d'un individu à l'autre.
Les faits observés par Yau sont corroborés par ce que l'on sait sur les créations de
signes chez les petits enfants sourds vivant en milieu entendant : avant leur entrée en
institution scolaire, ces enfants tentent de communiquer avec leur entourage au
moyen de gestes de leur cru (Goldin-Meadow, 1991). Si la famille réutilise les signes
de l'enfant, un code familial gestuel s'installe, assez semblable formellement aux lex
iques observés par Yau chez les adultes sourds isolés.
13 Ces créations lexicales gestuelles, constats d'une aptitude humaine à catégoriser,
permettent de faire l'hypothèse de stabilisations conceptuelles prélinguistiques.
Celles-ci s'ancreraient dans la perception ou, pour ne pas être trop réducteur, dans
l'univers perceptivo-pratique. La forte ressemblance des formes gestuelles retenues
montre qu'un processus d'iconicisation de l'expérience a été mis en œuvre et que ce
processus se fonde sur la description de contours de formes et /ou la reprise gestuelle
iconique de formes saillantes des referents catégorisés.
La valeur très générale de ce processus d'iconicisation du monde sensible, la forte
similitude iconique des formes retenues témoignent du fait que ces individus sourds
isolés réitèrent dans leur microcosme familial les premières étapes de la constitution
des langues des signes.
Il ne faut jamais perdre de vue, c'est en cela que la surdité de naissance est un
formidable analyseur, que toutes les langues des

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