Les « Guignols » de l information : une dérision politique - article ; n°1 ; vol.40, pg 53-65
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Description

Mots - Année 1994 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 53-65
LES « GUIGNOLS » DE L'INFORMATION : UNE DÉRISION POLITIQUE L'écoute biaisée et ironique du politique, pour traditionnelle qu'elle soit, n'en connaît pas moins depuis ces dernières années un développement et une mutation spectaculaires, notamment par le biais de la télévision. L'analyse de l'émission télévisée « Les Guignols de l'information » permet de spécifier les formes de cette satire politique et sa portée. Postulant qu'il n'est d'autre réel que celui de l'image, elle propose une vision du monde comme simulacre qui rend caduque la conception de la politique héritée des Lumières.
« PUPPETS » OF THE NEWS : A POLITICAL MOCKERY The ironic, slanted discourse of politics, however traditional it may be, has undergone spectacular development and change in recent years, particularly through the intermediary of television. Through analysis of the television program « Puppets of the News », the forms and scope of this political satire can be identified. Postulating that there is no real other than that of the image, this analysis concludes by putting forth a vision of the world as simulacrum which makes the conception of politics passed down from the Enlightenment obsolete.
LOS «GUIŇOLES» DE LA INFORMACIÓN : UNA BURLA POLITICA La escucha tergiversada e irónica de lo politico, a pesar de ser tradicional, conoce estos ultimos aňos un desarrollo y una mutación espectaculares, sobre todo con la television. El analisis de la emisión televisiva Los guiňoles de la información permite especificar las formas de esta satira politica y su alcance. Al postular que la imagen es la sola realidad, propone соmо vision del mundo la de un simulacre que hace caduca la concepción de la política heredada de las Luces.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 69
Langue Français

