Le feint du monde - article ; n°72 ; vol.13, pg 163-175
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Description

Réseaux - Année 1995 - Volume 13 - Numéro 72 - Pages 163-175
Le paradigme fiction-réalité, aujourd'hui au cœur de nombreux discours sur les médias, est peu efficace dès qu'il s'agit de l'appliquer à l'analyse des programmes télévisuels. C'est, d'abord, que cette opposition binaire ne rend pas compte des mélanges subtils du factuel, du fictif et du fictionnel, qui souvent coexistent dans un même document, mais c'est surtout qu'elle omet un troisième terme, opératoire pour les penser sous l'angle de la représentation, la feintise. Celle-ci se caractérise, notamment, par la difficulté, pour le téléspectateur, à faire le départ entre histoire inventée et témoignage. De quelle façon un programme donne-t-il le sentiment du vécu ? C'est à répondre à cette question que s'emploie cet article à travers les différents types de feintise repérés dans ces histoires de Français, qui pourraient constituer une généalogie des reality-shows.
The fiction-reality paradigm, today the focus of much discourse on the media, is hardly effective when applied to the analysis of TV programmes. This binary opposition fails to take into account the subtle blend of factual, fictive and fictional often found in a single document. More importantly, it overlooks a third term whereby they could be seen from a representative point of view, i.e. pretence. The latter is characterized primarily by the difficulty, for the TV viewer, to differentiate between an invented and a true story. In what ways does a programme give the feeling of reality? An answer to this question is sought through the different types of pretence identified in these Histoires de Français which could constitute a genealogy of reality shows.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 41
Langue Français

