Le temps des incertitudes - article ; n°2 ; vol.31, pg 455-462
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1990 - Volume 31 - Numéro 2 - Pages 455-462
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 10
Langue Français

Extrait

Claude Tardits
Le temps des incertitudes
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 31 N°2-3. Avril-Septembre 1990. pp. 455-462.
Citer ce document / Cite this document :
Tardits Claude. Le temps des incertitudes. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 31 N°2-3. Avril-Septembre 1990. pp.
455-462.
doi : 10.3406/cmr.1990.2246
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1990_num_31_2_2246CLAUDE TARDITS
LE TEMPS DES INCERTITUDES
Quel que soit l'intérêt de l'histoire des Albaniens du Caucase pour comprendre
le conflit dont le Karabagh est actuellement l'enjeu, ce sont moins les échanges
faits à son propos, si érudits soient-ils, qui, dans un colloque aussi inhabituel,
retiennent l'attention de l'observateur étranger, que la vue panoramique qui s'offre
de l'ethnographie soviétique à travers l'usage récurrent de certains concepts et le
recours aux analyses typologiques. Dans cette situation, ce que tente de saisir
l'étranger, c'est l'image qui, au fil de la rencontre, se dessine de cette ethnographie.
C'est une image pyramidale qui, à partir des données présentées, mais aussi de
l'ordre des communications, s'est peu à peu imposée à moi. A la base de l'édifice,
les matériaux concernant les populations de l'Union exposés par les hôtes soviéti
ques, complétés par les informations apportées par les chercheurs étrangers dans
les commentaires faits sur l'organisation des recherches ou leur contenu ; à l'étage
suivant de la pyramide, les descriptions de l'appareil conceptuel, de son histoire,
que l'on saisit autant à travers ses mises en question qu'à travers son emploi ; vient
ensuite le troisième étage occupé par les indications que l'on tire de la communicat
ion de E. Gellner qui permettent de percevoir comment les programmes politiques
qui commandent les recherches se trouvent ordonnés et légitimés par la vision de
l'histoire qu'engendre la théorie marxiste. Puis coiffent l'ensemble les réflexions de
V. Plotkin expliquant comment la pensée russe est en permanence modelée par une
tradition culturelle inconsciente l'enfermant dans un monisme générateur de comp
ortement de foi ou de rejet.
Image évidemment simplificatrice, qui n'est peut-être même qu'une commodité
que l'étranger cherche à se donner pour ordonner les réflexions que suscitent la
description d'univers de populations qui lui sont étrangers et l'observation de
débats où les échanges se complètent en s'opposant mais dont une partie des réfé
rences lui échappe.
Commençons par la base de la pyramide et disons immédiatement que l'ethno
graphie soviétique paraît avoir suivi, depuis la révolution, un parcours qui présente
des similarités avec celui qu'a connu l'anthropologie occidentale, particulièrement
en France : ceci apparaît lorsqu'on examine les tâches qui ont été assignées à la
recherche ainsi que ses modes d'organisation. Des comparaisons sont possibles
dans ces deux domaines, où apparaissent des convergences et des divergences.
Cahiers du Monde russe et soviétique. XXXI (2-3), avril-septembre 1990. pp. 455-462. 456 CLAUDE TARDITS
Avant de procéder plus avant, une remarque peut être utile. Indiquons ici que
le fait, pour les chercheurs soviétiques, de se qualifier d'ethnographes alors que
leurs collègues français ont retenu le terme d'anthropologues, m'a paru sans inc
idence sur le déroulement de la rencontre : les participants s'occupent manifeste
ment des mêmes objets même s'ils le font par des approches différentes. Dans ces
affaires d'étiquette, chacun a son histoire et, en France, le qualificatif d'ethnologue
n'a fait place à celui d'anthopologue qu'à partir des années 60, et encore pas
toujours.
Les recherches sur le terrain, en Union Soviétique, peuvent être conduites par
des groupes interdisciplinaires ou par des chercheurs isolés, ce qui se retrouve
aussi en Occident. Il existe quelques différences : la programmation n'est pas cen