Extrait

Marlène Coulomb-Gully
Les « Guignols » de l'information : une dérision politique
In: Mots, septembre 1994, N°40. pp. 53-65.
Résumé
LES « GUIGNOLS » DE L'INFORMATION : UNE DÉRISION POLITIQUE L'écoute biaisée et ironique du politique, pour
traditionnelle qu'elle soit, n'en connaît pas moins depuis ces dernières années un développement et une mutation spectaculaires,
notamment par le biais de la télévision. L'analyse de l'émission télévisée « Les Guignols de l'information » permet de spécifier les
formes de cette satire politique et sa portée. Postulant qu'il n'est d'autre réel que celui de l'image, elle propose une vision du
monde comme simulacre qui rend caduque la conception de la politique héritée des Lumières.
Resumen
LOS «GUIŇOLES» DE LA INFORMACIÓN : UNA BURLA POLITICA La escucha tergiversada e irónica de lo politico, a pesar de
ser tradicional, conoce estos ultimos aňos un desarrollo y una mutación espectaculares, sobre todo con la television. El analisis
de la emisión televisiva Los guiňoles de la información permite especificar las formas de esta satira politica y su alcance. Al
postular que la imagen es la sola realidad, propone соmо vision del mundo la de un simulacre que hace caduca la concepción
de la política heredada de las Luces.
Abstract
« PUPPETS » OF THE NEWS : A POLITICAL MOCKERY The ironic, slanted discourse of politics, however traditional it may be,
has undergone spectacular development and change in recent years, particularly through the intermediary of television. Through
analysis of the television program « Puppets of the News », the forms and scope of this political satire can be identified.
Postulating that there is no real other than that of the image, this analysis concludes by putting forth a vision of the world as
simulacrum which makes the conception of politics passed down from the Enlightenment obsolete.
Citer ce document / Cite this document :
Coulomb-Gully Marlène. Les « Guignols » de l'information : une dérision politique. In: Mots, septembre 1994, N°40. pp. 53-65.
doi : 10.3406/mots.1994.1907
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1994_num_40_1_1907Marlène COULOMB-GULLY
Université Toulouse 2
Les « Guignols » de l'information
une dérision politique
«Je me presse de rire de tout de peur
d'être obligé d'en pleurer»
Le barbier de Seville, I, 2
Exercice de zapping en début de soirée, à l'heure où la télévision
bénéficie d'une audience maximale : tandis que « PPD » officie sur
Canal Plus, les « Bébêtes » se déchainent sur TFI ; quant à France
2, elle a découvert le charme décapant de « Rien à cirer », qui
s'est récemment converti à la forme télévisuelle.
La télévision n'a pas le monopole de la dérision : à midi, sur
France Inter, « Rien à cirer », toujours, égratigne sans états d'âme
les personnalités politiques du jour, alors que Jean Roucas sévit sur
Europe 1. Quant au dimanche, jour du Seigneur, la grand messe a
été remplacée par deux heures d'émissions satiriques sur France
Inter et par un florilège des « Guignols » de la semaine sur Canal
Plus : de la parousie à la parodie...
Si la satire politique est une tradition ancienne, vivace dans la
Grèce antique comme sous l'Empire romain, florissante sous la
Troisième République, il semble néanmoins que la période actuelle
se caractérise par une recrudescence de ce rapport distancé à la
chose publique.
L'écoute du politique dont témoignent les médias, et la télévision
en particulier, est, schématiquement, de deux ordres : une écoute
fidèle, en quelque sorte, où la télévision se constitue en tribune du
politique et se fait l'écho des grands débats publics (allant dans
bien des cas jusqu'à se substituer, dit-on, aux lieux traditionnellement
53 ; une écoute biaisée, ironique, du politique qui, pour consacrés)
traditionnelle qu'elle soit, n'en connait pas moins depuis ces
dernières années un développement spectaculaire. Cette surenchère
dans la dérision témoigne d'une profonde mutation du rapport au
politique et suscite une nouvelle écoute.
Les grandes idéologies de droite comme de gauche, qui ont
structuré l'univers politique durant presque deux siècles, se sont en
effet effondrées, parallèlement à la mutation profonde de l'ensemble
de nos systèmes de médiation. R. Girardet 1 observe que, notamment
durant les moments de rupture et de remise en cause idéologique,
de grandes poussées d'effervescence onirique sont à l'origine de
mouvements de mythification politique ; on peut se demander si la
désaffection actuelle caractéristique de ce rapport au politique ne
relève pas du même type d'attitude, en négatif: l'onirique dont il
parle serait dans le plus, l'excès, la fusion, et le satirique dans le
moins, le retrait, la distance. La démystification parodique comme
envers de la mythification politique.
« Seuls ceux qui vivent dans l'adhésion de leur foi se trouveraient
à même d'en exprimer la réalité profonde /.../ la seule vraie
connaissance/étant/de l'ordre de l'existentiel », poursuit R. Girardet
(p. 23). « Les " Guignols " » me font rire. C'est la raison pour
laquelle j'ai souhaité en parler, préciser leur portée parodique,
spécifier leur rapport au réel et à la chose politique2.
Une comédie bouffonne
Certains aspects des « Guignols » relèvent de la satire au sens le
plus traditionnel du terme. On peut en effet postuler une certaine
continuité de la dérision politique, depuis la mimésis grecque jusqu'à
nos jours, en passant par les bouffons de l'Empire romain, la farce
du Moyen Age et de la Renaissance, certains journaux révolution
naires et la caricature de presse façon Troisième République ; même
si cette continuité ne doit pas masquer les spécificités propres à
chaque époque, la dérision politique variant avec le déplacement
des lieux du pouvoir et la modification des vecteurs de communi-
1. Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986.
2. Le corpus de référence est constitué par l'enregistrement des émissions des
« Guignols de l'Info » diffusées entre le 8 février et le 2 avril 1993 (avec une
semaine d'interruption, correspondant aux «vacances» des «Guignols», entre le 22
et le 26 février), soit une période équivalant à la campagne législative de mars 1993.
54 cation. La démocratie parlementaire et l'ère du visuel, qui place la
télévision au premier plan, sont deux aspects déterminants de notre
société contemporaine ; et ce n'est pas l'une des moindres origi
nalités des « Guignols » que leur critique conjointe des journalistes
de télévision et des hommes politiques, le média télévisé étant ainsi
désigné comme un des hauts lieux du pouvoir au même titre que
d'autres lieux plus conformes à la tradition.
L'image constitue le vecteur privilégié de la communication
télévisuelle et la mise en scène spectaculaire du politique par les
« Guignols » emprunte nombre de ses effets à la tradition théâtrale,
où la farce constitue l'un des modes habituels de la dérision
politique.
Ainsi de certaines gesticulations grotesques de PPD, comme ses
coups de poing à la caméra, qui renvoient à une gestuelle de la
farce ; ou son parler nasillard qui, pour être parfaitement conforme
à la manière de P. Poivre d'Arvor, n'est cependant pas sans rappeler
l'interprétation traditionnelle du personnage d'Arlequin ; ou encore
des scènes de pugilat, entre « Brice » et « Antoine » ou entre
F. Mitterrand, P. Bérégovoy et L. Fabius, réunis sur un ring pour
suivre un « stage de résistance à la douleur » ; ou des coups de
pied au cul de Tapie écrasant de sa personne M. Rocard, le « futur-
ex-candidat- virtuel » (« et pour le vrai, on prend Nanard, d'ac
cord ? », conclut la marionnette Tapie). Contredisant la définition
de la politique comme euphémisation de la violence, ces scènes
réduisent l'univers médiatico-

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