Les assises du pouvoir zaydite au XIIIe siècle - article ; n°1 ; vol.67, pg 25-38
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1993 - Volume 67 - Numéro 1 - Pages 25-38
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 27
Langue Français
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Extrait

Nahida Coussonnet
Les assises du pouvoir zaydite au XIIIe siècle
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°67, 1993. pp. 25-38.
Citer ce document / Cite this document :
Coussonnet Nahida. Les assises du pouvoir zaydite au XIIIe siècle. In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée,
N°67, 1993. pp. 25-38.
doi : 10.3406/remmm.1993.1585
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1993_num_67_1_1585Nahida Coussonnet
LES ASSISES DU POUVOIR ZAYDITE
AU XIIIe SIÈCLE
A la mémoire de Patrice Coussonnet
Le zaydisme domine l'histoire des hauts plateaux yéménites du nord depuis le IXe siècle. En tant
que courant religieux, il se réclame de Zayd b.'Alî Zayn al-'Àbidïn, ce petit-fils d'al-Husayn b.'Ali
b. Abi Tâlib mort en muharram 122H/ janvier 740, sous les coups de la répression umayyade qui
toucha tant d'autres 'Alides. Il faudra pourtant attendre l'apparition du premier Etat zaydite au sud
de la mer Caspienne en 250H/864, pour parler d'un mouvement politique structuré. Le zaydisme
fut introduit au Yémen peu de temps après, lorsqu'en 283H/897 un certain Yahyâ b. al-Husayn quit
ta le Hédjaz avec une cinquantaine d'autres descendants du Prophète (sayyid pi. sàda) pour répondre
à la demande d'arbitrage des tribus de Hawlân Qudâ'a installées dans la région de Sa'da. Il se pro
clama imam sous le nom d'al-Hâdi ilâ-1-Haqq et jeta les bases d'un Etat qui se perpétua, malgré
de très fortes oppositions, jusqu'à la chute du dernier imam en 1962. L'histoire du Yémen au cours
des siècles est extrêmement complexe et mouvementée. A la période qui nous intéresse, c'est-à-
dire au XIIIe siècle, trois pouvoirs antagonistes se partagent principalement la scène politique des
hauts plateaux. Les Zaydites sont fortement implantés au nord au cœur même des territoires tribaux,
alors que les Ayyubides dominent le sud. Leurs possessions passent sous l'autorité des Rasulides,
leurs atàbek-s* qui se proclament indépendants en 628H/1231 après la mort d'al-Malik al-Mas'ûd
(612H-626H/1215-1229) leur dernier souverain ; les Ismaïliens sont, quant à eux, confinés à
quelques enclaves et places fortes, notamment dans le Gabal Haràz. La communauté zaydite est,
de fait, extrêmement divisée et son autorité affaiblie par des querelles intestines. De 1248 à 1258,
RE.M.M.M. 67, 1993/1 26 / Nahida Coussonnet
l'imam zaydite al-Mahdî li-Dïn Allah Ahmad b. al-Husayn, tente en vain de restaurer la cohésion
de son parti menacée par les graves dissensions qui ont ébranlé la dynastie après la mort de l'imam
al-Mansûr bi-Llâh 'Abdallah b. Hamza (583H-614H/1 187-1217).
Cet éclatement communautaire, qui marque les premiers siècles de l'implantation de la doctrine
zaydite au Yémen, nous conduit à nous interroger sur les assises et les rouages de ce pouvoir, c'est-
à-dire sur les éléments fondant sa stabilité sur une période historique très longue. Le système éta
tique apparaît en effet faible et vulnérable ; véritable squelette institutionnel, l'Etat renaît tel un phénix
de ses cendres au gré des événements, disparaissant à la mort de certains imams et ressurgissant
avec d'autres. Une telle interrogation est d'autant plus pertinente que l'imamat zaydite se maintient
durablement au pouvoir, malgré toutes ces vicissitudes. Il est possible de saisir les mécanismes de
ce système politique à travers la lecture d'un certain nombre de chroniques et biographies (sïra pi.
siyar) d'imams célèbres. Documents historiques d'un intérêt exceptionnel, les sïra-s ouvrent le
champ à diverses recherches grâce aux multiples renseignements qu'elles livrent. Elles sont cepen
dant avant tout, un mode d'écriture de l'histoire politique zaydite et, par conséquent, un instrument
de légitimation de cette idéologie. En effet, tout tend dans ces textes à poser le pouvoir zaydite face
aux autres pouvoirs et à prouver que le zaydisme est la meilleure, voire la seule alternative poli
tique pour le pays. Une telle légitimation passe, bien entendu, par une "reconstruction" de l'histoi
re particulièrement évidente lors de la confrontation de ces sïra-s aux sources historiques non
zaydites. Elle recourt nécessairement à quelques artifices littéraires telle l'occultation ou la banal
isation de faits peu glorieux ayant marqué la vie des imams et l'exagération d'autres faits ; elle repos
e, en bref, sur l'élaboration d'une geste dont les aspects légendaires ne sont pas sans rapports avec
l'épopée de 'Ali.
