Les monographies dialectales (domaine gallo-roman) - article ; n°1 ; vol.18, pg 8-41
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Description

Langue française - Année 1973 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 8-41
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jacqueline Picoche
Les monographies dialectales (domaine gallo-roman)
In: Langue française. N°18, 1973. pp. 8-41.
Citer ce document / Cite this document :
Picoche Jacqueline. Les monographies dialectales (domaine gallo-roman). In: Langue française. N°18, 1973. pp. 8-41.
doi : 10.3406/lfr.1973.5628
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1973_num_18_1_5628Picoghe, Université d'Amiens. Jacqueline
LES MONOGRAPHIES DIALECTALES
(DOMAINE GALLO-ROMAN)
I. Histoire d'un genre.
Le but de cet article est d'essayer de donner au lecteur non dialecto-
logue un aperçu de l'histoire du « genre » que constitue la monographie
dialectale, et une idée de sa variété, de son intérêt linguistique et extra
linguistique, en utilisant comme exemples les ouvrages les plus célèbres
ou les plus familiers à l'auteur.
A. — La dialectologie pré-scientifique.
Si une monographie est, selon la définition des dictionnaires, une
« étude complète et détaillée qui se propose d'épuiser un sujet précis rel
ativement restreint », il n'existe pas de « monographie » dialectale avant
le milieu du xixe siècle. Néanmoins, l'intérêt suscité par les dialectes est
antérieur à cette époque, et il peut être utile de passer rapidement en revue
les types d'ouvrages qui leur ont été consacrés pendant les siècles précé
dents, parce qu'ils peuvent éclairer certains aspects et faire ressortir les
caractères spécifiques des monographies parues depuis une centaine d'an
nées.
Cet intérêt remonte, semble-t-il, au xvie siècle : à ce moment, on est
déjà loin de l'état de choses du Moyen Age, où les œuvres littéraires de
langue d'oïl étaient écrites dans une langue commune inégalement teintée,
selon les auteurs, les genres littéraires et les scribes, de formes dialectales.
Le français, depuis déjà près de deux siècles, s'est définitivement imposé
comme langue littéraire. L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) vient
d'entériner un état de choses semblable en matière juridique. Les patois
sont parlés, certes, par la majeure partie de la population : les Agréables
conférences de deux paysans de Saint-Ouen et de Montmorency sur les affaires
du temps (1649-1651) révèlent que les habitants des deux localités en
question, c'est-à-dire de la proche banlieue nord de Paris, avaient un parler
de type picard. Mais l'idée qu'il y a une langue vraiment française, dont le
maniement correct permet d'accéder à la culture et de se faire une place
dans la bonne société est déjà installée et s'imposera de plus en plus dans les
villes de province. Le patois tend donc déjà à n'être que le langage
du peuple des campagnes.
8 à cette époque et dans ce contexte que le médecin et naturaliste C'est
suisse Conrad Gesner publie dans sa Bibliotheca universalis (1545-1555)
vingt-deux spécimens de l'Oraison dominicale, en plusieurs langues et
dialectes et que Ronsard conseille, dans son Abrégé de l'art poétique françois.
le recours au vocabulaire dialectal : « Tu sauras dextrement choisir et
approprier à ton œuvre les vocables plus significatifs des dialectes de
nostre France, quand ceux de ta nation ne seront assez propres ni signi-
fians, ne se faut soucier, s'ils sont gascons, poitevins, normans, manceaux,
lionnois ou d'autres pays, pourveu qu'ils soient bons, et que proprement
ils expriment ce que tu veux dire. » Les ouvrages des grammairiens de cette
époque sont pleins de remarques attribuant à telle province tel trait de
prononciation ou tel vocable particulier; mais aucun ouvrage cohérent
n'est alors consacré à l'étude des dialectes.
L'esprit classique n'était certes pas favorable à l'usage de parlers
autres que ceux de la Cour et de la Ville. Néanmoins, Ménage avait clair
ement compris l'intérêt qu'il y aurait eu pour lui à bien connaître le vocabul
aire des dialectes pour établir l'étymologie des mots français. Il faudra
attendre deux siècles pour que son intuition soit partagée par l'ensemble
des linguistes et devienne féconde. Mais on voit paraître, surtout au
xvine siècle, des glossaires explicatifs destinés à rendre accessibles des textes
d'intérêt historique ou juridique hérissés de termes anciens ou régionaux.
