Le discours d exclusion : les mises à distance, le non-droit - article ; n°1 ; vol.8, pg 5-16
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Description

Mots - Année 1984 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 5-16
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gill Seidel
Le discours d'exclusion : les mises à distance, le non-droit
In: Mots, mars 1984, N°8. pp. 5-16.
Citer ce document / Cite this document :
Seidel Gill. Le discours d'exclusion : les mises à distance, le non-droit. In: Mots, mars 1984, N°8. pp. 5-16.
doi : 10.3406/mots.1984.1137
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1984_num_8_1_1137Le discours d'exclusion:
les mises à distance, le non-droit
La saisie de l'Autre par le majoritaire. Problème perceptif: la cécité théorique1 du
majoritaire à l'égard de celles et de ceux qui sont en position de moindre pouvoir, et l'absence
de cet Etranger, racisé, féminisé, dans la culture globale. Problème des immigrés? Problème
des colonisés? Problème juif? Problème des femmes? des lesbiennes? des homosexuels?
Quelle énormité — qui colle pourtant à la langue et à sa pratique quotidienne. Il se trouve que
le majoritaire, lui, mâle, blanc, hétéro, se prend pour référence. Ce qui fait qu'il est toujours
non marqué, neutre. Voilà le problème. Et le discours a une face concrète qui obère notre
présent et notre avenir.
C'est la violence fondamentale du regard porté sur l'étranger, l'enracinement des fantasmes
dominants, l'incapacité du majoritaire à s'engager dans d'autres voies que l'assimilation ou bien
le meurtre, culturel ou physique. C'est aussi le syncrétisme de race et de nationalité, un
nationalisme racial qui remonte à Gobineau et qui se concrétise, par exemple dans l'Angleterre
d'aujourd'hui, sous la forme d'un discours juridique d'exclusion, la nouvelle législation sur la
nationalité, le British Nationality Act de 1981 2. Bref, tout un système de justification, de
mécanismes discursifs qui pose l'Etranger comme particulier face au général.
1. Colette Guillaumin, «Femmes et théories de la société: remarques sur les effets théoriques de la colère
des opprimées». Sociologie et sociétés, numéro spécial, Les femmes dans la sociologie, 13 (2), 1981.
2. Anne Dummet, Ian Martin, British nationality. The AGIN guide to the new law, Londres, AGIN
(Action Group on Immigration and Nationality) and the National Council for Civil Liberties, 1982. 6 GILL SEIDEL
Au départ de la conception de ce numéro spécial de Mots, envisagée en 1981 dans un
séminaire de Saint-Cloud, j'avais posé une problématique de l'exclusion, que reprend d'ailleurs
le titre général. Je désirais l'inscrire dans la ligne de pensée de Simone de Beauvoir, qui a réuni
dès 1949, dans une analyse globale de l'altérité, juifs, femmes, noirs, prolétaires, colonisés
(dans l'introduction de son livre, Le deuxième sexej. C'est dans le cadre de cette
problématique que j'entends situer les articles réunis pour ce numéro.
Une conséquence de cette mise au ban de la société, c'est l'impossibilité, sinon le refus, de
la part du majoritaire, de donner dans les médias (à quelques exceptions près) une
représentation adéquate de la colère et de la douleur des communautés minoritaires. Ainsi pour
la communauté noire en Angleterre, révoltée devant le meurtre des siens. L'incendie de
Deptford en 1981, dans le Sud-Est londonien, en constitue un exemple3: la criminalisation s'est
retournée contre elle.
Le même phénomène, en ce qui concerne la violence contre les femmes, a été commenté
de façon saisissante dans un article d'Emmanuelle de Lesseps qui m'a beaucoup marquée4.
L'important travail de Claire Marchai et Claudine Ribéry aurait dû trouver sa place ici. Nous
l'évoquerons ultérieurement dans la revue5.
* * *
Quels sont maintenant les mécanismes discursifs qui entrent en jeu dans l'exclusion?
Commençons par les discours d'exclusion aux accents nationalistes. « Nationalistes » ? Prenons
garde: il est tellement aisé de reproduire et de faire circuler leur langage, d'écrire
«révisionniste» en qualifiant les falsifications de l'histoire à la mode Faurisson et en laissant
choir et guillemets et distance critique.
