Le temps du polar - article ; n°1 ; vol.97, pg 14-42
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Description

Langue française - Année 1993 - Volume 97 - Numéro 1 - Pages 14-42
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Itziar Plazaola Giger
M. Jean-Paul Bronckart
Le temps du polar
In: Langue française. N°97, 1993. pp. 14-42.
Citer ce document / Cite this document :
Plazaola Giger Itziar, Bronckart Jean-Paul. Le temps du polar. In: Langue française. N°97, 1993. pp. 14-42.
doi : 10.3406/lfr.1993.5824
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1993_num_97_1_5824Itziar PLAZAOLA GlGER et Jean-Paul BRONCKART
Université de Genève
LE TEMPS DU POLAR
Quelles sont les règles qui président, en français, à l'emploi des temps dans la
narration ? Revivifiée par les propositions de Benveniste (1959) et de Weinrich
(1964/1973), cette vieille question a été longuement débattue au cours de la dernière
décennie, la contestation des thèses fondatrices ayant suscité de nouvelles hypothès
es interprétatives (voir notamment Labov, 1972 ; Hopper, 1979 ; Kamp & Rohrer,
1983), elles-mêmes contestées pour leur trop grand degré de généralité. L'objectif de
la présente étude est de reprendre cette question, en nous centrant sur un
sous-ensemble d'œuvres romanesques dont nous pensions (naïvement sans doute)
qu'elles se caractériseraient par une simplicité et une transparence relatives de leurs
modes de structuration : les romans policiers contemporains. La grande diversité
des structurations temporelles observées dans notre corpus de départ nous a
conduits à limiter notre étude à cinq romans dont les temps de base des segments
narratifs (par opposition au discours rapporté) sont le passé simple et l'imparfait.
Ont donc été exclus de cette analyse les textes rédigés au seul présent ou combinant
l'emploi du passé simple, du passé composé et/ou du présent. L'étude d'un tel
corpus restreint ne permet donc nullement de formuler une théorie générale des
modes de structuration temporelle des polars ; elle vise plus modestement à
identifier certaines des stratégies à l'œuvre dans les narrations au passé
simple/imparfait.
1. La structuration temporelle de la narration
Selon la tradition inaugurée par la Poétique d'Aristote, l'élaboration de la
narration relève des processus de mimesis (cf. Ricoeur, 1983) et se caractérise par la
construction d'un « monde fictif » : le narrateur présente les événements « comme
si » ils s'étaient réellement produits. Dans le commentaire qu'en fournit Hamburger
(1977/1986), cette proposition fait cependant l'objet d'une réinterprétation impor
tante : l'enjeu de la narration est d'abord de créer un monde plausible (c'est une
structure en Comme plutôt qu'en Comme Si) et notamment de mettre en mouve
ment des personnages suffisamment semblables aux personnes du « monde réel »
pour que le lecteur les reconnaisse (et surtout — ajouterait Ricceur — pour qu'il s'y
reconnaisse) : la narration est le seul lieu où les personnages agissent, pensent et
parlent « comme dans la vie » et où la subjectivité d'une tierce personne peut être
présentée telle et non seulement comme objet. Dans cette option, à laquelle
14 adhérons * et dont nous tirerons quelques conséquences méthodologiques (cf. nous
3.3. 2., infra), la fiction n'est dès lors qu'une conséquence secondaire de la volonté
de « semblance ». Semblant et/ou fictif, le monde invoqué par la narration est
cependant toujours non situé par rapport aux paramètres matériels de l'acte
d'énonciation (tels qu'ils sont définis par Bronckart, dans ce numéro). Il s'ensuit
donc que la structuration temporelle de la narration ne peut avoir trait à la mise
en relation déictique du moment d'un (ou de plusieurs) des procès narrés avec celui
de l'acte d'énonciation, mais qu'elle relève nécessairement de procédés internes de
mise en contraste (ou en opposition) des divers états et événements évoqués. Si
cette valeur fondamentalement discursive des temps des verbes des œuvres
narratives n'est plus guère discutée, des divergences subsistent quant au statut
même de ces procédés (sur quelles bases sont constituées les classes de procès mises
en contraste ?) et quant à leur champ d'application : s'agit-il d'un contraste global
(affectant l'ensemble de la narration) ou de procédés d'opposition de procès à
caractère plus local ?