Extrait

François Jost
Le feint du monde
In: Réseaux, 1995, volume 13 n°72-73. pp. 163-175.
Résumé
Le paradigme fiction-réalité, aujourd'hui au cœur de nombreux discours sur les médias, est peu efficace dès qu'il s'agit de
l'appliquer à l'analyse des programmes télévisuels. C'est, d'abord, que cette opposition binaire ne rend pas compte des
mélanges subtils du factuel, du fictif et du fictionnel, qui souvent coexistent dans un même document, mais c'est surtout qu'elle
omet un troisième terme, opératoire pour les penser sous l'angle de la représentation, la feintise. Celle-ci se caractérise,
notamment, par la difficulté, pour le téléspectateur, à faire le départ entre histoire inventée et témoignage. De quelle façon un
programme donne-t-il le sentiment du vécu ? C'est à répondre à cette question que s'emploie cet article à travers les différents
types de feintise repérés dans ces histoires de Français, qui pourraient constituer une généalogie des reality-shows.
Abstract
The fiction-reality paradigm, today the focus of much discourse on the media, is hardly effective when applied to the analysis of
TV programmes. This binary opposition fails to take into account the subtle blend of factual, fictive and fictional often found in a
single document. More importantly, it overlooks a third term whereby they could be seen from a representative point of view, i.e.
pretence. The latter is characterized primarily by the difficulty, for the TV viewer, to differentiate between an invented and a true
story. In what ways does a programme give the feeling of reality? An answer to this question is sought through the different types
of pretence identified in these Histoires de Français which could constitute a genealogy of reality shows.
Citer ce document / Cite this document :
Jost François. Le feint du monde. In: Réseaux, 1995, volume 13 n°72-73. pp. 163-175.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1995_num_13_72_2718LE FEINT DU MONDE
François JOST
Réseaux n° 72-73 CNET - 1995
163 — — 164 de ces deux thèses ne résiste longtemps à
l'analyse. Aux tenants du tout-fictif, on
opposera que les irréfutables écarts engen
drés par la reproduction de la réalité sont
certes définitoires de la représentation,
mais nullement de la fiction, et qu'on ne
saurait, par exemple, considérer La Mont
agne Sainte-Victoire comme fictive du
seul fait qu'elle est peinte. A ceux qui
voient dans le montage le Rubicon de la
fiction, on rappellera que celui-là est bien
antérieur à l'audiovisuel et que, s 'agissant
d'un triptyque, il ne viendrait à l'idée de
personne de tenir les effets de montage
créés par les échos, les résonances entre
les panneaux, pour des preuves de fictivité
de ce qu'ils représentent.
Allons plus loin. Si la frontière entre
fiction et réalité, entre le factuel et le fictif,
est si difficile à tracer, n'est-ce pas tout
Les mécanismes mentaux qui font que Von simplement que ces catégories n'appart
distingue ou que l'on confond fiction et iennent pas au même paradigme?
réalité doivent être abordés par ceux qui Tandis que les discours sur la réalité
travaillent pour la télévision, car pour la obéissent globalement aux mêmes règles
que les assertions - ils se jugent en termes plupart c'est encore quelque chose d'in
connu. de vérité et de fausseté et engagent le locu
Karl Popper teur (1) -, la fiction, contrairement au men
songe, échappe à ces règles, ne requérant
de la part de son locuteur que la cohérence
L'un des obstacles épistémologiques et la consistance d'un discours.
majeurs à la compréhension des
programmes télévisuels qui tra Feintise, fiction, fictionnel, fictif
vaillent la réalité, comme d'ailleurs à
l'analyse de l'information, réside dans la S 'agissant de discours sur la réalité, seul
pauvreté des outils conceptuels que nous le mensonge ou la contrefaçon s'opposent
nous donnons. Témoin l'opposition, sou à la vérité. En ce qui concerne la représent
vent réitérée, entre réalité et fiction. Si l'on ation, et non plus la langue, la fausseté
peut soutenir à la fois que tout film est un peut revêtir des formes plus douces et des
film de fiction (Christian Metz) et que tout degrés divers : de même que nos sens nous
film est un documentaire (Jean-Luc God trompent, les raisins de Zeuxis abusent les
ard), c'est bien que l'on n'a pas trouvé le oiseaux qui viennent les picorer, sans que
critère qui permettrait de discriminer ce le peintre puisse à proprement parler être
moment où le document bascule dans un traité de menteur : virtuose en son art, il a
autre univers de sens. Ou alors c'est que si bien feint la réalité qu'un spécialiste
tout est dans tout et réciproquement. aviaire peut s'y tromper. Pour décrire une
Pour ceux qui voient du fictif partout, la telle illusion, Kàte Hamburger avance un
fiction commence avec la prise de vue et la troisième terme : la feintise (2).
duplication; pour d'autres, c'est avec le Si le factuel renvoie à un événement
montage que débute son territoire. Aucune posé comme ayant réellement eu lieu (ou
(1) SEARLE, 1979.
(2) HAMBURGER, p. 48.
165 — ventée racontée à la première personne, ayant lieu, dans le cas du direct), le fictif
s'en sépare par le fossé que creuse l'inven entre le témoignage vécu et le roman (6).
tion et non par quelque caractéristique for Dans la fiction, qui, pour Kàte Hamburg
melle qui les différencierait intrinsèque er, ne s'exprime bien que dans la forme
ment a priori (sur ce point je m'écarte de épique, la troisième personne, le temps
comme les énoncés ne sont pas renvoyés à Hamburger). Chacun peut, d'ailleurs obéir
à une logique spatio-temporelle du même un Je-origine réel, mais à des Je-origines
ordre, construite également par un être qui fictifs, des personnages.
me ressemble en vue de me dire quelque Qu'un roman inclue des événements ou
chose, sans doute sous forme de récit, des personnages ayant existé, peu importe.
quelle que soit la nature de ce quelque Il est « vécu comme non réel, comme la
chose, factuelle ou fictive. En ce sens, le réalité fictive de personnages fictifs » (7).
documentaire se distingue de la fiction par Qu'on ne s'y méprenne pas : Kàte Hamb
l'inventio (il est contraint de composer urger ne dit pas qu'il est impossible de
avec le réel), pas forcément par la narrati- raconter des histoires inventées à la pre
vité de sa dispositio (3), en sorte que le mière personne ou, au contraire, de rapport
montage n'est pas une ligne de partage er des événements réels à la troisième,
entre l'un et l'autre. mais elle insiste, dans une perspective
La feintise, quant à elle, ne touche ni les somme toute gnoséologique (8), sur le fait
événements ni leur mise en récit. Elle n'est que, du point de vue de la lecture, le récit à
efficiente qu'au niveau de la représentat la troisième personne, propre à la fiction,
ion : d'un trompe-l'œil nous ne disons pas et le récit à la première personne s'oppo
qu'il est fictif, mais qu'il feint la réalité. sent : alors que l'un repose sur « l'expé
Pour Kàte Hamburger, qui s'intéresse rience de non-réalité qui est au fondement
aux genres littéraires, la feintise s'introduit de l'expérience psychologique du lecteur »
(9), le second est fondé sur « le sentiment dans le récit, dès que l'on fait usage de la
première personne. Son argumentation est du vécu que nous éprouvons » (10), d'où
la suivante : le Je est moins fictionnel que sa feintise. En sorte que, si la fiction est de
les autres pronoms, parce qu'il évoque im l'ordre du comme, de la mimésis de la réal
manquablement « un sujet d'énonciation ité, la feintise est une de l'énoncé
déterminé, individuel, donc "historique" de réalité : elle semble s'ancrer dans un Je-
au sens le plus large (4) », un « Je-ori- origine réel.
gine » réel. La théoricienne allemande ne De cette différence sémantico-phéno-
veut pas dire que le Je renvoie inévitabl ménologique entre la fiction e

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