3. Renatě Gunther, Sarah Martin, Gill Seidel, «Représentations de la manifestation noire suite à l'incendie
de Deptford où 13 jeunes noirs ont trouvé la mort», en préparation, communication prévue pour le 3e colloque
international de lexicologie politique: «Des discours de droite au discours nationaliste», Saint-Cloud, septembre
1984.
4. Emmanuelle de Lesseps, «Sexisme et racisme», Questions féministes, 7, février 1980, p. 55-102.
5. Claire Marchai, Claudine Ribéry, Sexisme et sciences humaines, Lille, Presses universitaires de Lille. A
ce sujet, voir aussi, Gill Seidel, «Political discourse analysis», à paraître dans T.A. Van Dijk (éd.), Handbook of
discourse analysis, Londres, New York, Academic Press, 1984. DISCOURS D'EXCLUSION 7 LE
Les contributions de Pierre Fiala6 et de Colette Guillaumin ne tombent pas dans ce
travers. Leurs hypothèses se recoupent en focalisant l'analyse sur deux formules proches, qui
sont aussi des objets polémiques, et sur leurs conditions d'émergence et d'énonciation. Il s'agit
des formules du discours raciste helvétique et français, respectivement /'Ueberfremdung (la
surpopulation et l'emprise étrangère) et /'immigration sauvage. Schwarzenbach, fondateur de
l'Action nationale en Suisse, admirateur du fascisme, et Le Pen du Front national en France
ont ceci en commun : ils se vantent de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. C'est le
fameux «bon sens populaire» droitiste qui émerge7. Dans d'autres discours racistes, ce «parler
franc» est encore plus explicite.
Selon l'analyse de Fiala, /'Ueberfremdung dans le discours de V extrême-droite apparaît
comme un point de convergence entre la patrie et les étrangers (la nation, elle, ne figure pas
dans le discours helvétique); mais dans le discours syndical, les éléments et les intérêts qui
sous-tendent renonciation de /'Ueberfremdung sont plus complexes.
Les deux formules tiennent lieu de théorisation et de projet politique condensé qui, en
Suisse tout au moins, peut rassembler les positions idéologiques différentes qui vont du racisme
pur à un anticapitalisme diffus. Et ces deux formules respectives deviennent principe explicatif
de toutes les difficultés de la vie quotidienne. Un tel discours rejoint aussi celui du Front
national anglais, très proche, comme nous en avons eu encore témoignage ces jours-ci, de l'aile
droite du parti conservateur et notamment du Monday Club8. Ainsi, selon Guillaumin, le
discours politique reprend des thèmes de l'idéologie dominante, communément partagée, les
radicalisent, les rendent cohérents et moteurs d'action.
6. Marianne Ebel, Pierre Fiala, Sous le consensus, la xénophobie. Paroles, arguments, contextes (1961-1981),
Lausanne, Institut de science politique, Mémoires et documents 16, 1983. Voir, plus loin, dans les «Chroniques»,
un compte rendu de cette thèse.
7. Voir Jean-Paul Honoré, «Etude du National, organe du Front national», communication aux journées
d'étude de Saint-Cloud, septembre 1983 (préparation au 3e colloque international de lexicologie politique cité).
8. Je me réfère à la Conférence du parti conservateur tenue à Blackpool en octobre 1983, où le député
tory, Harvey Proctor, a voulu faire voter une motion en faveur du rapatriement des immigrés. Interviewé à la
télévision (Newsnight, BBC 1, le 11 octobre 1983) il se défend dans ces termes: «On sait bien qu'il n'est pas
question de racisme : il s'agit du bon sens ». Et encore, lors du débat sur la motion le 13 octobre 1983 : « Ce n'est
pas du racisme, c'est du réalisme». 8 GILL SEIDEL
Tel était le cas à Dreux. «Notre programme? nous sommes contre l'immigration»
(militant du Front national que j'ai inverviewé lors des élections municipales de mars 1983). Et
encore: «Retournez à vos gourbis» (Stirbois, du Front national cité par Guillaumin).
«L'immigration sauvage» est représentée explicitement à droite comme un acte de sauvages,
déclencheur de désordre. Donc altérité dans la bestialité et dans le chaos — qui fonctionne
comme appel à la supériorité du dominant et à sa seule culture qui se veut homogène.
Autre exclusion dans l'enjeu dr ouais qui m'avait frappée

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