Tel, le Vocabulaire austrasien de J. François (1773). L'intérêt linguistique
d'ouvrages de ce genre, embrassant trop de siècles et trop de lieux différents
sans donner les précisions chronologiques et topographiques nécessaires,
est forcément restreint.
Enfin, à partir du xvne siècle, les patois donnent naissance à toute une
littérature satirique, burlesque ou pittoresque, sans prétentions, à très
faible diffusion, mais non dénuée de vitalité. Les Agréables conférences
déjà mentionnées en sont un exemple. De plus, L.-F. Flutre (1970) a
réuni un certain nombre de ces textes anciens dans Le Moyen picard, gros
ouvrage comportant un important lexique, une table des noms propres,
une phonétique, une morphologie et quelques remarques de syntaxe. On
peut citer aussi les Chansons et Pasquilles de François Cottignies dit
Brûle-Maison qui amusa Lille au début du xvine siècle. En 1738, paraissait
à Dijon la cinquième édition des Noei borguignon de Bernard de La Mon-
noye, augmentés d'un glossaire alphabétique des mots dialectaux attestés
dans ces noëls, qui constitue un intéressant petit recueil de mots de la
Côte-d'Or. Les quatre saisons ou les Géorgiques patoises de Claude Peyrot
parues à Millau en 1781 fournissent aussi la « liste et l'explication des mots
les plus éloignés de la langue française ». Ces deux dernières œuvres en
particulier apportent des matériaux intéressants par leur ancienneté,
et la précision de leur datation et de leur localisation.
Des travaux d'une tout autre inspiration furent anciennement consa
crés aux dialectes : ceux qui se donnaient pour but de les combattre et
d'enseigner aux provinciaux le bon usage de Paris. On publie des listes de
mots contre lesquels on met en garde les sujets parlants : en 1753, Marie-
Marguerite Brun, née Maison-Forte, originaire de Coligny et épouse d'un
procureur du roi à Besançon, publie dans cette ville (où elle vivait depuis
1730) un Essay d'un dictionnaire comtois-françois de 39 pages, où, dans le
but de corriger les provincialismes de ses compatriotes, elle relève les mots
qui ne sont pas français, ceux qui sont mal prononcés, et les tournures
syntaxiques vicieuses. En 1790, l'abbé Grégoire entreprend un recensement
des dialectes, qui aboutit, le 28 mai 1794, à un Rapport sur la nécessité
de détruire les patois au nom de l'unité nationale. Il est probable qu'une
9 arrière-pensée du même ordre (en même temps, sans doute, qu'une curiosité
plus désintéressée) a inspiré, en 1807, l'enquête par correspondance entre
prise par le baron Coquebert de Montbret, directeur du bureau de la statis
tique du ministère de l'Intérieur, chargeant tous les sous-préfets de fournir
une version de la Parabole de l'Enfant Prodigue en patois de leur arron
dissement. Un bref recueil anonyme de Locutions et prononciations vicieuses
usitées à Nantes et dans plusieurs autres villes occidentales de la France
est édité à en 1816. En 1833, paraît à Mantes, sous la signature
d'A. Cassan, une Statistique de V arrondissement de dont quatre pages
sont consacrées au patois du Heu, blâmé comme une preuve de barbarie
et d'ignorance, et fournissent une petite liste d'« expressions les plus
corrompues ».
Tous ces ouvrages, de petites dimensions, dans l'ensemble, constituent
ce qu'on pourrait appeler une « dialectologie indirecte », extrêmement
embryonnaire et dénuée de tout fondement méthodologique. La véritable
dialectologie, qui étudie les dialectes systématiquement et pour eux-mêmes,
sans esprit de dénigrement et sans préoccupation littéraire, a reçu une
première et décisive impulsion du mouvement romantique, de l'intérêt
qu'il portait au passé et à la « couleur locale ». Elle date d'une époque où
l'entre

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