Les Français de Côte d Ivoire - article ; n°1 ; vol.104, pg 20-36
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Les Français de Côte d'Ivoire - article ; n°1 ; vol.104, pg 20-36

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Description

Langue française - Année 1994 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 20-36
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Y. Simard
Les Français de Côte d'Ivoire
In: Langue française. N°104, 1994. pp. 20-36.
Abstract
Yves Simard: « Varieties of French spoken in Ivory Coast »
Our purpose in this paper is to present Ivorian Empirical Standard French as the result of vernacularization of Academic French,
via two interdependant sociolinguistic factors, by Ivory Coast speakers having at least a secondary school education. These
factors are the semantic structures peculiar to orality and the presence of a Pre-Creole French, originally spoken only by the
uneducated but now used by the younger generation as a typical Ivorian language.
Citer ce document / Cite this document :
Simard Y. Les Français de Côte d'Ivoire. In: Langue française. N°104, 1994. pp. 20-36.
doi : 10.3406/lfr.1994.5736
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1994_num_104_1_5736SlMARD Yves
Centre de Linguistique Appliquée
Université de Franche-Comté
LES FRANÇAIS DE CÔTE D'IVOIRE
1. Description de la situation linguistique
Pour les autres Africains des pays francophones comme pour nous francopho
nes d'Europe ou d'Amérique, il ne fait aucun doute que le français en Côte d'Ivoire
se soit ivoirisé, à cause évidemment des formes que l'on y trouve, mais surtout au
niveau de son usage. C'est-à-dire qu'il y a une norme locale, endogène, qui y régit
maintenant les usages. Nous pouvons dire « le français de Côte d'Ivoire » comme
nous disons aujourd'hui « le français du Québec » car les deux communautés
linguistiques présentent des similitudes à bien des égards *.
C'est là, pensons-nous, le principal fait d'appropriation dont tous les autres
découlent. Nous constatons donc aujourd'hui que la langue française s'est fondue
dans le moule de la société ivoirienne, pour en arriver à ce qui se passe dans toute
communauté linguistique, à savoir à une symbiose entre la langue et la société. La
langue informe la société et la société informe la langue puisque cette dernière est la
constituante principale du tissu social, la première et la plus importante des
interactions sociales. On peut en quelque sorte parler de « vernacularisation » du
français en ce sens que cette langue est le reflet et l'expression de la société
ivoirienne, tant au plan de sa structure sociale qu'à celui de sa façon d'appré
hender le monde et d'en rendre compte.
La société ivoirienne peut se diviser en deux grands groupes sociaux : les
scolarisés et les non scolarisés. Il en résulte deux grandes variétés de français : le
français des scolarisés qui sera appelé « l'ivoirien cultivé » et celui des non scola
risés qu'il est convenu d'appeler le « français populaire ivoirien », désormais FPL
C'est à la première variété que nous consacrerons l'essentiel de cet exposé, mais il
est nécessaire de procéder à une brève description du FPI car un certain nombre de
ses formes ont été intégrées par les locuteurs instruits et possèdent très souvent une
valeur intégrative car elles sont jugées représentatives de la société ivoirienne.
Cette ivoirisation du français est due à trois facteurs.
1° - II y a en premier lieu, si l'individu veut prendre une part active à la vie de
la nation et de la société, le caractère de nécessité du français. Cette caractéris-
1. Voir Hattiger et Simard (1983).
20 tique n'est pas spécifique à la Côte d'Ivoire puisqu'elle se rencontre dans tous les
pays où il y a des langues en contact et où une de ces langues constitue l'acrolecte.
Mais cette caractéristique est indissociable des autres dont nous allons parler. Ce
seront donc les trois facteurs réunis qui sont responsables de la « vernacularisa-
tion » du français en Côte d'Ivoire.
2° - Le second facteur se situe dans l'absence d'un véhiculaire africain à
l'échelle du pays. П existe en Côte d'Ivoire une soixantaine de langues pour une