Un premier ensemble d'hypothèses interprétatives met l'accent sur la mise en
contraste globale.
Labov (1972 ; voir aussi Labov & Waletsky, 1967) distingue les « phrases
narratives », dont la succession ordonnée traduit fidèlement la chronologie des
événements (un texte narratif minimal doit comporter au moins une séquence de
deux de ces phrases) et les « phrases non narratives », qui ne sont pas soumises à
cette contrainte temporelle et qui peuvent en conséquence être déplacées sans nuire
fondamentalement à l'intelligibilité de l'histoire. Situées sur l'« axe temporel »
(time line), les phrases du premier type constitueraient le « squelette » du texte,
alors que celles du second type seraient décalées par rapport à cet axe et
fourniraient la « chair » du texte, c'est-à-dire des éléments d'information non
ordonnés contribuant à la compréhension ou à l'évaluation des informations
fournies sur l'axe temporel. C'est dans le prolongement de cette analyse que Hopper
(1979 ; voir aussi Hopper & Thompson, 1982) a établi la distinction entre phrases
relevant du foreground (avant-plan) et phrases relevant du background (arrière-
plan) : les premières présenteraient les événements dans un ordre « iconique »,
c'est-à-dire « correspondant à leur succession dans le monde réel » (1979, p. 214),
alors que les secondes ne seraient pas insérées dans la séquentialité d'avant-plan
mais entreraient en concurrence avec elle. À ce contraste fondé sur la succession a
été associée une distinction relative à l'« importance humaine » des procès narrés ;
pour Wallace par exemple, seraient présentés à Pavant-plan « les événements les
plus importants de la narration, ... les principaux personnages ou entités impliqués
dans un épisode », alors que l'anïère-plan inclurait « des événements de moindre
importance, ... des descriptions, ... des digressions et des personnages mineurs »
(1982, p. 208). Selon Hopper, ce contraste de foregrounding entraînerait en outre
une distribution différenciée des types de procès (ou de verbes) : les verbes
1. Nous ne suivrons cependant pas Hamburger dans sa réduction de la fiction narrative aux seuls genres épique
et dramatique (récits à la 3* personne), et nous intégrerons dans notre analyse les récits à la V personne.
15 et ponctuels apparaîtraient plus fréquemment dans les phrases dynamiques
d'avant-plan, alors que les phrases d'arrière-plan comporteraient essentiellement
des verbes statifs, duratifs et itératifs. Reprenant l'analyse du système des temps
du français proposée par Reid (1976), le même auteur considère que dans cette
langue, le passé simple (ci-après PS) constitue la marque morphologique du
premier-plan et l'imparfait IMP) celle de l'arrière-plan (et qu'en consé
quence l'association fréquemment observée du PS avec des procès dynamiques et
de Г1МР avec des procès statiques ne constitue qu'une conséquence seconde de la
structuration temporelle globale du discours). Il relève en outre que les procès
d'avant-plan apparaîtraient exclusivement dans les propositions principales alors
que les procès d'arrière-plan se situeraient préférentiellement dans des subordonn
ées.
Cette approche est criticable à maints égards et d'abord en ce qu'elle repose sur
la double hypothèse de l'objectivité de l'« histoire » (cf. l'évocation du « monde
réel » chez Hopper) d'une part, sur celle d'un parallélisme étroit entre la structu
ration temporelle de cette histoire et la structuration temporelle de l'« acte
narratif»2 d'autre part. L'« » d'un roman relevant non d'un monde
objectif mais d'un monde semblant, on ne dispose d'aucun critère permettant
d'établir a priori une hié

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