tralisée en France, bien que des chercheurs soient parfois incités à entreprendre
certaines recherches ; les anthropologues anglais ou français sont invités à rester,
au moins lors de leur premier séjour, sur leur terrain aussi longtemps que possible,
deux ans s'ils le peuvent, une pareille durée leur permettant de se familiariser avec
la langue et d'observer la vie du groupe où ils travaillent pendant au moins un
cycle annuel ; les séjours des chercheurs soviétiques paraissent, en regard, courts
(cf. article de F. Longuet-Marx). On retrouve à l'Est les deux voies qui se sont
trouvées offertes aux Anglais et aux Français en particulier après la Seconde
Guerre mondiale : la poursuite de travaux descriptifs et analytiques devant aboutir
à des monographies, ou bien des recherches exécutées afin de réaliser ou de suivre
des programmes de développement économiques et sociaux. Ces derniers engage
ments fragilisent partout la discipline car les chercheurs se trouvent associés à des
entreprises qui initialement peuvent avoir été conçues sans information ou
réflexion suffisante ce qui les lie ensuite aux échecs qui peuvent intervenir. On
peut aussi leur imputer l'insuffisance de l'information dont on dispose sur des
sociétés en pleine transformation alors qu'ils ne sont pas responsables de la pr
ogrammation des recherches.
Une des plus étonnantes aventures dans laquelle l'ethnographie soviétique se
soit trouvée engagée est évidemment la création de nouveaux rituels non religieux,
à l'échelle de l'Union, entreprise qui, nous indique N. Sadomskaya, suscita des
enthousiasmes. La politique des rituels devait aider à unifier les peuples de
l'Union. L'auteur de la communication affirme que cette tentative échoua - est-ce
absolument général ? - et elle en donne les raisons.
Les nouveaux rituels étaient proposés aux populations d'en-haut et leur ordon
nancement, élaboré à partir de faits passés oubliés, ne résultait pas d'un processus
historique dans lequel était engagée la population. Un tel diagnostic interpelle
l'ethnographie soviétique. Nombreuses sont les études de rituels faites en Occident,
qui soulignent que les rituels sont lourdement chargés de symboles qui ont, pour
les populations concernées, une valeur émotive et mobilisatrice. L'ethnographie
soviétique pouvait-elle l'ignorer ? Il y a là une histoire dont l'analyse intéresse
toute notre discipline où qu'elle soit.
Plusieurs communications, concernant les populations de Sibérie, des républi
ques du Caucase et d'Asie Centrale, ont présenté soit le résultat de travaux qui relè
vent de l'ethnogénèse (V.I. Vasil'ev, CE. Markov, F. Mamedova), soit les procès
de transformation des ethnies (V.I. Vasil'ev, P. Vitebsky, D.B. Shimkin,
K.V. Cistov). LE TEMPS DES INCERTITUDES 457
S'agissant d'ethnogénèse, quelques traits nous ont paru remarquables : d'abord,
le double travail qu'elles impliquent d'observation des groupes vivants, de reconsti
tution historique, peut-être facilitée dans certaines régions telles que le Caucase et
l'Asie Centrale par l'existence de textes anciens faisant référence aux ethnies étu
diées, ensuite la préoccupation des ethnographes d'assigner une place aux groupes
étudiés dans les stades de la typologie évolutionniste ; certes, on semble avoir
aujourd'hui surtout souci d'utiliser une typologie socio-économique et socio
culturelle. Quel que soit le cadre retenu, c'est la permanence de préoccupations
typologiques, avec tous les débats qui la marquent et qui semblent avoir été sou
vent fort vifs, qui frappe l'anthropologue occidental.
Cette orientation historique, accompagnée d'une démarche typologique,
diverge profondément de celle des anthropologues anglais et français. Chez ces
derniers, la discipline a un objectif essentiel : décrire aussi minutieusement et
rigoureusement que possible le fonctionnement des sociétés étudiées, qui ne sont
pas nécessairement coextensives à une ethnie mais peuvent rassembler en leur sein
plusieurs ethnies, ce qui sera par exemple le cas pour celui qui travaille dans une
royauté africaine. Rappelons incidemment qu'aux États-Unis les chercheurs étaient
incités à se poser devant les institutions de

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