population d'un peu plus de 7 millions d'habitants. Cette situation n'a en soi rien
d'exceptionnel puisque le plurilinguisme se rencontre dans tous les pays d'Afrique
noire. Mais, dans de nombreux pays, il y a eu l'émergence d'une langue africaine
comme véhiculaire interethnique ; ceci a pour conséquence de limiter l'emploi du
français comme c'est le cas au Sénégal et au Zaïre notamment. Il existe bien en Côte
d'Ivoire un véhiculaire issu du dioula, langue du groupe mandé, mais bien qu'util
isé par plus de 60 % de la population, comme le fait remarquer Lafage (1982), ce
véhiculaire est restreint à un emploi spécialisé, celui du négoce. C'est donc tout
naturellement que s'est développée une variété particulière de français à fonction interethnique, variété que nous appellerons le FPI et dont nous parle
rons plus en détail ci-dessous au § 2 2. Donc, le français sera non seulement la
langue officielle mais servira également de véhiculaire interethnique dans tous les
secteurs à l'exception de celui du négoce.
3° - Enfin, dernier facteur et non le moindre, le développement économique
de la Côte d'Ivoire depuis son accession à l'indépendance en 1960. Cet essor
économique a eu comme conséquence première non seulement de renforcer le
caractère de nécessité du français mais également de le rendre présent partout, sur
tout le territoire.
Mais avant de décrire la modification du paysage linguistique qui en résulte, il
importe de voir plus en détail les changements sociaux imputables au développe
ment économique.
• La prospérité économique de la Côte d'Ivoire et le développement de ses
infrastructures a eu pour effet d'attirer des populations venues d'horizons les plus
divers. En premier lieu, ce sont les travailleurs migrants, venus surtout d'Afrique
de l'Ouest mais aussi d'Afrique Centrale, non scolarisés pour la plupart, qui se sont
retrouvés principalement dans les grandes villes comme Abidjan et Bouaké mais
aussi dans d'autres centres d'activités économiques et industrielles pour y occuper
des emplois subalternes comme chauffeurs, gardiens, boy-cuisiniers, manœuvres,
blanchisseurs ou ouvriers agricoles dans les plantations. Ce sont aussi de nombreux
Libanais, principalement dans les secteurs commerciaux de Г agro-alimentaire et
du textile, mais également des cadres et enseignants Africains qui trouvaient dans
ce pays des emplois correspondant à leurs qualifications, ce que ne leur offrait pas
leur pays d'origine. À côté de ces migrants proprement dits, il faut noter la présence
2. Pour plus de détails sur l'émergence du français comme langue véhiculaire, voir Simard (1992 :
300-301).
21 nombreux Africains et Occidentaux, soit en tant qu'experts ou enseignants dans de
les organismes d'aide et de coopération, soit en tant que cadres de grands groupes
industriels ou commerciaux implantés en Côte d'Ivoire ou d'organismes interna
tionaux. Il s'est donc développé un pays ouvert sur le monde où le français jouait le
premier rôle dans la communication.
• Même si l'école n'est pas encore accessible à tous, loin s'en faut, elle est
devenue obligatoire dans l'esprit de tous car elle permet d'acquérir des connais
sances qui permettent de s'élever socialement et d'atteindre une compétence en
français donnant la possibilité d'occuper des fonctions socialement valorisantes.
Comme cela s'est passé en France à partir de la fin du XIXe siècle, l'école constitue
le principal facteur d'unification linguistique. Mais, sans développement économi
que, sans perspective de trouver un emploi dans un secteur valorisant, l'école ne
serait restée qu'un lieu de développement du bilinguisme et non pas un des
principaux moteurs de la transformation sociale. Pour illustrer l'image que se font
les Ivoiriens d'aujourd'hui de l'école, nous reproduisons ci-dessous un texte issu de
l'enquête linguistique que nous avons réalisée en Côte d'Ivoire en 1990-91 (Simard
1991), enquête qui nous a permis de constituer un vaste corpus de productions
orales et écrites et dont nous tirons les principaux éléments de cet article. Le corpus
ainsi constitué contient entre au

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