La s'ira de l'imam al-Mahdï li-Dïn Allah Ahmad b. al-Husayn (646H-656H/1248-1258) est à ce
titre particulièrement riche en enseignements. Il ne s'agit pas, a priori, d'un grand imam puisqu'il ne
s'est pas distingué par une production littéraire de grand intérêt et que son règne, jalonné de guerres
incessantes, n'a pas connu de grandes réalisations. Dès le départ, son entreprise apparaissait comme
une gageure. Il devait asseoir son pouvoir et tenir tête à une partie de sa propre communauté : sous
l'égide des Banù Hamza, les descendants de l'imam al-Mansûr bi-Llâh 'Abdallah b. Hamza qui br
iguaient eux-aussi le pouvoir, celle-ci ne cessa jamais de remettre en cause son imamat. Il lui fallait
aussi étendre son domaine par des conquêtes et empêcher l'expansion de la dynastie rasulide nais
sante. Sa lutte implacable contre les Ismaïliens ne lui laissa, en outre, jamais un instant de répit. L'imam
Ahmad b. al-Husayn fut trahi de tous côtés et notamment par ceux qui, logiquement, auraient dû le
soutenir. Ses tentatives de réunification de l'imamat se soldèrent par un sanglant échec. Il mourut sur
le champ de bataille, après un combat exemplaire et acharné, dans le wàdï Suwâba près du village
de Di Bin, en safar 656H/fév.-marsl258 (Sïra, Mf°l 12v). Ahmad b. al-Husayn connut le martyre
des propres mains des Zaydites, adroitement manipulés par le deuxième sultan rasulide, al-Malik al-
Muzaffar Sams al-Dïn Yûsuf b.'Umar b.'Alï b. Rasûl (647H-694H/1 250- 1295). Son corps fut déca
pité et sa dépouille profanée comme celle de Zayd b.'Ali, le fondateur du mouvement zaydite
(C. Van Arendonck, 1960 : 33 sq) ; il fallut attendre trois ans pour qu'il reçût une sépulture décent
e (Sïra Mf°l 12v et 123 ; 'Ali b. al-Hasan al-Hazragi, 1983 : 1, 1 16). Il est inhumé depuis lors, dans
un mausolée attenant à la mosquée de Di Bin1, petit village situé à 74 kms environ au nord-est de
Sanaa, au pied de la montagne de Zafâr. Sa tombe est un lieu de pèlerinage vénéré, jalousement gardé
par les habitants de l'endroit, qui en interdisent l'accès aux "étrangers". L'histoire de son règne nous
est parvenue à travers des sources éditées2 mais surtout, grâce au récit détaillé qu'en a fait son beau-
frère et principal lieutenant, Yahyâ b. al-Qâsim b.Yahyâ b. al-Qâsim b.Yahyâ b. Hamza al-Hamzi,
auteur d'une biographie dont les différents manuscrits sont en cours d'édition3.
En tant que système politique, l'imamat zaydite du XDT siècle tel qu'il se profile à travers ces textes
est assez difficile à définir. Il semble, a priori, totalement "astructuré". Les imams donnent l'im
pression de n'avoir aucune stratégie politique ; ils jugent au coup par coup et se laissent porter par assises du pouvoir zaydite au XIIIe siècle /27 Les
les événements qu'ils subissent. Une analyse plus approfondie révèle pourtant un système tentaculaire
et puissant aux multiples rouages, tissant une toile à laquelle il n'est guère aisé d'échapper.
Assises spirituelles
Le religieux y occupe comme il se doit, une place de choix et le pouvoir est fortement sacralis
é. Le processus de prise de pouvoir s'apparente lui-même à un parcours initiatique. Le prétendant
à l'imamat doit, en premier lieu, réunir en lui un certain nombre de qualités indispensables à sa recon
naissance future par la communauté4. Après avoir surmonté cet obstacle, il doit s'auto-proclamer
imam, c'est-à-dire annoncer publiquement dans un discours politico-religieux (da'wà), son inten
tion de prendre la tête de la communauté et en adresser

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